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ce, & je n'ai pas cru pour une vingtaine de vers devoir me brouiller avec le premier Capitaine de no

REMARQUES.

mencer la Guerre, & lui remontroit que ce n'étoit que pendant la Paix qu'il pouvoit faire fleurir les Arts & les Sciences, & maintenir par le Commerce l'abondance dans fon Royaume. Ce fut pour feconder les vues de ce grand Miniftre, que M. Despréaux en 1669. compofa fa premiere Epitre, dans laquelle, en même tems qu'il loue le Roi comme Héros paisible, il ofe avec une généreufe liberté faire la Satire des Conquérans, en établiffant, que la véritable grandeur d'un Roi ne confifte pas à ravager la terre, mais à rendre fes Sujets heureux, en les faifant jouir de tous les avantages de la Paix. (M. de St. Marc a un peu étendu cette Remarque, dont le fond appartient à M. du Monteil; celui-ci ayant fait voir le vrai but de cette Epure, qui avoit été mal expliqué par M. Broffette.)

Ce fut par Madame de Thiange, Sœur du Maréchal de Vivonne & de Madame de Montefpan, que cette Epitre fut préfentée au Roi. Dans le tems qu'elle fut compo fée, l'Auteur travailloit au Lutrin. Pour louer le Roi d'une maniere nouvelle, il imagina l'Episode de la MoLeffe, à la fin du fecond Chant de ce Poëme. Cette ingénieufe fiction eut un fuccès extrêmement heureux. Le Roi, qui ne connoiffoit l'Auteur que par fes Satires, ordonna à M. Colbert de faire venir à la Cour le Poëte qui le fçavoit fi bien loüer. Quelques jours après il fut préfenté au Roi par M. de Vivonne. Il récita à Sa Majefté une partie du Lutrin, qui n'avoit pas encore paru, & quelques autres Pièces, dont elle fut très-fatisfaite. A la fin, le Roi lui demanda, quel étoit l'endroit de fes Poefies qu'il trouvoit le plus beau. 11 pria Sa Majefté de le difpenfer de faire un pareil jugement: ajou tant qu'un Auteur étoit peu capable de donner le jufte prix à fes propres Ouvrages; & que pour lui, il n'eftimoit pas affez les fiens, pour les mettre ainfi dans la balance. N'importe, dit le Roi, je veux que vous me difiez votre fentiment. M. Despréaux obéit, en difant que l'endroit, dont il étoit le plus content, étoit la fin d'une Epure qu'il avoit pris la liberté d'adreffer à Sa Majefté; & récita les quarante Vers qui terminent l'Epitre I. Cette fin, que l'Auteur avoit refaite depuis peu

re fiècle. Au refte je fuis bien aife d'avertir le Lecteur, qu'il y a quantité de Pièces impertinentes qu'on s'efforce de faire courir fous mon nom, & entr'autres ne (4) Satire contre les maltôtes eccléfiaftiques. Je

REMARQUE S.

& que le Roi n'avoit pas encore vue, le toucha fenfiblement. Son émotion parut dans fes yeux, & fur fon vifage. Il fe leva de fon fauteuil avec un air vif & fatisfait. Cependant, comme il étoit toujours matare de fes mouvemens, Voilà qui est très-beau, dit-il ; sela eft admirable. Je vous louerois davantage, fi vous ne m'aviez pas tant loué. Le Public donnera à vos Ouvrages les éloges qu'ils méritent; mais ce n'est pas affez pour moi de vous louer. Je vous donne une penfion de deux milLe livres j'ordonnerai à Colbert de vous la payer d'avance; & je vous accorde le privilége pour l'impression de tous yos Ouvrages. Ce font les propres paroles du Roi; & l'on peut croire que l'Auteur ne les avoit pas oubliées. Avant que le Roi eût ainfi parlé, M. de Vivonne, frappé de la beauté des Vers qu'il venoit d'entendre, prit brufquement l'Auteur à la gorge, & lui dit, par une faillie, que la préfence du Roi ne put retenir: Ah! Trattre, vous ne m'aviez pas dit cela. Notre Poëte revint de la Cour, comblé d'honneurs & de biens. Cependant ila dit plufieurs fois, que la premiere réflexion que lui infpira fa nouvelle fortune, fut un fentiment de trifteffe. I envisageoit la perte de fa liberté, comme une fuite inévitable des bienfaits, dont il venoit d'être honoré.

(4) une Satire contre les maltótes ecclefiaftiques.] Cett Satire commence par ces deux Vers affez mauvais.

Quel eft donc ce cahos, & quelle extravagance
Agite maintenant l'esprit de notre France ?

