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une Tribune élevée de trois marches & couverte d'un riche tapis de Perfe, fur laquelle on pofe trois chaifes de brocard, éloignées les unes des autres à égale dif tance; l'une pour le Grand Duc, l'autre pour le Patriarche; & fur la troifiéme on met le Bonnet & le Manteau Ducal. Le Bonnet eft en broderie de perles & de diamants, ayant au milieu une houpe, où il pend une petite Couronne toute chargée de diamants; & le Manteau eft d'un riche brocard doublé de la plus belle Marte Zibeline.

Dès que le Czar eft entré dans l'Eglife, le Clergé commence fes Hymnes lefquels étant achevez, le Patriarche fait la priere à Dieu, à Saint Nicolas & aux Saints, pour les prier d'affifter à la folemnité du jour. Après la priere, le premier Confeiller d'Etat prenant le Grand Duc par la main, le prefente au Patriarche, & lui dit : Puifque les Kneaz & les Boyars reconnoiffent le Prince ici prefent pour le plus proche parent du feu Grand Duc, & pour l'heritier legitime de la Couronne, ils defirent que comme tel vous le couronniez prefentement. Sur cela, le Patriarche fait monter le Prince fur la Tribune, & l'ayant fait affeoir dans une des trois chaises, il

lui porte au front une petite Croix de diamants, & le benit; après quoi un des Metropolitains prononce la priere fui

vante.

Seigneur, nôtre Dieu, Roi des Rois, qui as élu ton Serviteur David par ton Prophete Samuel, & qui l'as fait facrer Roi fur ton Peuple d'Ifraël, exauce nôtre priere, que nous te prefentons quoi qu'indignes. Regarde du haut des Cieux ce tien fidele Serviteur, qui eft ici affis fur cette chaise, &que que tu as racheté par le fang de ton Fils. Oins-le d'huile de lieffe. Protege-le de ta vertu. Mets fur fon chef un diadême precieux. Donne-lui une vie longue & beureufe. Mets en fa main un Sceptre Royal, & le fais affeoir fur le Thrône de Justice. Affujetti-lui toutes les Langues Barbares. Que fon cœur & fon entendement demeurent conftamment en ta crainte. Qu'en tout le cours de fa vie il rende une obeißance. continuelle à tes Commandemens. Eloigne de fa Perfonne & de fon Regne toute herefie & tout fchifme. Enfeigne-lui à proteger, & à obferver tout ce que la Sainte Eglife Grecque commande & ordonne. Fuge ton Peuple en justice, & fais mifericorde aux pauvres, afin qu'au fortir de cette vallée de larmes, ils puiffent être reçûs aux joyes éternelles. Le Patriarche conclut la priere.

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par ces paroles: Car à toi eft le regne, la puissance & la gloire. Dieu le Pere, Dien le Fils, & Dieu le S. Efprit demeurent

avec nous.

La priere étant achevée, le Patriarche ordonne à deux Metropolitains de prendre le Bonnet & le Manteau; & ayant fait monter quelques Boyars fur la Tribune, il leur ordonne d'en revêtir le Grand Duc, qu'il benit encore en lui touchant le front de la petite Croix de diamants. Après cela il leur fait auffi donner le Bonnet Ducal pour le lui mettre fur la tête, pendant qu'il dit, Au nom du Pere, du Fils, & du Saint Efprit. Il le benit encore pour la troifiéme fois. Enfuite le Patriarche fait approcher tous les Prelats, qui donnent auffi la benediction au Grand Duc, mais de la main feulement. Cela étant fait, le Grand Duc & le Patriarehe s'afleient; mais ils fe levent auffi-tôt pour chanter la Litanie, dont tous les verfets finiffent par Seigneur ayez pitié de nous, y mêlant toûjours le nom du Grand Duc. Après la Litanie ils fe raffeient, & un des Metropolitains s'approche de l'Autel, & dit en chantant; Dieu conferve nôtre Car & Grand Duc de tous les Rußes, que Dien nous a donné en fon amour, en bonne fante

& en une bonne heureufe vie. Tous ceux qui s'y trouvent prefens, tant Ecclefiaftiques que Seculiers, repetent les mêmes paroles, & font retentir l'Eglife de cris de joye, Les Boyars, qui font la Nobleffe de Mofcovie, s'approchent alors du Grand Duc, fe battent le front en fa prefence, & lui baifent la main, Cela étant fait, le Patriarche le prefente feul devant le Grand Duc, & lui dit; que puifque par la Providence de Dieu tous les Etats du Royaume, tant Ecclehaftiques que Seculiers, l'ont établi & couronné Grand Duc fur tous les Ruffes, & lui ont confié la conduite d'un Etat d'une fi grande importance, il eft obligé d'appliquer toutes fes penfées à aimer Dieu, à garder les Commandemens; à adminiftrer la Juftice, & à proteger & conferver la vraye Religion Grecque. Après cela le Patriarche lui donne la benediction, & toute la compagnie fort de l'Eglife, pour entrer en celle de S. Michel l'Archange, qui est vis-à-vis de l'autre, où l'on recommence les Litanies, comme auffi enfuite en l'Eglife de S. Nicolas, où l'on acheve les ceremonies, pour aller dîner dans la grande Sale du Palais Ducal, & c'est par-là que finit la ceremonie du Couronnement.

Le Grand Duc donne tout fon Domaine à ferme, & le revenu qu'il en tire eft employé à la fubfiftance de fes troupes, dont il eft obligé, à cause de la vafte étenduë de fes Etats, d'entretenir un grand nombre, tant dans la Ville de Mofcou, où il y a plus de feize mille hommes, que fur les Frontieres; de forte que le nombre de la milice ordinaire monte à plus de cent mille hommes; & même, fi nous en croyons quelques Auteurs, ce Prince ne fait pas la guerre à fi bon marché que divers autres Princes, étant obligé d'appeller grand nombre d'Officiers & de Soldats Allemans & autres Etrangers qu'il n'arrête à son service qu'en leur donnant des gages extraordinaires, & en les payant exactement exactement, & même fouvent par avance. Les Ambaffades qu'il reçoit ne lui coûtent pas moins que cel les qu'il envoye, parce qu'il deffraye toutes les perfonnes publiques, & leur fait des prefens fort confiderables. La dépenfe de fa Table & du refte de fa Cour eft fort grande, comme étant compofée de plus de mille perfonnes qui ont bouche en Cour.

Le Gouvernement Politique de l'Etat de Mofcovie eft Monarchique & Defpotique.

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