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EMILIE.

Rien, maman. Vous favez bien que je n'aime pas à me promener aux

Tuileries.

LA MERE.

Sais-je cela? Je crois que vous me l'apprenez en ce moment.

EMILI E.

Et moi, je crois que je ne m'y promenerai plus davantage, à moins que ce ne foit avec vous. Tenez, maman, vivent nos promenades de la campagne! J'ai découvert que j'ai de la vocation pour la vie champêtre, & que je n'aime plus Paris. Cette uniformité d'allées, ces cohues, tout ce monde oifif & regardant, qui ne fait comment faire pour perdre fon temps...

LA MER E.

Voilà des réflexions un peu aufteres, mais vraiment philofophiques. EMILIE.

Et qui le perd encore d'une ma

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Mais vous le favez bien, maman, c'est toujours en épluchant les paffans... Je trouve cela, comme vous, bien méprisable.

LA MER E.

Quoi, y avait-il encore des noeuds de manches?

EMILIE.

Non, maman. Il n'y avait que ce bruit confus & uniforme comme les allées, ce froufrou de robes, ce gazouillage général & infipide qui airifle & qui ne dit rien à l'ame.

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LA MERE.

Comment, vous mettez auffi lame de la partie! Je vois bien, ma chere amie, que vous voulez prendre le ton à la mode.-ben07 980

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EMILI E.

Tout cela eft à périr d'ennui & ne me va plus. Et puis, quand on fort...

t

LA MERE.

On s'en revient chez foi affez mé

contente.

EMILIE.

On rencontre des gens bien impolis & qui ne favent guere vivre.

LA MER E.

Et qui donc ?

EMILIE.

Imaginez, maman, que je trouve à la porte deux dames & un monfieur qui entraient, & qu'en passant devant moi, une de ces dames jete un regard fort indifférent fur moi, & dit à l'autre d'un air diftrait: Elle ferait affez jolie, fi elle n'était pas fi noire, LA MERE.

Ah, ah! C'est donc à la rencontre de ces dames que vous devez ce grand

fonds de philofophie & ce goût décidé pour la vie champêtre ?

EMILIE.

Mais de quoi fe mêlent-elles? Con venez, maman, qu'il faut avoir la tête & le cœur bien vuides pour paffer fon temps à faire de telles remarques. Vous aviez bien raifon l'autre jour de dire que les gen's d'un certain efprit ne s'occupaient guere des imperfections des autres. Je voudrais demander à ces dames, qui les a chargées de favoir fi les petites filles qui paffent devant elles font noires ou blanches.

LA MERE.

Et moi, de quel droit elles gâtent la promenade à mon enfant, & pourquoi elles font tort à ce bean jardin des Tuileries, qui a déja affez de peine à conferver un peu de réputation, depuis que nous faifons des jardins

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Ne l'ont-elles enlaidi pas par leurs propos, au point de vous faire prendre cette promenade en averfion? EMILIE.

Ah, il s'y promenera affez de monde fans moi. Au refte, voilà ce que c'eft que d'aller dans les lieux publics avec fa bonne. On a l'air petite fille, & tout le monde croit pouvoir vous manquer d'égards fans conféquence. Si j'avais été avec vous, ma chere maman, cela ne me ferait pas arrivé. LA MERE.

Et vous en feriez revenue beaucoup plus blanche.

EMILIE.

Mais, maman, l'on eft comme on

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