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voulut celebrer au Couvent de la Trinité, à douze lieues de Mofcou, la fête de fainte Catherine, qui étoit le nom de la Princeffe, que le Bojar Couvanski deftinoit à fon fils. Ce General y ayant été invité, on le fit attaquer en chemin; ayant été pris, on lui lut fa fentence, & fa tête & celle de fon fils furent mifes à bas. Les * Eftrel-. les furpris de cette nouvelle, comme d'un coup de foudre, furent d'abord remplis de rage & de fureur, & commencerent leurs defordres par les maffacres Mais les plus âgez & les plus fages ayant fait attention àleur mutinerie, & fait comprendre aux plus emportez ce qu'il y avoit à craindre pour eux de cette rebellion; ils commencerent à fe moderer & chercherent à faire leur paix ; & ils envoyerent les plus anciens Officiers à la Cour pour obtenir leur pardon, qui leur fut d'abord accordé. Le Czar étant enfuite retourné à Mofcou, les Estrelles vinrent à fa rencontre, criant mifericorde. Le Czar ayant fait figne de la main qu'on leur pardonnoit, ils fe leverent & le conduifirent au Palais. La Princeffe Sophie obtint enfuite la Regence. Le Prince Galif chin qui étoit dans fes interêts, fut honoré de la charge d'Administrateur de l'Em

Autre garde du Prince.

pire; & ayant mis les Eftrelles hors d'état de faire les mutins, il commença par faire une recherche des auteurs du defordre; & les ayant fait punir, ll compofa quatre Regimens des autres, & les envoya vers la Siberie, dans des Provinces éloignées.S'étant enfuite faifi des emplois des perfonnes maffacrées, pour remplir ces charges & fe faire des creatures, il s'arrêta plus à ceux qui lui étoient dévouez, qu'aux Bojares Seneteurs, ce qui lui attira la haine de la Nob'effe. Cela ne l'empêcha pas de fe foùtenir dans fa fuprême authorité, de faire la paix avec la Suede, d'entrer en traité avec la Po'ogne, dans la vûë de reprimer les courfes des petits Tartares, & de projetter la conquête d'Afoph. Le Prince Galifchin, qui avoit commandé l'Armée en 1687 & 1688. auroit fouhaité s'en difpenfer l'année suivante, mais forcé d'accepter le commandement, il tâcha à reparer les fautes qu'il avoit faites les années precedentes; mais le fuccès n'en fut pas plus heureux. La Princeffe ayant cependant imbu le peuple des conquêtes imaginaires de Galifchin, ce favori étant arrivé à Mofcou ne put obtenir audience du Czar que par de fortes interceffions de la Princeffe, & en recevant de fanglans reproches de fa mauvaifeconduite. La Princeffe cependant obtint en fa faveur,

& en faveur de quelques autres Officiers quelque recompenfe. La Princeffe Sophie qui avoit prévû que le Czar Pierre feroit un achoppement à fon authorité, pour tâcher de fe maintenir dans le pofte où elle étoit, réfolut de tout entreprendre, & fit comprendre au Prince Galifchin qu'il étoit à propos de fe défaire du Czar, que fans cela fa chute entraîneroit infailliblement la fienne. Le Prince,quoique prudent & fage, ne put s'opposer à fon deffein, mais des raifons d'interêt l'ayant fait remporifer, la Princeffe lui remontra qu'il n'y avoit pas un moment à perdre, & ayant chargé Thekelavitan Prefident de la Chambre des Eftrelles, d'être le chef de la confpiration, celui-ci choifit fix cens Eftrelles affidez. Dans le temps qu'il donnoit fes ordres pour ce tragique deffein ; deux Entrelles touchez de remords de fouiller leurs mains dans le fang de leur Prince, s'étant dérobcz courent avertir le Czar Pierre, qui fe leve de fon lit, fait avertir fes oncles, freres dé fa mere, qui n'eurent tous que le temps de monter en caroffe, & de fe fauver du côté du Couvent de la Trinité. Trekelavitan chagrin d'avoir manqué fon coup, retourne vers la Princeffe, qui ne le fut pas moins.

Le Czar Pierre étant arrivé à la Trinité, fait écrire à tous les Bojares de fe rendre

auprès de fa perfonne, fait avertir de l'attentat de Theke'avitan, & donne ordre au Prince Galifchin de fe rendre auprès de lui, mais il s'excufa fur ce que le Czar Jean le retenoit. La Princeffe ayant vû que toute la Nobleffe & les Eftrelles même lui avoient tourné le dos, & qu'elle n'avoit pas d'autre parti à prendre que de s'accommoder, envoye fes tantes & une de fes fœurs pour tâcher de la difculper. Mais le Czar ayant fait voir à ces Dames par diverfes circonftances l'attentat formé fur lui, fur fa mere, fa femme & fes oncles, elles en furent fi furprifes qu'elles ne jugerent pas à propos de retourner à Mofcou. La Princffe Sophie voyant le mauvais fuccès des négociations de fa fœur & de fes tantes, s'adreffa au Patriarche, qui partit en même temps: mais il fut bien étonné d'aprendre que fi la confpiration avoit réüffi il auroit été obligé de refigner le Patriarchat à l'Abbé Silveftre. Il refta auffi à la Trinité. La Princeffe doublement affligée, affembla un Confeil, où il fut refolu qu'on feroit fauver l'Abbé Silvestre ; & qu'elle, accompagnée du Prince Galifchin & de tous fes amis, prendroit le chemin de la Trinité. pour tâcher à fléchir fon f.ere. Elle n'étoit pas encore à moitié chemin qu'un exprès du Czar fut dépêché au devant d'elle pour

la faire tetourner fur fes pas. La Princeffe n'ayant pas jugé à propos de paffer outre, & apprehendant une facheufe reception de fon frere, reprit le chemin de Mofcou. Le Colonel Sarque à la tête de trois cens hommes, fat chargé d'aller à Mofcou se saisir des traîtres. Auffi-tôt qu'il fut arrivé au Palais Imperial,il demanda qu'on lui livrât Fiska Thekelavitan & leurs adherans ; ce que l'on fi après quelque refus ; & ces criminels chargez de chaînes furent conduits à la Trinité. Le Prince Galifchin voyant fa fortune fur le point d'être renversée, fut au Couvent avec fon fils & fes amis; mais la porte lui ayant été fermés, on lui donna des gardes, avec ordre de ne point fortir du logis. Fiska étant arrivé, fut interrogé pendant quatre heures, & lui ayant donné la torture, il avoua qu'il s'étoit chargé de tuer l'Imperatrice mere, le Czar & fes trois freres. Après cet aveu on le reconduifit en prifon, d'où il écrivit au Czar les circonstances du fait, & les auteurs. Le Czar ne voulut point de honorer une Princeffe de fa maifon, telle que la Princeffe Sophie, on executa enfuite fept autres criminels. A la priere des Parens du Prince Galifchin; lui, fon fils & fes amis furent condamnez à l'exil, & à fe rendre à Korga, Ville fous le Pole, pour y paffer le refte de leurs jours.

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