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éclore, & de difcerner, foit par feniment foit par réflexion, les heureux effets qu'elles y produifent. De pareilles obfervations ne donneront pas fans doute le talent de l'Eloquence, qui eft un pur don du Ciel; mais elles peuvent perfectionner le goût, diriger le génie dans fon en:houfiafine, & redreffer même la nature, qui donne quelquefois dans des écarts: elles apprendront au moins à reconnoître tout ce qui eft caché fous le matériel des paroles, les fentiments auffi bien que les penfées, les affections de l'ame auffi bien que les idées de l'efprit, mille chofes importantes qui ne font pas énoncées, mais que les diverfes Figures décèlent & font fentir à ceux qui font inftruits.

Afin de préfenter le fyftême des Figures fous un point de vue lumineux & auffi naturel qu'il m'eft poffible, j'ôferai ne pas fuivre fcrupuleufefement les divifions reçues par le commun des grammairiens & des rhéteurs. Je les envisagerai dans les différentes parties du langage qu'elles modifient, & ce premier coup d'oeil donnera la divifion la plus générale des Figures; Figures de Diction, Figures de Syntaxe, Figures d'Oraifon, Figures d'Elocution, & Figures de Style: ce font comme autant de reffources ménagées pour les intérêts de l'Euphonie, de l'Energie, de l'Imagination, de l'Harmonie, & du Sentiment.

I. L'Euphonie, chargée de ménager la fenfibilité dédaigneufe de l'oreille, s'occupe, dans la Diction, des fons élémentaires qui en compofent les fyllabes, du nombre & de l'accent profodique de ces fyllabes, & de la manière plus ou moins agréable dont les diverfes combinaifons de toutes ces chofes peuvent affecter l'oreille. De là deux efpèces de Figures de Diction; les unes par Métaplafme ou transformation, & les autres par Confonnance.

1. Les Figures de Diction par Métaplafme, ou plus fimplement les Métaplafmes, confiftent dans des altérations faites au matériel primitif d'un mot ces altérations fe font ou par addition, ou par fouftraction, ou par mutation: l'addition donne naiffance à trois Métaplafmes, qui font la Profthefe, l'Épenthefe, & la Paragoge, trois autres fe font par fouftraction, favoir l'Aphérèfe, la Syncore, & l'Apocope; enfin la mutation en produit quatre, qui font la Diérèse, la Contraction, la Métathèse, & la Commutation.

2. Les Figures de Diction par Confonnance, principalement deftinées à rendre remarquable une pensée, une maxime, une relation particulière, &c, en fixant d'une manière marquée l'attention de l'oreille, fe font de deux manières : les unes admettent une Confonnance purement phyfique, parce que l'identité des fons n'entraine aucune analogie dans les idées, favoir l'Antanaclafe & la Paronomafe; les autres ont une Confonnance rationelle, parce que l'identité des fons y défigne de l'analogie entre les idées, favoir la Dérivation & le Polyptote.

II. L'Energie fe trouve fouvent génée par l'obfervation trop fcrupuleufe des règles de la Syntaxe; alors elle fe permet d'en altérer la plénitude ou l'ordre analytique: fi elle altère la plénitude de la phrafe, c'eft ou par addition ou par fouftraction, ce qui fait d'une part-l'Appofition, le Pléonafme, & d'une autre part l'Ellipfe; fi elle altère l'ordre analytique, c'eft en renverfant fimplement cet ordre par l'Inverfion, ou en le rompan: par l'Hyperbate.

:

III. L'Imagination a fouvent befoin d'être aidée par des images, ou elle vient elle-même, avec des images qu'elle fabrique, au fecours de l'intelligence; elle déroge alors aux conventions primitives qui avoient fixé la fignification de chacune des parties de l'Oraifon de là naiffent les Figures d'Oraifon, que les grammairiens défignent fous le nom général de Tropes; ils font fondés fur un rapport, ou de reffembiance, ou de fubordination, ou d'ordre, ou de co-existence, & ce font la Métaphore, la Synecdoche, la Métonymie, & la Métalepfe.

IV. L'Harmonie, toujours d'au ant plus parfaite qu'elle accommode les plaifirs de l'oreille avec les vûes de l'efprit, ou plus tô: qui n'exifte réellement que dans cet accord, décide ou doit décider les traits caractéristiques & les nuances locales que doit prendre la Diction, pour rendre avec plus de vérité & d'ame la Figure individuelle de chaque penfée. De là trois différentes efpèces de Figures d'Elocution, qui dépendent tellement du choix & de la difpofition des mots, que la Figure difparoît dès qu'on change les termes ou qu'on en dérange la difpofition, quoiqu'on ne touche pas au fonds de la pensée.

