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bout des manches, & l'ouverture de l'eftomach, de foie de diverfes couleurs & quelquefois d'or ou d'argent & de perles, qu'ils faifoient paffer pardeffus la camifolle, afin que l'on vît cette broderie, auffi-bien que les deux groffes perles ou agraffes d'or & d'argent dont ils fermoient le devant de leurs chemifes. Leurs chauffes étoient larges & pliffées vers la ceinture. Sur cela ils portoient une ef-pece de camifolle qu'ils appelloient Kafan, & pardeffus un juftaucorps qu'ils appelloient Hongreline, qui leur alloit jufqu'au gras des jambes, & qui étoit garni ou doublé de coton, de taffetas ou de fatin, felon la qualité des perfonnes.. Quand ils fortoient, ils mettoient une vefte, qui leur alloit jufqu'aux talons, de drap tanné ou violet, avec des boutons jufqu'aux extremitez. Celles des perfonnes de qualité étoient de damas, de fatin ou de brocard. Ils portoient auffi des bonnets au lieu de chapeaux. Les Kneaz, les Boyars & les Miniftres d'Etat en portoient aux ceremonies, de Renard noir ou de Marte Zibeline, de là hauteur d'une demi-aune; mais dans le logis ils en avoient de velours doublé de la même fourrure. Le commun Peuple fe couvre en Eté de bonnets de feu

tre blanc, & en Hiver de bonnets de drap fourrez de peaux de mouton ou de quelques autres peleteries. Leurs botines font courtes, comme celles des Polonois, & pointuës vers les doigts des pieds.

Les femmes s'habilloient à peu près comme les hommes, finon que leurs Hongrelines étoient plus larges. Les riches les faifoient chamarer fur le devant, de paffement d'or & d'argent, ou de foye, & fe fervoient de boutons à queuë de la même étoffe, ou bien de gros boutons d'argent ou d'étain pour les fermer... Les manches de leurs chemises, qui étoient de trois ou quatre aunes de long,étoient pliffées à petits plis fur les bras. Voilà quel étoit ci-devant leur habillement, & quel il peut être encore à peu près de ceux qui fe conforment aux an-ciennes coûtumes de Mofcovie; mais au-jou d'hui la Cour du Czar s'habille à la maniere Angloife.

Il n'y avoit rien de plus groffier, de plus barbare & de plus incivil, que l'étoient ci devant ces Peuples, & que le peuvent être encore une partie ; car il n'eft pas poffible qu'un auffi grand Empire fe puiffe metamorphofer, pour ainfi dire, en fi peu de temps. Il eft certain cependant que fi fa Majefté Czarienne

& fes fucceffeurs continuent à y faire fleurir les Sciences & les Arts, à permettre à leurs Sujets de voyager, & aux Etrangers de voyager & negocier librement dans leurs Etats, on verra en moins d'un fiecle la plupart des chofes changer de face, finon entierement, du moins en partie.

Les Mofcovites ne manquent pas d'efprit, mais pour la plûpart ils l'employent fort mal; & l'épite que leur a donné un Ambaffadeur qui a été en Mofcovie, c'eft qu'ils font fins, ruzez, contredifans, opiniâtres, infolens & impudens, reglant la raifon fur leur pouvoir. Leur industrie & la fubtilité de leur efprit paroît principalement dans leur trafic, où il n'y a point de fineffe ni de tromperie dont ils ne fe fervent pour fourber les autres, plûtôt que de fe défendre de l'être. Ils ont très peu de complaifance les uns pour les autres, ni guere plus de déference pour les Etrangers. La prefomption & l'orgueil de ceux qui fe fentent tant foit peu avancez en honneurs & en biens eft infupportable, & leurs paroles & leurs actions font connoître ce qu'ils font en effet, & c'eft fur ce principe qu'ils fondent l'opinion avantageufe qu'ils ont de la grandeur & de la puiffance de leur

Prince.

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Prince. Ils s'imaginent, nous dit O-
learius, qu'ils feroient tort à leur Prin-
ce, s'ils traitoient avec quelque civilité
les Etrangers.
Cet Auteur nous les

dépeint encore comme étant fort que-
relleurs, de forte qu'à les voir çà & là
dans la rue fe prendre de paroles & fe
dire des injures avec beaucoup d'animo-
fité, ceux qui ne les connoiffent point,
croiroient qu'ils ne fe fepareront jamais
fans fe battre, & néanmoins ils en vien-
nent rarement à ces extremitez, ou s'ils
fe battent, c'est à coups de poing ou de
foüet, & leurs derniers efforts fe font
à coups de pieds; & on n'a encore gue-
re vû que les Mofcovites fe foient bat-
tus entr'eux à l'épée & à coups de pisto-
let, ou qu'ils fe piquent de cette bravou-
re en laquelle plufieurs font faussement
confifter le veritable courage. Les Kneaz
& Boyars même fe battent à cheval à
coups de fouet, & vuident ainfi leurs
querelles fur le champ.

Ils font infolens, dit Olearius, & proferent des paroles infames. Les Grands Ducs ont voulu y remedier, mais fans fuccez, à moins que ce ne foit fous le prefent Gouvernement. Neanmoins pour mettre à couvert les perfonnes de qualité de ces infultes, on a fait un Reglement,

ne

qui impofe des amendes, jufqu'à deux mille écus, felon la qualité de la perfonoffenfée. Si c'eft un Officier du Grand Duc qui s'en plaint, on lui paye autant d'amende qu'il a d'appointement à la Cour. On la double pour une Dame, & on l'augmente du tiers pour le fils d'un Officier du Czar.

Ci-devant, on n'y connoiffoit point les belles Lettres; mais fi le Prince, qui eft à la tête de ce vafte Empire, prend tant de foin à cultiver les fciences en general, il y a lieu de croire qu'on verra un fort grand changement chez ces Peuples. Les femmes, pour la plûpart, ne font pas plus polies, que les hommes, & il n'est pas mal aifé de reconnoître leur mauvaife éducation par deurs poftures dans leurs danses & dans les étuves. Comme l'oifiveté eft la mere de tous les vices, c'eft cela, dit le même Auteur, qui les porte à l'intemperance. L'yvrognerie eft fi commune, que toute forte de perfonnes fans exception, tombent dans ce défaut, on n'en excepte pas même les Ecclefiaftiques, de forte qu'hommes & femmes, jeunes & vieux, boivent de l'eaude-vie à toute heure. Quelques Grands Seigneurs ne ne font pas exempts de ce vi

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