Imágenes de páginas
PDF
EPUB

HISTOIRE

A BREGE' E
DE LA

MOSCOVIE.

Recüellie des meilleurs Hiftoriens.

CHAPITRE I.

De l'origine de la Mofcovie, du climat, des herbes & des fruits, des bonnes & mauvaifes qualitez de cet Etat de fes Peuples.

A Mofcovie n'eft proprement que le nom d'une Province, qui a reçû fon nom de la Riviere de Moska, & dont Mof

cou eft la Capitale; mais comme l'Ifle de France communique fon nom à tout

le Royaume; de même par la Mofcovie on entend d'ordinaire tout ce grand Païs qui eft fous l'obéiffance du Grand Duc, ou Czar. La Mofcovie, qu'on nomme auffi Ruffie Blanche, ou Grande Ruffie, eft une partie de l'ancienne Sarmatie, qu'on nomme Ruffie, du nom des anciens Peuples Roxolans, ou du mot Roffcia, qui fignifie en langage du Païs, Peuple ramaffé, à caufe des Nations differentes qui l'ont habitée; Ruffie Blanche, à caufe des neiges qui y couvrent la campagne près des deux tiers de l'année; & Grande Ruffie, à cause de l'étendue du Païs & qu'elle eft la plus grande region de l'Europe.

500

[ocr errors]

Son étendue eft depuis le so degré jufqu'au 70 degré de latitude ce qui fait environ 400 lieuës, & depuis le so degré jufqu'au 92 degré de longitude, qui eft l'extremité de l'Europe ce qui fait environ soo lieuës; fans y comprendre ce que le Czar poffede dans la Tartarie, ce qui feroit d'étendue jufqu'au 110 degré de longitude. Elle eft bornée au Septentrion, par la Mer Glaciale; au Midi, par la Riviere de Don ou Tanaïs, & la petite Tartarie; à l'Orient, la Grande Tartarie, & à l'Occident, par la Pologne, la Suede & la Norvege.

par

[ocr errors]

L'air de Mofcovie eft extrêmement froid, particulierement vers le Septentrion, où l'on voit des neiges & des glaces les trois quarts de l'année. Comme la terre en eft prefque toûjours couverte, cela fait qu'elle conserve la chaleur neceffaire pour faire pouffer l'herbe, dès que la neige achevé de fe fondre. La neige même & la glace unif fent tellement le chemin pendant l'hiver, qu'il n'y a prefque point d'inégalité, & qu'on y peut voyager avec une facilité qui ne fe trouve point ailleurs. Les Mofcovites fe fervent pour cela de traîneaux, qui font fort bas, faits d'écorce de tillot, doublé d'un gros feutre. Comme les chevaux de Mofcovie font de fort petite taille, ils font propres pour cette forte de voiture, parce qu'étant vites & infatigables, ils font fouvent huit, dix ou douze lieuës d'une traite.

Si le froid eft incommode en hiver en Mofcovie, la chaleur ne l'eft pas moins en êté; non pas tant à caufe de l'ardeur des rayons que le foleil y darde, qu'à caufe des mouches, coufins, guêpes & autres infectes, que le foleil engendre. dans les étangs & les marais, qui occupent une partie du Païs, & ces infectes font en fi grande quantité, que jour &

nuit on a peine à s'en deffendre. Mais nonobftant les marais & les forêts, dont toute la Mofcovie eft prefque couverte, les terres que l'on cultive ne laiffent pas d'être extrêmement fertiles; car excepté le territoire de la Ville de Mofcou, qui eft fabloneux & fterile, l'on ne fçauroit donner fi peu de façon aux parties meridionales, qu'elles ne produifent plus de bled & de fourrage que le Païs n'en fçauroit confommer; & les Hollandois avoüent que la Mofcovie leur eft ce que la Sicile étoit autrefois à la Ville de Rome. Les Habitans ne labourent pour la plupart qu'autant de terre qu'il leur en faut pour les faire fubfifter tout le long de l'année, fans fe foucier de l'avenir.

Il y a une grande difference entre la Mofcovie & la Livonie, quoiqu'elles ne foient feparées que par la riviere de Narva: dans l'un & dans l'autre de ces deux Etats, on y fait les femailles & la recolte en moins de deux mois; mais les Mofcovites ont cet avantage fur les Livonois, que les Mofcovites ferrent leur bled fec, & en état d'être battu, au lieu que les Livonois font contraints de le faire fecher au

feu par le moyen d'un grand four, bâti au milieu d'une grange, où ils mettent leurs gerbes fur des poutres ou fur des

1

folives, jufqu'à ce que la chaleur les ait fi bien fechées, qu'en batant d'une baguette le bout de la gerbe, ou l'épi, l'on, en fait fortir le grain, fans qu'il foit befoin de le battre. Dans les Provinces de Mofcovie qui ne font point fi fort avancées vers le Nord, & particulierement auprès de Mofcou, il y a de fort excellents fruits, & entre autres des pommes, des poires, des noix, des pêches, des abricots, des cerifes, des prunes, des grofeilles, &c. Il eft vrai que n'ayant pas le temps. de fe cuire au foleil, le fruit n'eft pas de garde, comme en Allemagne & aux Païs plus meridionaux. Ils ont auffi toute forte de légume, des herbes potageres, de l'oignon, des racines, des concombres, des citrouilles & des melons, ceux-ci y font très-excellens, en grande quantité, & quelques-uns d'une groffeur extraordinaire. Ils ont une. adreffe toute particuliere pour cultiver ce dernier fruit. Il n'y a pas long-temps que l'on y voit des fleurs, & que l'on a commencé à les cultiver, & qu'on s'eft appliqué au jardinage, à quoi on a assez bien réüffi. Les Marchands Hollandois, & Allemans y ont depuis peu planté des afperges, qui aujourd'hui produifent en abondance.

« AnteriorContinuar »