1. Les unes fe font par union: fi l'union eft marquée par des conjonctions expreffes, c'eft le Polyfyndeton; fi elle n'eft que rationelle & dans le fens feulement, c'eft l'Adjonction.

2. Les autres fe font par défunion : dans l'une les conjonctions font fupprimées, dans l'autre ce font les tranfitions; la première eft l'Affyndéton, la feconde eft la Disjonction.

3. D'autres enfin fe font par Répétition; & la Répétition y eft parallèle ou antiparallèle. La Répétition eft parallèle, quand les mots répétés font placés femblablement dans des membres femblables; ce qui produit, felon les pofitions, ou l'Anaphore, où la Converfion, ou la Complexion. La Répétition eft antiparallèle en deux manières : la première eft quand les mots répétés font dans le même membre, ce qui donne la Réduplication; la feconde eft quand les mots répétés font placés diversement dans des membres femblables, d'où naiffent l'Anadiplofe, la Concatenation, l'Épanadiplofe, & la Régreffion.

V. Le Sentiment, c'est à dire, la manière dont l'ame eft affectée des chofes que le difcours doit énoncer, eft une fource abondante de Figures qui

influent fur le Style, parce qu'il fait prendre aux penfées même des tours différents, felon la différence des impreffions qu'elles font fur l'ame de l'orateur, & qui fe tranfmettent dans celle de l'auditeur par un effet naturel de ce tour même.

1. Le tour de Developement eft une des plus riches fources où l'Eloquence puife, tantôt pour embellir, tantôt pour inftruire. Elle fait ufage, pour cela, de l'Expolition, de la Métabole ou Synonymie, de la Conglobation ou Énumération, de la Périphrafe, de l'Antonomafe, de la Sufpenfion, & de la Defcription: celle-ci, raifon de la différence des objets, fe foudivife en Chronographie, Topographie, Profopographie, Ethopée, Portrait, Hypotypofe, Définition, Image, & Parallèle.

à

2. Le défir de faire mieux comprendre ou d'inculquer plus profondément ce que l'on veut perfuader, fait prendre aux penfées un tour de Raifonnement, qui donne naiffance à d'autres Figures toutes propres à affûrer l'effet qu'on fe propofe. Telles font l'Exagération, l'Exténuation, la Communication, la Conceffion, la Prolepfe, la Subjection, & l'Epiphonéme.

3. Par un tour de Combinaifon, on rapproche, tantôt fous un afpect tantôt fous un autre, des objets différents qui reflètent en quelque manière les uns fur les autres, & qui en s'éclairant ajoûtent fouvent la chaleur à la lumière. De là viennent la Comparaifon, la Similitude, l'Allégorie, la Diffimilitude, l'Antithefe, l'Hyftérologie, l'Antimétalepfe, le Paradoxifme, l'Allufion, la Gradation, & la Paradiafiole.

4. Il y a un tour de Fiction, au moyen duquel la pensée ne doit pas être entendue littéralement comme elle eft énoncée, mais qui laiffe apercevoir le véritable point de vue en le rendant feulement plus fenfible & plus intéreffant par la Fiction même. De là naiffent l'Hyperbole, la Litote, l'Interrogation, la Dubitation, la Prétérition, la Réticence, l'Interruption, le Dialogifme, l'Épanorthofe, l'Epitrope, & l'Ironie: celle-ci fe foudivife, à raifon des points de vûe ou des tons, en fix espèces; favoir, la Mimèfe, le Chleuafme ou Perfiflage, l'Afteifme, le Charientifme, le Diafirme, & le Sarcasme.

