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François Pithou, Advocat en Parlement.

A Famille de Meffieurs. Pithou eft ori

Lginaire de la Ville de Vire en Norman

die. Dans le dénombrement des Gentilshommes qui fe croiferent en l'année 1160; il est fait mention d'un Guillaume Pithou, qui portoit les mefmes Armes que portent encore aujourd'huy les Pithou de la Ville de Troyes. Le pere de celuy dont je parle, trés habile Jurifconfulte au rapport de toute la Champagne, qui recouroit à luy pour ef tre reglée fur tous fes differens, & felon le témoignage de Cujas mefme, eut deux enfans, Pierre & François, non feulement di gnes de luy, mais qui le furpafferent. On trouveroit icy le Portrait & l'Eloge de Pierre Pithou, qui eftoit l'aifné, s'il n'eftoit point mort dans le fiecle precedent, & fi nous ne nous eftions pas impofé la loy de ne point fortir du fiecle où nous vivons; car c'eftoit un homme tres-digne d'occuper une place dans ce Recueil. Son merite extraordinaire le fit choifir par Henri III. pour eltre fon Procureur General en la Chambre de Juftice qu'il envoya dans la Guyenne en l'année 1582. & il fut un de ceux qui travailla le plus utilement, & avec le plus de

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zele,

zele, à la reddition de Paris fous l'obeiffance du Roy Henri IV.

François Pithou fon frere, qui eft celuy dont je fais l'Eloge, nâquit à Troyes en l'année 1544. Ce fut un des plus fçavans hommes de fon temps, qui fit de grandes découvertes dans la Jurifprudence & dans les belles Lettres. Nous luy devons les Fables de Phedré, que l'on n'avoit point encore veuës, & qui eftoient demeurées en manufcrit dans la pouffiere des Bibliotheques depuis le temps d'Augufte. Il envoya ce Manufcrit à fon frere, & l'ayant relu enfemble ils le mirent auffi toft fous la preffe. Ce fut un grand prefent qu'ils firent au Public, & les belles Lettres leur en font bien redevables, puifqu'il eft vray qu'il n'y a rien dans toute l'Antiquité de mieux narré, ni avec une plus grande délicateffe que les Fables de cet Auteur, ni où on trouve une Latinité plus pure.

François Pithou paffa prefque toute fa vie à faire revivre les anciens Auteurs, foit en les corrigeant, foit en les illuftrant par des Notes tres-fçavantes & tres-curieuses. Perfonne n'a jamais fceu un Auteur Grec ou Latin, quel qu'il foit, plus parfaitement qu'il les poffedoit tous enfemble, pour les avoir conferez avec les plus vieux exemplaires, & pour les avoir digerez par une longue & profonde meditation. Perfonne n'a eu auffi une connoiffance plus exacte de l'Hiftoire de France, & de celle de toute l'Europe, de mesme que des mœurs & des coûtumes de

tous

tous les differens peuples qui la composent connoiffance qu'il avoit acquife avec un tra vail inconcevable, tant par la lecture des Auteurs qui en ont traité, que par la com munication des Regiftres des Villes, des Parlemens, des Chambres des Comptes, des Eglifes, & des Monafteres dont il avoit tranfcrit de fa main tout ce qu'il avoit jugé digne d'eftre remarqué : En forte qu'il eftoit preft de répondre non feulement fur tous les differens qui peuvent naistre entre les particuliers, en leur faifant voir ce que les Loix, les Ordonnances & les Ufages en ont reglé, mais de donner de bons confeils pour le maniement des affaires publiques. Auffi quoy qu'il n'ait poffedé aucune Charge de Magiftrature, il n'a pas laiffé de contribuer beaucoup au bien de la Patrie, par les bons avis qu'il donnoit à ceux qui alors eftoient en place.

Il fonda un College dans la Ville de Troyes où il y a encore exercice, & qui ne fleurit pas moins aujourd'huy qu'aux premiers jours de fon inftitution. Le Roy Henri IV. le nomma Procureur General de la Chambre de Juftice contre les Gens d'affaires, où il donna de grandes marques de fa fuffifance & de fa fermeté. Il fut auffi choifi par ce mefme Prince pour affifter à la Conference qui fe fit à Fontainebleau entre le Cardinal du Perron, & le Sieur du Pleffis-Mornay, fur le Livre que ce dernier avoit compofé contre la Meffe. Quand il fut queftion de regler les limites entre la France & les Pays

Bas,

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Bas, & de reconnoiftre quelles eftoient les anciennes bornes de ces Eftats, il fut du nombre de ceux à qui la commission en fut donnée.

Il eftoit occupé à faire imprimer les Fragmens de l'Hiftoire de Saint Hilaire Evefque de Poitiers, lors qu'il tomba malade de la maladie dont il mourut le 7, Fevrier 1621. Il eftoit âgé de foixante-dix-fept ans fix mois & dix-fept jours. C'etoit un homme d'une vertu tres-exacte, & d'une modeftie tres-exemplaire. Il n'a jamais voulu fouffrir qu'on mift fon nom à aucun des Ouvrages qu'il a donnez au Public, quoy que ces Ouvrages foient excellens, & luy faffent beaucoup d'honneur.

Nicolas le Fevre, Précepteur de Louis XIII.

C

Eluy dont j'entreprens ici l'Eloge a réüni en fa perfonne deux qualitez qui ne fe rencontrent pas ordinairement enfemble, une profonde érudition, & une tresgrande fimplicité. Ce dernier avantage luy venoit du bon fond de fon naturel, & de l'éducation Chrêtienne qu'il avoit receuë de fes parens; pour l'autre, il le tenoit de fon application continuelle à l'étude. Il nâquit, le 4. Juillet 1543. & commença fes eftudes

au

au College de la Marche, où il penfa mourir dés les premieres années de fon enfance par un accident bien fingulier & bien cruel. ́Il tailloit une plume, ce qu'il en avoit emporté avec le canif luy fauta dans l'œil, où voulant porter la main dans le moment, à caufe de la douleur vive qu'il reffentit, il y porta auffi la pointe du canif, qui luy creva l'œil de telle forte que toute l'humeur qu'il renfermoit en fortit, & fe répandit fur l'habit de fon frere qui eftoit proche. Il en tomba griévement malade; & lors qu'il revint en fanté, il fembla que la force de l'œil perdu effoit paffee toute entiere dans l'autre ceil, dont il voyoit auffi clair que des deux quand il les avoit. Son pere effant mort, fa mere eut toute l'attention poffible à faire que rien ne manquaft à fes eftudes. Quand il eut achevé fes Humanitez & fa Philofophie, elle f'envoya avec fon frere à Turin, enfuite à Pavie, & enfin à Boulogne pour y apprendre le Droit fous d'excellens Maîtres qu'il y avoit alors en ces Pays-là, pour ne rien obmettre de ce qui pouvoit contribuer à former fon efprit & les mœurs. Il continua de voyager pendant l'année 1571, par toute l'Italie, où eftant prefque impoffible de mettre le pied en aucun endroit qu'on ne marche fur quelque monument venerable de l'Antiquités il remarqua une infinité de chofes qui dans la fuite luy furent d'une grande utilité dans fes eftudes.

A l'âge de 18. ans il prit la refolution de vivre dans le celibat; & fur ce qu'un de fes

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