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LES

CHAPITRE IIL

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Des Enterremens.

Es Enterremens en Mofcovie se font avec beaucoup de ceremonie, comme toutes les autres actions publiques. Dès que le malade eft decedé, on envoye querir les parens & les amis du défunt, lefquels s'étant rendus au logis, se rangent à l'entour du corps, s'excitant à pleurer, afin d'aider les femmes, & ils demandent au défunt à peu près comme font les Turcs, pourquoi il s'eft laiffé mourir, fi fes affaires n'étoient pas en bon état s'il manquoit de manger & de boire, fi fa femme n'étoit pas affez belle & affez jeune, fi elle lui a manqué de fidelité, &c. L'on envoye auffi en même temps un prefent de biere, d'eau de-vie & d'hidromel au Prêtre, afin qu'il faffe des prieres pour l'ame du défunt, On lave bien le corps, & après l'avoir revêtu d'une chemife ou d'un linceuil, on lui chauffe des fouliers faits de cuir de Ruffie fort délié, & on le met dans le cercueil, les bras paffez fur l'estomac en forme de croix, & l'ayant couvert

d'un drap ou de fa cafaque, on le porte à l'Eglife. Si c'eft une perfonne riche, & que la faifon le permette, on ne l'enterre pas auffi-tôt, mais on le garde huit ou dix jours, pendant lefquels le Prêtre lui donne de l'encens & de l'eau benite tous les jours.

L'ordre du Convoi fe fait de la maniere fuivante. A la tête marche un Prêtre, qui porte l'Image du Saint qui a été donné au défunt à fon baptême pour lui fervir de Patron. Après cela fuivent quatre filles des plus proches parentes du défunt, qui fervent de pleureuses, & qui rempliffent l'air de leurs cris & de lamentations effroyables, & d'un ton fi bien concerté & fi jufte, qu'elles ceffent toutes à la fois, pour recommencer en même temps & par divers intervalles. Après cela fuit le corps, que fix hommes portent fur leurs épaules; & fi c'eft un Religieux ou une Religieufe, fes confreres lui rendent cer office. Les Prêtres marchent auprès du corps de tous côtez, l'encenfent pour en éloigner les mauvais efprits, & chantent quelques Pfeaumes. Les parens & amis fuivent le corps, & marchent en confufion, tenant chacun un cierge à la main. Etant arrivez auprès de la fosse

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l'on découvre la biere, & l'on tient l'Image de fon Saint fur lui, tandis que le Prêtre fait quelque priere, en difant souvent: Seigneur, regarde cette ame en juftice, & quelque autre paffage de leur Liturgie, pendant que la veuve continue fes pleurs, & que l'on fait au mort les demandes dont nous avons déja parlé. Après cela les parens & amis prennent congé du défunt en le baifant.

Le Prêtre s'approche enfuite, felon Olearius, & met entre les doigts du mort un billet, figné du Metropolitain du lieu & du Confeffeur. Ce billet, qui doit fervir de paffeport pour le voyage de l'autre monde, eft conçu en ces termes: Nous fous-fignez Metropolitain,

Prêtre de cette Ville de N. reconnoiẞons certifions par ces prefentes, que N. por seur de nos lettres, a toûjours vêcu parmi nous en bon Chrétien, faisant profeffion de la Religion Grecque. Et bien qu'il ait quelquefois peché, il s'en eft confeffé, enfuite il a reçû l'Abfolution & la Communion en remiffion de fes pechez. Il a reveré Dieu & les Saints, il a fait fes prieres & jeûné aux heures & aux jours or donnez par l'Eglife, & s'eft gouverné fi bien avec moi, qui fuis fon Confeßeur, que je n'ai point de fujet de me plaindre de lui,

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ni de lui refufer l'Abfolution de fes pechez. En témoignage de quoi nous lui avons fait expedier le prefent Certificat, afin que Pierre le voyant lui ouvre la porte à la joie immortelle. Dès qu'on lui a donné ce paffeport, on ferme la biere, & on le met dans la foffe, le visage tourné vers l'Orient. On retourne au logis du défunt, où l'on trouve le dîner prêt, où fouvent on noye l'affliction dans l'hidromel & dans l'eau-de-vie. Leur deuil dure quarante jours, pendant lequel ils font trois feftins aux parens du défunt; fçavoir, le troifiéme, le neuviéme & le vingt-uniéme jour après l'enterrement.

Il y en a qui font bâtir une hute fur leur tombeau, qu'ils couvrent de nattes, pour le Prêtre qui y fait fix femaines durant des prieres pour le défunt. Encore que les Mofcovites ne croyent pas qu'il y ait un Purgatoire, ils croyent cependant, au dire d'Olearius, qu'il y a deux lieux, où les ames fe retirent, les unes dans un lieu plaifant, & les autres dans un tenebreux, les premieres ont la converfation des Anges, les autres celle des diables. Les plus aifez font des aumônes tous les jours pendant fix femaines. Les Mofcovites permettent à toute forte de Nations & de Religions del de

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imeurer parmi eux; mais ils ne veulent point fouffrir, ni les Juifs, ni les Catholiques Romains. Les Lutheriens & les Reformez ont deux Temples à Moscou, & d'ailleurs il y a beaucoup de Lutheriens & de Reformez qui négocient dans. toute la Mofcovie.

CHAPITRE IV.

Diverfes obfervations fur le Culte des Mofcovites.

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Es Mofcovites imitent les Grecs dans 'Architecture de leurs Eglifes, mais fort groffierement: la fculpture, ou re prefentation de Saint ou de Sainte, eneft entierement bannie, & ils regardent le culte qu'on leur rend comme un culte idolâtre. La veille de certaines Fêtes ils paffent la nuit dans les Eglifes, à fe prof terner de temps en temps, à faire des fignes de Croix, & à fraper la tête contre terre. Un autre Auteur que celui que nous avons déja cité, nous rapporte qu'il y a des intervalles dans leur fervice, pendant lefquels il eft permis de s'entretenir d'affaires. A la Pentecôte on remplit les Eglifes de branches d'érable, que

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