5. Par un tour de Mouvement, l'ame femble s'élancer au dehors, traiter avec les objets abfents, & donner la vie & le fentiment à ceux mêmes qui en font le moins fufceptibles. Elle emploie alors la Commination, la Déprécation, l'Exclamation, l'Optation, l'Imprécation, le Serment, l'Apoftrophe, la Profopopée.

vous

Parcourez toutes ces Figures, & èlevez enfuite au deffus des détails, minutieux en apparence, mais néceffaires à connoître; vous jugerez alors de l'importance & de l'utilité des Figures dans le difcours. Une ftatue toute unie & toute d'une pièce depuis le haut jufqu'en bas, la tête

droite fur les épaules, les bras pendants, les pieds joints, n'auroit aucune grâce & paroitroit immobile & comme more: ce font les différentes attitudes des pieds, des mains, du vifage, de la tête, qui, variées en une infinité de manières felon la diverfité des fujets, communiquent aux ouvrages de l'art une espèce d'action & de mouvement, & leur donnent comme une ame & une vie. Tel eft auffi dans

un difcours l'effet des Figures difpenfées à propos & puifées dans la nature même du fujet que l'on traite fans elles, le difcours languit, tombe dans une espèce de monotonie, & eft prefque comme un corps fans ame; les Figures qui fe préfentent d'elles-mêmes, ménagées avec fageffe, difpenfées avec goût, afforties avec intelligence, contrastées avec entente, deviennent l'ame du difcours & y font de véritables principes de mouvement & de vie. C'est la pensée de Quintilien: (Inft. orat. Ix. ij.) Motus eft in his orationis atque actus; quibus detractis, jacet & velut agitante corpus Spiritu

caret.

Mais où trouver les règles du bon ufage des Figures? Dans la nature & dans l'exemple des grands écrivains, que l'unanimité des fuffrages a déclarés nos maîtres. Consulter la nature, la bien étudier, la prendre pour guide, c'eft la grande règle qu'ont fuivie les écrivains devenus enfuite nos modèles; & nous pourrons efpérer le même fuccès, quand pénétrés des véri és que nous expoferons, des fentiments que nous voudrons exciter, nous parlerons en effet de l'abondance du cœur: c'eft le cœur, dit Quintilien, qui rend les hommes diferts; & c'eft avec raifon que Boileau dit, (Art poët. 111.142.) d'après Horace (Art. 102.):

Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez.

que

Si, avec l'attention de ne fuivre les mouvements naturels, nous avons eu foin de cultiver notre propre fonds, de nous remplir des beautés des meilleurs modèles; il nous fera aifé de fentir ce qui eft décent & ce qui ne l'eft pas, ce que le bon fens adopte & ce qu'il rejette: car c'est du bon fens que les ouvrages d'efprit doivent tirer leur mérite, mais d'un bon fens éclairé par l'étude & la réflexion. C'eft encore une maxime d'Horace (Art. 309.):

Scribendi recè, fapere eft & principium & fons. (M. BEAUZÉE.)

par

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propre & celle qu'on lui fait fignifier dans le fens figuré; comme quand on dit qu'un homme brûle d'amour, que de fages confeils éclairent la Jeu aeffe, le feu de l'imagination, la lumière de l'efprit, la clarté d'un difcours, &c. Ce font donc les Tropes qui font prendre les mots dans un sens figuré. Voyez TROPE.

Il n'y a peut-être point de mots qui ne fe prenne en quelque fens figuré. Les mots les plus communs & qui reviennent fouvent dans le difcours, font ceux qui font pris le plus fréquemment dans des fens figurés: tels font Corps, Ame, Téte, Couleur, Avoir, Faire, &c.

Un mot ne conferve pas toujours dans une langue tous les fens figurés que fon correfpondant a dans une autre chaque langue a des vues qui lui font propres, foit à caufe de quelques ufages établis dans un pays & inconnus dans un autre, foit par quelque autre raifon purement arbitraire. Par exemple, le mot françois voix, dans un fens figuré, lignifie avis, opinion, fuffrage; mais le mot latin vox, qui y répond, ne peut jamais prendre ce fens figuré. Dans ce cas un traducteur doit avoir recours à quelque autre fens figuré, qui foit autorifé dans fa propre langue, & qui réponde, s'il eft poffible, à celui qu'il a à rendre dans fa langue originale.

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II. Une expreffion ou une phrafe eft figurée, ou quand elle exprime littéralement une chofe pour en fignifier une autre, comme dans la Métaphore, l'Allégorie, l'Ironie, &c. voyez ces mots; ou quand un terme s'y trouve affocié avec d'autres qui le détournent néceffairement de fon fens propre à un fens figuré. Prendre le mors aux dents, pour dire, Prendre fubitement le parti de faire mieux, eft une expreffion figurée par la Métaphore. Qui court deux lièvres n'en prend point, pour dire, Quand on fuit deux affaires à la fois, on rifque de manquer l'une & l'autre, eft une expreffion figurée par PAllégorie: Porter envie eft une expreflion figurée de la feconde efpèce, où le fens propre de Porter eft néceffairement altéré par le nom Envie qui l'accompagne.

