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tique. Le Grand Duc en eft Seigneur hereditaire, & tellement abfolu, qu'il n'y a point de Kneaz ou Seigneur en tout l'Etat, qui ne fe croye faire ho neur en prenant la qualité de Golop ou d'Efclave de fa Majefté. Ils prennent à prefent, par ordre du Czar, la qualité de Raab, qui fignifie Sujet ; mais ils n'en font pas plus libres; car il n'y a point de maître qui ait plus de pouvoir fur fes Efclaves, que le Grand Duc en a fur fes Sujets, de quelque condition ou qualité · qu'ils puiffent être.

Ils donnent à leur Souverain la qualité de Grand Seigneur, de Czar & de Majefté Czarienne, depuis qu'ils ont appris que le nom de Cefar que porte l'Empereur, tenoit le premier rang dans l'Europe, fuppofant que le mot de Czar a la même étymologie; & c'eft dans cette vûë, comme nous rapportent quelques Hiftoriens, que Jean Bafile commença à faire mettre dans fes Armes un Aigle à deux têtes, mais avec des aîles moins déployées que celles de l'Empire. On voit fur l'eftomach de cet Aigle un Ecuffon, où il y a un Cavalier, qui reprefente S. André combattant un Dra gon; fur les têtes des deux Aigles une couronne, & entre deux & au-deffus en

core une autre ; ces trois couronnes font,, l'une pour la Mofcovie, & les deux autres pour le Royaume de Caffan & d'Af

tracan

Il n'y a point de Peuple, comme on le vient de dire, qui ait plus de veneration pour fon Souverain que les Mofcovites, & ils apprennent même à leurs enfans à parler du Czar comme de Dieu même, non feulement dans leurs Fêtes & leurs Affemblées publiques; mais auffi dans leurs feftins & dans leurs difcours ordinaires. Le Grand Duc n'eft point. fujet aux Loix, & il n'y a que lui dans toute la Mofcovie qui en faffe, & tous. les Peuples de fon Empire lui obéillent avec une fi grande déference, que tant s'en faut que l'on s'oppose a sa volonté, qu'ils difent au contraire que la juftice & la parole de leur Prince. eft facrée & inviolable.

Il crée feul les Gouverneurs des Provinces & les Magiftrats, les dépofe & les chaffe, & fait punir avec un pouvoir abfolu: en quoi il fuit les principes de ceux qui font paffer le Pouvoir Defpotique comme la plus fage & la plus prudente politique. Il a feul le droit de declarer la guerre aux Princes fes voisins, & de faire la paix avec eux, felon fon

bon plaifir, & s'il prend confeils des Kneaz & Boyars, il ne fuit leurs avis que felon fa volonté & felon qu'il le

juge à propos.

Le Grand Duc établit & leve feul les tailles & les impôts, & les regle à fa fantaisie. Autrefois, il traitoit les Ambaffadeurs & les Miniftres des autres Princes avec beaucoup de mépris, fur tout du temps de Jean Bafile; mais aujourd'hui on en ufe tout autrement; on reçoit les Amdafladeurs avec beau coup de civilité, & on les défraye depuis le jour qu'ils entrent dans les Etats du Grand Duc, jufqu'au jour qu'ils en fortent. On les regale auffi de prefens: c'eft pourquoi l'on ne craint point d'y envoyer des Ambaffadeurs. Les prefens que fait le Grand Duc, confiftent en fourrures ; & dans des Ambaffades folennelles fa Majefté Czarienne en a envoyé qui ont excedé un million de livres. On ne défraye pas feulement les Ambaffadeurs étrangers, de vivres, mais auffi de voitures, & il y a fur le chemin des relais établis pour l'avancement de leur voyage, par le moyen des Païfans, qui font obligez de fe tenir prêts avec un certain nombre de chevaux, & de marcher au premier ordre qu'on leur

envoye. On dédommage ces Païfans, en les exemptant de tailles; & par ce moyen en fix ou fept jours on peut faire plus de fix vingt lieues d'Allemagne, & dans l'hiver en traîneau en quatre ou cinq jours. Il eft vrai que les maisons, où logent les Ambaffadeurs font mal meublées & fi on ne veut point couque > cher à terre ou fur un banc, il faut porter avec foi des lits; mais les Mofcovites n'en ufent pas autrement pour euxmêmes. Autrefois on retenoit les Ambaffadeurs comme prifonniers, & on leur donnoit des gardes jufqu'à la premiere audience, mais on ne les oblige plus aujourd'hui à cette retraite.

CHAPITRE VI

Des Peuples de Mofcovie, de leurs Maurs & de leur Gouvernement.

L ne faut pas s'étonner fi la plus grande

covites comme des Peuples groffiers & brutaux, & en effet la conduite de la plupart a été telle. Le peu de relation qu'ils ont toûjours eu avec les autres Etats de l'Europe, a donné occafion en

partie à tenir toûjours ces Peuples dans l'ignorance. Mais l'attention du Monarque qui eft aujourd'hui à la tête de l'Empire de Mofcovie, & qui prend une conduite fort differente de fes Predeceffeurs pour civilifer fon Peuple, & le fain qu'il a pris lui-même de s'inftruire, a en partie metamorphofé cet Empire, ou du moins la Cour du Grand Duc. Autrefois les Grands Seigneurs fe faifoient razer la tête, mais à present on fe conforme pour la coiffure pour l'habillement à la maniere Européenne.

comme

La taille des femmes n'eft ni trop grande ni trop petite, mais fort bien proportionnée; elles ont le vifage beau: autrefois le fard les défiguroit par la maniere groffiere dont elles en faifoient ufage. Les femmes mariées ferrent les cheveux dans leurs bonnets, mais les filles les laiffent traîner en deux treffes fur le dos, & les noient par le bout, d'une houpe de foye cramoifi.

Leurs habits ci-devant avoient quelque chofe de celui des anciens Grecs. Leurs chemises étoient larges, mais fort courtes, & unies vers le con. Les plus riches faifoient broder le colet de leurs chemifes, auffi-bien que le poignet ou

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