On attribue cette Pièce au P. Louis Sanlecque, Chanoine Régulier de S. Auguftin, de la Congrégation de France, ou de Sainte Geneviève, & Prieur de Garnai près de Dreux. Il étoit né à Paris en 1652. & mourut le 14. de Juillet 1714. âgé de 62. ans & fort regretté de fes Paroiffiens, qui étoient plus maîtres du

AVERTISSEMENT SUR L'EPITRE I.

ne crains pas que les habiles gens m'attribuent toutes ces Pièces; parce que mon Stile, bon ou mauvais, eft aifé à reconnoître. Mais comme le nombre des Sots eft grand, & qu'ils pourroient aisément s'y méprendre, il eft bon de leur faire fçavoir, que hors les (5) onze Pièces, qui font dans ce livre, il n'y a rien de moi entre les mains du Public, imprimé, ni en manufcrit.

REMARQUES.

ni

revenu de fa Cure que lui-même. Il avoit pris parti. dans la querelle au fujet de la Phèdre de Racine & de celle de Pradon en faveur du Duc de Nevers. Il fit à cette occafion un Sonnet, qui lui valut, de la part de ce Duc, la nomination à l'Evêché de Bethléem. Mais on fe fervit des Satires, qu'il avoit faites contre les faux Directeurs & les Evêques, pour le mettre mal. dans l'efprit du Roi, qui s'oppofa à fes Bulles. DE

ST. MARC.

(5) les onze Pièces.] Le Difcours au Roi, les neuf. premieres Satires & l'Epitre I. L'Auteur ne parle que de fes Ouvrages en Vers, & ne compte pas fon Dif cours fur la Satire, imprimé avec les onze Pièces, qu'il indique. DE ST. MARC.

AURO I.

GRAND

ND ROI, c'eft vainement qu'abjurant la
Satire,

Pour Toi feul deformais j'avois fait vœu d'écrire.
Dès que je prends la plume, Apollon éperdu

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Semble me dire: Arrête, infenfé, que fais-tu ? 5 Sçais-tu dans quels périls aujourd'hui tu t'engages? Cette mer où tu cours eft célèbre en naufrages.

REMARQUES.

IMIT. Vers 3. Dès que je prends la plume, Apollon éperau, &c.] Virgile a dit dans fon Eglogue fixieme, Vers 3.

Cùm canerem reges & pralia, Cynthius aurem

Vellit, & admonuit.

CHANG. Vers 5. Sçais-tu dans quels périls, &c.] Dans toutes les Editions qui ont précédé celle de 1701. il y avoit

Où vas-tu t'embarquer? regagne les rivages. L'Auteur avoit même mis dans la premiere compofition: Regagne le rivage.

Cette mer où tu cours eft célèbre en naufrage.

Mais fes amis lui confeillerent de mettre au pluriel, célèbre en naufrages, & regagne les rivages. Cependant, comme cette derniere expreffion n'eft pas tout-à-fait jufte, il l'a corrigée en changeant le vers entier. BROSS. Avec regagne le rivage, célèbre en naufrage au fingu

Ce n'eft pas qu'aifément, comme un autre à Ton char Je ne pûffe attacher Alexandre & Céfar;

REMARQUES.

lier étoit une faute de Grammaire; il falloit célèbre es naufrages au pluriel; mais avec célèbre en naufrages regagne les rivages faifoit une faute contre le bon fens, parce que, comme dit Des Marets dans fa Defense du Poëme Héroïque,,, il futfit à un Vaiffeau, qui eft en „danger, de gagner un port ou un rivage fans en ga gner plufieurs ". Des Marêts fait plus; il montre, & très-bien, que ces deux Vers:

Où vas-tu t'embarquer? regagne les rivages.

Cette mer où tu cours eft célèbre en naufrages.

ne font dans la bouche d'Apollon, qu'un Difcours infen fé. O vas-tu t'embarquer? dit-il au Poëte. Le Poëte n'eft donc pas encore embarqué. Regagne les rivages. On n'a point de rivage à regagner, tant qu'on est à terre. Ce Poëte eft donc encore à terre, & le Dieu lui confeille de ne fe point embarquer: à quel propos lui dit-il: Cette mer où tu cours ? Ces paroles peuventalles s'adreffer à qui n'eft point fur la mer? C'est à quoi fe réduit cette Critique de Des Marets, qui toute judicieufe qu'elle eft, eft fi mal écrite, que j'ai cru devoir me contenter de n'en offrir que l'extrait, quoique M. Du Monteil en ait copié tout au long les paroles.

DE ST. MARC.

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VERS 7. Ce n'eft pas qu'cifément, &c.] Au fujet de ce Vers & du fuivant, on lit dans le Bolaana, Nomb. XCXVI. M. Despréaux difoit affez volontiers dans la Converfation, c'est un tel Ouvrage, un tel Auteur que j'ai eu en vue, en faisant mes Vers; cependant il ne nous a jamais dit qu'il eût eu deffein d'attaquer » Corneille dans fa premiere Epitre au Roi, auquel il dit : Ce n'eft pas qu'aisément, comme un autre, à Ton char Je ne pale attacher Alexandre & Céfar.

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Corneille avoit pourtant donné belle prife au Satirique " par cette façon triviale de louer le Roi, que le même Corneille employa dans un Remerciment, qu'il fit à ce

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