Ces expreffions figurées méri-ent auffi l'attention des traducteurs, fi, rendues littéralement, elles ne font pas un bon effet dans la nouvelle langue. La traduction littérale eft bonne alors pour faire comprendre le tour de la langue originale; mais la traduction, qui doit faire entendre la penfée de l'auteur, doit s'attacher au tour qu'auroit pris l'auteur lui-même, s'il avoit parlé la langue dans laquelle on le traduit: il faut alors, autant qu'il eft poffible, remplacer l'expreffion figurée par une autre. Les latins difoient proverbialement & familièrement Laterem crudum lavare (Laver une brique crue), pour dire, Perdre fon temps & fa peine, Faire une chofe inutile; parce que qui laveroit une brique avant qu'elle fût cuite, ne feroit en effet que de la boue: nous avons en françois d'autres

expreffions proverbiales & familières qui répondent à celles des anciens; Perdre fon latin, Débarbouiller

un more.

III.On appelle ftyle figuré, non pas celui où l'on emploie des figures (car y a-t-il moyen de parler fans figures mais celui où l'on affecte d'employer beaucoup de mots en des fens figurés, c'est à dire, où l'on fait un ufage exceffif des Tropes. «L'ufage des figures demande beaucoup de difcernement & de prudence, dit M. Roliin (Etud. » liv. III. ch. iij. art. 2. §. 5.) Elles fervent comme » de fel & d'affaisonnemen: au difcours, pour re» lever le style, pour éviter une façon de parler

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vulgaire & commune, pour prévenir le dégoût » que cauferoit une ennuyeufe uniformité; & dès » lors elles doivent être employées avec mesure & » difcrétion. Car fi l'ufage en devient trop fré»quent, elles perdent cette grâce même de la » variété, qui fait leur principal mérite: & plus » elles font brillantes, plus elles choquent & laffent par une affectation vicieufe, qui marque » qu'elles ne font point naturelles, mais qu'elles font recherchées avec trop de foin & comme » amenées par force ». C'eft précisément la doctrine de Quintilien (Inft. orat. ix. iij.) Quo fi quis parce, & quum res pofcet, utetur, velut afperfo quodam condimento, jucundior erit: at qui nimium affectaverit, ipfam illam gratiam varieNam & fecreta & extra vulgarem ufum pofitæ, ideòque magis nobiles ut novitate aurem 'excitant, ita copiâ fatiant : nec fe obvias fuiffe dicenti, fed conquifitas, & ex omnibus latebris extractas congeftafque decla

tatis amittet .

rant.

Une fimplicité élégante & majestueuse caractérise les bons ouvrages des anciens; les figures n'y font point amenées de force; elles fortent naturellement du fujet : il en eft de même des ouvrages modernes qui ont obtenu la fceau de l'approbation publique, & il n'y a pas d'autre moyen de la mériter. C'est donc avec raifon que Molière fait dire à fon Mifanthrope (I. 2.) :

Ce ftyle figuré, dont on fait vanité,
Sort du bon caractère & de la vérité;
Ce n'est que jeu de mots, qu'affectation pure,
Et ce n'est point ainfi que parle la nature.
(M. BEAUZEE.)

L'imagination ardente, la paffion, le défir fou. vent trompé de plaire par des images furprenantes, produifent le ftyle figuré. Nous ne l'admettons point dans l'Hiftoire, car trop de Métaphores nuifent à la clarté; elles nuifent même à la vérité, en difant plus ou moins que la chose même.

dans

Les ouvrages didactiques réprouvent ce ftyle. II eft bien moins à fa place dans un fermon que une oraison funèbre parce que le fermon eft une inftruction dans laquelle on annonce la vérité;

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l'oraison funèbre, une déclamation dans laquelle on exagère.

La Poéfie d'enthoufiafme, comme L'Épopée, l'Ode, eft le genre qui reçoit le plus ce ftyle. On le prodigue moins dans la Tragédie, où le dialogue doit être auffi naturel qu'élevé; encore moins dans la Comédie, dont le ftyle doit être plus fimple.

