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Royaume. Romanou les remercia de leur favorable réponse, & leur dit qu'il alloit faire rapport au grand Duc de feur zele & qu'il ne doutoit pas qu'il ne fit executer les trois Seigneurs qu'ils demandoient, mais qu'il leur pouvoit jurer que Morofou & Trachaniftou s'étoient fauvez. Si-tôt que Romanou eut été faire fon rapport au grand Duc, on envoya un moment après chercher le bourreau, & un quart d'heure après Plesson ayant été amené fur la place pour lui lire fa Sentence, il fut arraché des mains du Bourreau par la populace & affaffiné en un inftant. Trachanistou ayant été attrapé à douze lieues de Mofcou, fut ramené, & on lui fit trancher la tête; ce qui commença à calmer la rage & la fureur du peuple. Quelques jours après le grand Duc convia à dîner plufieurs Bourgeois de chaque corps de Métiers ; & le Patriarche & le Clergé s'employerent de leur côté à calmer les efprits. Le grand Duc fe fervit auffi d'une proceffion pour affurer le peuple du regret qu'il avoit des injuftices paffées, & qu'il avoit établi à la place de ces indignes Confeillers, des gens qui exerceroient la juftice avec équité. Le peuple ayant remercié le grand Duc, ce Prince continuant à leur parler, leu dit qu'il leur avoit promis de leur remettre encore en

tre

tre les mains Morofou, & qu'à la verité il ne le pouvoit juftifier; mais que fi à sa confideration ils vouloient bien lui accorder fa grace, il fe gouverneroit à l'avenir de maniere qu'ils auroient tout lieu d'en être contents. Le difcours du grand Duc toucha le peuple, qui s'écria, Dieu donne longue vie à Sa Majesté. Le Czar fentit une joye extrême, & remercia le peuple de fon zele & de fon affection pour fa perfonne. Peu de jours après Morofou parut en public à la fuite du grand Duc, & depuis le Château jufqu'à la porte de la ville, il eut toujours le bonnet à la main, faluant le peuple d'un & d'autre côté par de profondes reverences; & il employa en fuite fon credit à faire rendre la justice & à obliger tout le monde. Le Czar Alexis ayant remarqué que le peu de relation que fes fujets avoient avec les autres Etats de l'Europe, causoit en partie l'ignorance de fes fujets, & étant obligé de remedier à plufieurs defordres caufez par le peu de connoiffance des loix, des coûtumes, de la guerre & des Arts; cela le porta à attirer dans les Etats des Officiers Etrangers. En effet cette Politique ayant cu un heureux fuccès,& la liberté que l'on accordoit à chacun pour la religion, & l'exactitude à les faire payer trèsponctuellement, a attiré en Mofcovie un

nombre tres-confiderable d'étrangers; de forte qu'infenfiblement & en moins d'un fiecle on a vû un tres - grand changement dans la cour du grand Duc. Il avoit époufé en premieres nôces Marie, fille de Ilia Dawilowitz Miloflausky, dont il eut deux fils Feodor ou Theodore ; Evan ou Jean; & une fille nommée Sophie : & époufa en secondes noces Nathalia Kyrilowna, fille du Boyard Kirilow Polujogrowitz Nariskin, qui étoit iffuë d'une des principales & des plus anciennes familles de l'Empire, dont il eut Pierre Alexeowitz, aujourd'hui regnant. Ce Prince étant mort au commencement de l'année 1676. il établit Feodor Alexiewitz fon fils aîné pour lui fucceder.

THEODORE ou FEODOR
ALEXIEWITZ. An. 1676.

TH

coup;

'Heodore, qui fut fucceffeur d'Alcxis, ne regna que fix ans. Il fut extrémement regreté; & en effet c'étoit un Prince accompli, & qui promettoit beauil fuivit entierement les maximes de fon pere pour l'entretien des Officiers Etrangers & pour l'avancement du commerce. Il aimoit beaucoup les fciences & principalement l'Architecture, & il avoit formé le deffein de faire toutes les maisons

de Mofcou de brique, &.de paver les ruës. Il mourut à l'âge de vingt-d.ux ans, fans laiffer enfans, d'une fiévre continue &. violente, qui l'emporta en peu de jours, & nomma peu avant que de mourir fon frere Pierre pour fon fucceffeur, jugeant que fon frere Jean étoit d'une conftitution trop foible pour porter le fardeau d'un fi grand Empire.

PIERRE & JEAN ALEXEOWITZ. An. 1682.

Ierre Alexeowitz né le 11.Juillet 1672.

Plat done proclamé Cza, à l'âge de

douze ans, mais: la Princeffe Sophie, four de Jean, Princeffe ambitieufe, fâchée de voir fon frere Jean éloigné de la Couronne, à qui elle appartenoit de droit comme étant l'aîné, inventa toute forte de moyens pour tâcher de l'y faire monter. Dans cette vûe elle fit répandre un bruit que le défunt Czar avoit été empoifoné par fesMedecins, & fit dénoncer plufieursOfficiers d laCouronne comme auteurs d'un crime fi énorme; & ayant attiré les-Strelitzes dans fon parti, elle les gagna plus aisement, en leur

*

*Efpece de milice comme les Janiffaires de la Porte Othomane, compofée de vingt-huit Reginiens, qui compofent dix-huit mille hommies.

faifant croire qu'on avoit deffein d'empoifonner le vin qu'on leur do: neroit à boire à l'ente rement du Czar. L'émeure ne tarda pas, On commença par l'affaffinat des deux Medecins, dont le premier é:oit de race Juive, puis on paffà aux principaux Officie s du Czar, que la Princeffe croyoit être un obstacle à fa paffion. Enfin les Strelites firent tout ce que la rage la plus cruelle avoit pû inventer, & rien ne put arrêter cette fureur ; ils infulterent même Sa Majefté le Czar Pierre, maffacrerent plufieurs Seigneurs & perfonnes du premier rang en fa prefence, & proclamerent le Prince Jean, qui lui fut ajoint au Thrône. Après ceci tout fembla fe calmer; mais ce ne fut que pour peu de jours. Convanski General des Strelitzes, par qui la Princeffe Sophie avoit fait jouer cette tragedie, ambitieux ou de regner lui-même, ou d'élever fa famille, propofa le mariage de fon fils avec la Princefle Catherine, four cadette de la Princeffe Sophie. La hardieffe de ce deffein déplut à la Cour, parce que cette alliance ne fe pouvoit faire qu'au préjudice de la fureté des Czars. Pour prevenir un inconvenient tres-dangereux on jugea à propos de fe défaire du General. Comme c'eft la coutume en Mofcovie de folemnifer la fère des enfans de la famille Royalle, la Cour

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