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ce, ainfi que l'on le vit en Suede en 1608 dans la perfonne d'un Ambaffadeur envoyé à Charles IX. Roy de Suede, lequel au lieu de ménager fa qualité, & les affaires que fon Maître lui avoit confiées, prit tant d'eau-de-vie la veil le de fa premiere Audience, que le lendemain, ayant été trouvé mort dans fon lit, on fut contraint de le porter en terre, au lieu de le conduire à l'Audience. Les gens de baffe condition ne fe contentent pas de demeurer au cabaret jufqu'à ce qu'ils y ayent laiffé le dernier Copeek de leur bourfe, mais ils y engagent bien fouvent même leurs habits, & Olearius nous rapporte qu'étant à Novogorod en 1643, il voyoit fouvent de ces yvrognes fortir d'un cabaret, les uns fans bonnet, les autres fans bas, fans fouliers, & même fans camifolle & en chemife. Il en vit entr'autres un qui en fortit, fans Kafan & en chemife; mais qui ayant rencontré un de fes amis qui prenoit le chemin du cabaret, y retourna avec lui, & n'en fortit point qu'il n'y eut laiffé fa chemife. Je l'appellai, dit le même Auteur, & lui demandai ce qu'il avoit fait de fa chemife, & s'il avoit été volé, il me répondit, felon fa civilité ordinaire, Va te

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promener, c'est le Cabaretier & fon vin qui m'ont mis dans cet état, mais, dit-il, puifque la chemife y eft demeurée, j'y veux auffi laiffer les Caleçons. Il ne m'eut pas plûtôt dit cela qu'il retourne au cabaret, d'où il fortit peu de temps après nud comme la main, couvrant fes parties d'une poignée de fleurs qu'il avoit cueillies près de la porte.

Les femmes ne font pas plus de difficulté de s'enyvrer que les hommes, & fouvent elles viennent trouver leurs maris pour être de l'écot.

Le naturel méchant des Mofcovites, & la baffeffe en laquelle ils font nourris, joint à la fervitude, pour laquelle ils femblent être nez, fait que l'on eft contraint de les traiter en bêtes plûtôt qu'en perfonnes raifonnables. Et ils y font fi bien accoûtumez, qu'il eft comme impoffible de les porter au travail fi on n'y employe le fouët ou le bâton, dont ils ne fe plaignent pas beaucoup, parce qu'ils font endurcis aux coups par la coûtume que les jeunes gens ont de fe divertir à coups de poing & de bâton. Les Mofcovites eftiment fi peu l'avantage de la liberté, que ceux qui font nez libres, mais pauvres, fe vendent avec toute leur famille pour peu de chofe,

& ils ne font pas difficulté de fe vendre encore une fois après avoir recouvré leur liberté par la mort de leur Maître, ou par quelque autre occafion.

On reconnoît la baffeffe de leur naturel, fur tout lorfqu'ils fe prefentent devant des perfonnes de condition, ils s'inclinent jufqu'à terre, laquelle même ils battent du front pour les remercier, après qu'ils en ont été battus. Les Etrangers qui s'établiffent à Mofcou, font obli gez aux mêmes foumiffions, fur tout envers le Grand Duc ; & quelque part qu'on ait dans fes bonnes graces, il faut fi peu de chofe pour meriter le fouet, qu'il n'y a perfonne qui fe puiffe vanter d'en être exempt. Autrefois il n'y en avoit point qui fuffent plus fujets à ce châtiment que les Medecins, parce que les Mofcovites croyoient que cet Art étoit infailli ble, & que l'évenement de la maladie dépendoit toûjours de la volonté de ceux qui faifoient profeffion de guérir les malides. C'est pourquoi en 1602, Jean Duc de Holftein, qui avoit époufé la fille du Grand Duc Boris Gudenou, étant tombé malade, le Czar fit dire aux Medecins que s'ils ne le guérilfoient, leur vie répondroit de celle du Prince. Les Medecins voyant que la force du mal

éludoit l'effet des remedes, & qu'il étoit impoffible de fauver le Prince, fe cacherent, & n'oferent point fe prefenter devant le Grand Duc, jufqu'à ce que les douleurs de la goute l'obligeaffent à les faire chercher. Un Allemand, entr'autres, après avoir exercé quelque temps la Medecine, s'avifa de vouloir aller querir fes Licences en Allemagne, mais le Grand Duc, qui voulut fçavoir le fujet de fon voyage, ayant appris qu'il y álloit pour le faire examiner, pour recevoir enfuite le Degré de Docteur que la Faculté des Medecins donne & confirme par fes Lettres Patentes; il lui dit qu' yant été fouvent foulagé par fes remedes, il étoit affuré de fa fuffifance, & que pour ce qui étoit des Lettres, il lui en donneroit d'auffi autentiques qu'aucunes des plus fameufes Univerfitez d'Allemagne, & qu'ainfi il fe pafferoit bien de la peine qu'il fe donneroit & de la dépenfe de ce voyage. Ce Medecin étoit du nombre de ceux qui s'étoient cachez après la mort du Duc de Holstein dont nous avons parlé ; croyant que le Grand Duc l'envoyeroit querir pour le faire mourir, il mit un mechant habit dechiré, & ayant les cheveux negligemment abbatus fur le vifage, il fe prefenta en

cet état à la porte de la chambre du Grand Duc, où il entra à quatre pattes, & s'étant approché du lit, il dit qu'il ne meritoit point de vivre, & encore moins de fe trouver en la prefence de fa Majefté, puifqu'il étoit affez malheureux pour avoir attiré fur lui fa difgrace. Sur cela un des Kneaz qui étoit auprés du Duc, croyant faire plaifir au Prince, le traita de chien, & lui donna un coup de botte dont il fut bleffé à la tête; mais le Medecin ayant apperçû que le grand Duc le regardoit de bon ceil, en voulut fai re fon profit, & fe raffurant, il dit: Grand Prince, je fçai que je fuis vôtre eftlave, mais je vous fupplie de me permettre de dire que je ne fuis que le vôtre. Fe fçai que j'ai merité la mort, & je m'eftimerois heureux de la recevoir de vôtre main mais il me fâche de me voir outragé par ce Kneaz, qui eft vôtre esclave aussi-bien què moi, & je ne crois je ne crois pas que votre intention Joit que quelqu'autre que vous air pouvoir fur ma perfonne. Ces paroles & le befoin que le Grand Duc avoit du Medecin, obtinrent pour lui un prefent de mille écus, le pardon pour les autres Medecins, & des coups de bâton de bâton pour le

Kneaz.

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Les principaux Seigneurs de Mofcovie

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