C'eft le goût qui fixe les bornes qu'on doit donner au ftyle figuré dans chaque genre. Balthazar Gratian dit, que les pensées partent des vafies côtes de la mémoire, s'embarquent fur la mer de l'imagination, arrivent au port de l'efprit, pour être enregistrées à la douane de l'entendement. C'eft précisément le tyle d'Arléquin; il dit à fon maître, La balle de vos commandements a rebondi fur la raquette de mon obéiffance. Avouons que c'est là fouvent ce ftyle oriental qu'on tâche d'admirer.

Un autre défaut du ftyle figuré eft l'entaflement des Figures incohérentes. Un poète, en parlant de quelques philofophes, les a appelés

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On eft encore plus furpris que ce ftyle appelé marotique ait eu pendant quelque temps des approbateurs. Mais on ceffe d'être furpris, quand on lit les épitres en vers de cet auteur; elles font prefque toutes hériffées de ces Figures peu naturelles & contraires les unes aux autres.

Il y a une épitre à Marot qui commence ainsi :

Ami Marot, honneur de mon pupitre,
Mon premier maître, acceptez cette épitre
Que vous écrit un humble nourrifsson
Qui fur Parnaffe a pris votre écusson,
Et qui jadis en maint genre d'efcrime
Vint chez vous feul étudier la rime.

Boileau a dit dans fon épitre à Molière,

Dans les combats d'esprit savant maître d'efcrime.

Du moins la Figure étoit jufte. On s'efcrime dans un combat; mais on n'étudie point la rime en s'efcrimant; on n'eft point l'honneur du pupitre d'un homme qui s'efcrime; on ne met point fur un pupitre un écuffon pour rimer à nourriffon: tout cela eft incompatible; tout cela jure.

Une Figure beaucoup plus vicicufe eft celle-ci :

Au demeurant affez haut de ftature,
Large de croupe, épais de fourniture,
Flanqué de chair, gabionné de lard,
Tel en un mot que la nature & l'art,
En moiffonnant les remparts de fon ame,
Songèrent plus au fourreau qu'à la lame,

La nature & l'art qui maçonnent les remparts d'une ame, ces remparts maçonnés qui fe trouvent être une fourniture de chair & un gabion de lard, font affúrément le comble de l'imperti

nence.

Voici une Figure du même auteur, non moins fauffe & non moins compofée d'images qui fe détruifent l'une l'autre:

Incontinent vous l'allez voir s'enfler
De tout le vent que peut faire souffier
Dans les fourneaux d'une tête échauffée,
Fatuïté fur Sotife greffee.

Le lecteur fent affez que la Fatuïté, devenue un arbre greffé fur l'arbre de la Sotife, ne peut être un foufflet, & que la tête ne peut être un fourneau. Toutes ces contorfions d'un homme qui s'écarte ainsi du naturel, ne reffemblent pas affûrément à la marche décente, aifée, & mefurée de Boileau. Ce n'eft pas là l'Art poétique.

Y a-t-il un amas de Figures plus incohérentes,

plus

!

plus difparates, que cet autre paffage du même poète?

Oui, tout auteur qui veut fans perdre haleine

Boire à longs traits aux fources d'Hipocrène,

Doit s'impofer l'indifpenfable loi

De s'éprouver, de descendre chezsoi,

Et d'y chercher ces femences de flamme

Dont le vrai feul doit embrafer notre ame:
Sans quoi jamais le plus fier écrivain
Ne peut prétendre à cet effor divin.

Quoi! pour boire à longs traits il faut defcendre dans foi & y chercher le vrai des femences de feu, fans quoi le plus fier écrivain n'atteindra point à un effor? Quel monftrueux affemblage! quel inconcevable galimathias!

On peut dans une Allégorie ne point employer les Figures, les Métaphores, & dire avec fimplicité ce qu'on a inventé avec imagination. Platon a plus d'Allégories encore que de Figures; il les exprime fouvent avec élégance & fans fafte.

Prefque toutes les maximes des anciens orientaux & des grecs font dans un ftyle figuré. Toutes ces fentences font des Métaphores, de courtes Allégories: & c'est là que le ftyle figuré fait un très-grand effet, en ébranlant l'imagination & en fe gravant dans la

mémoire.

Nous avons vu que Pythagore dit, Dans la tempête adorez l'écho, pour fignifier, Dans les troubles civils retirez-vous à la campagne. N'atLifez pas le feu avec l'épée, pour dire, N'irritez pas Les efprits échauffés.

