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n'achettent quafi rien : ils fe fervent de ces feftins, comme d'hameçons pour attraper des prefens qu'ils tirent de ceux qui ne font point de qualité & qui font obligez de payer bien cherement l'honneur que les Kneaz & Boyars leur fort en ces rencontres. Les Marchands Etrangers fçavent particulierement ce que cet honneur leur doit coûter & ils ne l'affectent que pour s'aquerir la bienveillance des Seigneurs, dont ils peuvent avoir befoin. Les weivodes ne manquent pas de faire de ces feftins deux ou trois fois l'an dans leurs Gou

vernemens.

,

Les Kneaz & les Boyars n'ont pas feulement des penfions & des appointemens confiderables, mais auffi de grands revenus en fond de terre. Les Marchands & les Artisans s'entretiennent de leur commerce & de leurs mêtiers. Ceux qui peuvent fortir de l'Etat, & qui ont permiffion de trafiquer en Perfe, en Pologne, en Suede & en Allemagne, y portent, non feulement des zibelines & d'autres fourures; mais auffi du lin, du chanvre & du cuir de Ruffie.

Les Artifans n'ont pas beaucoup de peine à gagner de quoi faire fubfifter leur famille, vû la grande abondance de

toute forte de vivres qu'il y a en Mofcovie.

Il n'y a point de Mofcovite, de quelque condition qu'il puiffe être, qui ne dorme après dîner; ce qui fait que fur le midi l'on trouve quafi toutes les boutiques fermées, & les Marchands ou leurs garçons endormis devant la boutique ; de forte qu'à ces heures l'on ne parle non plus aux perfonnes de qualité, ni aux Marchands qu'à l'heure de minuit.

L

CHAPITRE VII.

Des Mariages.

'On ne permet en aucune façon aux garçons & aux filles de fe voir, & encore moins de fe parler de mariage, ou d'en faire aucune promeffe entr'eux de bouche ou par écrit. Mais quand ceux qui ont des enfans à marier trouvent un parti qu'ils croyent leur convenir, ils en parlent aux parens du garçon, & leur témoignent le defir qu'ils ont de faire alliance entr'eux. Si les autres agréent la propofition, & fi celui que l'on recherche demande à voir la fille, on le refuse absolument; toutefois fi elle est

belle, on confent que la mere ou quelque autre parent la voye ; & fi on la trouve fans défaut, ou du moins d'effertiel, les parens traitent entr'eux des conditions du Mariage, fans que les accoTMdez fe voyent. Car ils nourriffent leurs filles dans des chambres fort retirées, mais particulierement les perfonnes de condition; on les enferme de forte que même le marié ne voit fon époufe que lorfqu'on la lui amene dans la chambre, & ainfi il arrive quelquefois que tel qui croit avoir une belle fille en a une contrefaite, & même qu'au lieu de la fille de la maison, on lui donne une autre parente, ou bien une fervante. Ainfi on ne fe doit pas étonner du mauvais ménage qui regne affez fouvent entr'eux.

Quand les Seigneurs ou Kneaz marient leurs enfans, l'on nomme de la part du marié une femme qu'ils appellent Suacha, & une autre de la part de la mariée, qui donnent conjointement les ordrés neceffaires pour les nôces. Celle de la part de la mariée va le jour des nôces au logis du marié, & y dreffe le lit nuptial. Elle fe fait accompagner d'une grande fuite, qui portent fur leurs têtes les chofes neceffaires pour le lit & pour la chambre des mariez. Le lit fe dreffe fur

quarante gerbes, que le marié fait coucher par ordre, & le fait entourer de plufieurs tonneaux pleins de froment, d'orge & d'avoine.

Tout étant en ordre, le marié part de chez lui fur le tard, accompagné de tous fes parens, ayant devant lui à cheval le Prêtre qui le doit marier. Il trouve à l'entrée du logis de fa fiancée tous les parens, qui le reçoivent avec les fiens; que l'on convie de fe mettre à table. L'on y fert trois plats; mais perfonne n'en mange; & on laiffe au haut de la table une place vuide pour le marié. Pendant qu'il s'entretient avec les parens de la mariée, un jeune garçon l'occupe, & ne s'en ôte point que le marié ne l'en faffe fortir à force de prefens. Après que le marié a pris fa place, l'on amene la mariée fuperbement parée, ayant le vifage couvert d'un voile. On la fait affeoir auprès du marié; mais afin qu'ils ne fe puiffent point voir, on les fépare d'une piece de taffetas rouge cramoifi, que deux jeunes garçons tiennent pendant qu'ils font affis.

Après cela la Suacha de la mariée s'approche d'elle, la peint, trouffe fes cheveux en deux nœuds lui met la couronne fur la tête, & acheve de l'habil

ler

ler en épousée. La couronne eft de feüille d'or ou d'argent doré battu fort mince,doublée d'une étoffe de foie. La mariée a vers les oreilles cinq ou fix rangs de groffes perles, qui lui pendent für le fein. Sa robbe qui eft à manches larges, d'une aune & demie, eft brodée d'or & de perles aux extremitez, fur tout au colet, qui eft large de trois doigts, & fort rehauffé de broderie. Le talon des fouliers, tant de la fiancée, que de la plûdes femmes & filles, a plus d'un demi pied de haut; de forte qu'à peine fe peuvent-elles appuyer fur le bout des pieds.

part

La mariée ainfi habillée, deux jeunes garçons entrent richement vêtus, portant un très-grand fromage, & quelques pains fur une civiere, de laquelle pendent plufieurs peaux de martres. On en apporte autant de la part de la mariée; & le Prêtre, après les avoir benits, les envoye à l'Eglife. Enfin, on met fur la tible un grand baffin d'argent plein de petits morceaux de fatin & de taffetas, de la grandeur qu'il faut pour faire des bourfes, de petites pieces d'argent, du hoyblon, de l'orge & de l'avoine, tout mêlé ensemble. La Suacha, après avoir recouvert le vifage de la mariée, en prend quelque poignée, qu'elle jette fur f

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