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la compagnie, qui pour lors difent une chanfon, en ramaffant ce qu'ils trouvent à terre.

Cela étant fait, les peres des mariez fe levent & changent entr'eux les bagues. Après ces ceremonies, la Suacha conduit la mariée à l'Eglife dans un traîneau, accompagnée de fes amis & efclaves, qui font par le chemin mille impertinences peu honnêtes. Ie marié la fuit avec le Prêtre, qui prend fi bien fa part du vin de la nôce, dit Olearius, qu'il le faut tenir à deux, tant à cheval qu'à l'Eglife pendant qu'il benit le mariage.

Dans l'Eglife où la benediction fe doit faire, on couvre une partie du pavé de taffetas rouge cramoifi, & pardeffus une autre piece de la même étoffe, fur laquelle les mariez fe tiennent debout. Avant que de les marier, le Prêtre les fait aller à l'offrande, qui confifte en poiffons, en fruits & pâtifferie. Après cela on benit les mariez, en leur tenant des Images au-deffus de la tête ; & le Prêtre prenant la main droite du marié & la gauche de la mariée entre fes mains, leur demande trois fois fi c'eft de leur kon gré qu'ils confentent au mariage, & s'ils s'aimeront l'un l'autre comme ils

doivent. Après qu'ils ont répondu oüi,

tous ceux de la compagnie fe prennent par la main, & le Prêtre chante le Pfeaume 128. à quoi l'affemblée répond par verfets, & forme une danse en rond.

Le Pfeaume étant achevé, le Prêtre met une guirlande fur la tête ou fur l'épaule du marié & de la mariée, en leur difant Croißez & multipliez, après quoi il acheve de les marier en prononçant ces paroles: Ce que Dien a conjoint que l'homme ne le fépare point. Pendant que le Prêtre prononce ces mots, ceux qui font de la nôce allument tous de petites bougies, & l'un d'entr'eux donne au Prêtre un verre de

vin clairet, qu'il boit après que les mariez lui ont fait raifon, en le vuidant chacun trois fois. Le marié jette fon verre à terre, & lui & la mariée le foulent aux pieds, & le mettent en pieces, en difant: Ainfi puißent tomber à nos pieds & être brifez ceux qui tâchent de femer la divifion ou l'inimitié entre nous. Après cela les femmes jettent fur les mariez de la graine de lin & de chanvre, & leur fouhaitent toute prof. perité. Elles tirent auffi la mariée par la robbe, comme fi elles la vouloient arracher au marié, mais elle fe tient fi bien à lui, que leurs efforts demeurent

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inutiles. Les ceremonies du mariage étant ainfi achevées, la mariée se remet dans fon traîneau, qui eft environné de fix cierges, & le marié remonte à cheval, pour retourner à fon logis, ou fe font les nôces.

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Dès qu'on y arrive, le marié avec fes parens & fes amis fe mettent à table, pour faire bonne chere; mais les femmes menent la mariée dans la chambre, où ils la deshabillent & la couchent. Cela étant fait, on fait lever le marié de table, & fix ou huit jeunes hommes portent chacun un flambleau & le conduifent dans la chambre. En entrant ils mettent leurs flambeaux dans des tonneaux pleins de froment & d'orge, & fe retirent. Dès que la mariée voit venir le marié, elle fe leve du lit, s'enveloppe d'une cimarre fourrée de marte, va au-devant de lui, & le reçoit avec foumiflion, en lui faisant la reverence d'une profonde inclination de tête, & c'est alors que le marié la voit pour la premiere fois. Ils fe mettent enfemble à table, où on leur fert entre autres viandes une volaille rôtie. Après ce repas les mariez fe couchent & tout le monde fe retire, Les deux jours fuivans fe paffent en feftins, en danfes & autres divertiffemens.

Voilà à peu près ce qui fe pratique aux nôces des perfonnes les plus diftinguées.

Aux nôces des bourgeois & des perfonnes de moindre condition, on n'y fait pas tant de ceremonies. La veille du mariage on envoye à la fiancée un habit, un bonnet fourré, une paire de bottes, une caffette avec les bijoux de la toilette. Le lendemain on fait venir le Prêtre, qui porte une petite croix d'argent, & qui fe fait conduire par deux garçons, portant des cierges allumez. En entrant dans la maifon, il donne la benediction de la Croix premierement aux deux garçons, & enfuite aux conviez. Après cela on met les mariez à table, les deux garçons tenant une piece de taffetas entre deux; mais lorfque la Suacha coëffe la mariée, on leur prefente un miroir, & les mariez approchent leurs joues l'une de l'autre, les deux Suacha jettent cependant du houblon fur les mariez, aprés cela on les conduit à l'Eglife, où on fait les mêmes ceremonies qu'aux perfonnes de qualité.

C'est ainsi que les mariages fe faifoient autrefois; mais le Czar aujourd'hui regnant, confiderant que cette maniere

de marier de jeunes gens fans leur participation, pouvoit être en partie la caufe de la defunion qu'il y avoit entre les maris & les femmes, a ordonné qu'on ne marieroit perfonne fans le confentement des deux parties, & qu'il leur feroit permis de fe voir au moins fix femaines avant que d'être mariez. Cette nouvelle Ordonnance a été fort goutée des Mofcovites.

Dès que les nôces font achevées, il faut que les femmes fe refolvent à la retraite, & à ne fortir de la maifon que bien rarement.

Et comme les filles des Grands Seigneurs & des bons Marchands ne font pas inftruites au ménage, auffi s'en mê lent-elles fort peu quand elles font mariées, & leur principale occupation est de coudre ou de broder des mouchoirs de taffetas blanc, ou de toile, ou de faire des bourses ou autres gentilleffes.

Les habits qu'elles portent dans la maifon font d'étoffe affez commune, mais quand elles fortent pour aller à l'Eglife, ou quand leurs maris les produifent pour faire honneur à un ami, elles fe parent magnifiquement, & n'oublient pas de mettre du fard pour paroître belles.

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