Il y a dans toutes les langues beaucoup de proverbes communs qui font dans le style figuré. ( VOLTAIRE.)

(N.) FIN, DÉLICAT. Synonymes.

Il fuffit d'avoir affez d'efprit, pour concevoir ce qui eft fin; mais il faut encore du goût, pour entendre ce qui eft délicat. Le premier eft au deffus de la portée de bien des gens; & le second trouve peu de perfonnes qui foient à la fienne.

Un difcours fin eft quelquefois utilement répété à qui ne l'a pas d'abord entendu ; mais qui ne fent pas le délicat du premier coup, ne le fentira jamais. On peut chercher l'un, & il faut faifir

l'autre.

Fin eft d'un ufage plus étendu; on s'en fert éga lement pour les traits de malignité, comme pour deux de bonté. Délicat eft d'un fervice comme c'un mérite plus rare; il ne fied pas aux traits malins, & il figure avec grâce en fait de chofes flatteufes. Ainfi, l'ondit Une fatyre fine, Une louange délicate. V.FINESSE, DÉLICATESSE. ( L'abbé GIRARD.)

(N.) FIN, SUBTIL, DÉLIÉ. Synon.

Un homme fin marche avec précaution par des chemins couverts; un homme fubtil avance adroitement par des voies courtes; un homme délié va d'un air libre & aifé par des routes sûres.

GRAMM. ET LITTÉRAT. Tome II.

La défiance rend Fin; l'envie de réuffir, jointe à la présence d'efprit, rend Subtil; l'usage du monde & des affaires rend Délié.

Les normands ont la réputation d'être très-fins; les gafcons paffent pour fubtils; la Cour fournit les gens les plus déliés. (L'abbé GIRARD.)

(N.) FINAL, E, adj. Appartenant à la fin, Déterminant la fin. Jugement final. Sentence finale. Impénitence finale. Perfévérance finale.

Les grammairiens appellent Lettre finale, la dernière lettre de chaque mot; & Syllabes finales; les dernières fyllabes des mots, celles qui font les rimos. Voyez RIME.

Les maîtres d'écriture appellent finales, certaines lettres courantes dont la figure indique qu'elles peuvent s'employer, ou même qu'elles doivent uriquement s'employer à la fin des mots.

Il y a, dans l'alphabet hébreu & dans l'alphabet grec, des lettres finales de cette espèce: en hébreu, par exemple, les lettres tsade, phe, noun, mem, chaph, dont les figures au commencement fe figurene ainfi, quand elles font finales; le figma fe figure ainfi à la fins, comme on le voit dans le mot μéros (medius.) ( M. BEAUzée. )

,כמנפצ ou au milieu des mots font

σ

*FINESSE, Philofophie, Morale, & BellesLettres. C'eft la faculté d'apercevoir, dans les rapports fuperficiels des circonftances & des chofes, les facettes prefque infenfibles qui fe répondent, les points indivifibles qui fe touchent, les fils déliés qui s'entrelacent & s'uniffent.

La Fineffe diffère de la pénétration, en ce que la pénétration fait voir en grand, & la Fineffe en petit détail. L'homme pénétrant voit loln; l'homme fin voit clair, mais de près: ces deux facultés peuvent fe comparer au télescope & au microscope. Un homme pénétrant, voyant Brutus immobile & penfif devant la ftatue de Caton, & combinant le caractère de Caton, celui de Brutus, l'état de Rome, le rang ufurpé par Céfar, le mécontentement des patriciens, &c, auroit pu dire : Brutus médite quelque chofe d'extraordinaire. Un homme fin auroit dit: Voilà Brutus qui fe complaît à voir les honneurs rendus à fon oncle; & auroit fait une épigramme fur la vanité de Brutus. Un fin courtisan, voyant le défavantage du camp de M. de Turenne, auroit dit en lui-même, Turenne fe bloufe; un grenadier pénétrant néglige de travailler à fon logement, & répond au Général : Je vous connois, nous ne coucherons pas ici.

pro

La Fineffe ne peut fuivre la pénétration; mais quelquefois auffi elle lui échape. Un homme fond eft impénétrable à un homme qui n'eft que fin; car celui-ci ne combine que les fuperficies: mais l'homme profond eft quelquefois furpris par l'homme fin; fa vûe hardie,vafte, & rapide, dédaigne ou néglige d'apercevoir les petits moyens; c'eft Hercule qui court, & qu'un infecte piqué au talon.

P.

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