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terre. Outre cela, il m'ordonna d'exa miner fi en faifant plus haut une grande Eclufe fur la Veronize, on pourroit rendre cette Riviere navigable depuis la Ville, pour des Vaiffeaux de So. pieces. tels qu'il avoit deffein d'en faire conftruire, les lancer & les faire defcendre dans le Don, en quelque faifon que ce fût.

En execution de cet ordre, j'examinai la chofe, je fis mon rapport à sa Majesté, & je l'affurai que cela fe pouvoit; fur quoi elle m'ordonna de l'entreprendre. Je commençai à y faire travailler en 1704. & l'année fuivante cela fut fini de la maniere qu'on me l'avoit commandé; de forte qu'on en fut content. Les Eclufes avoient 43. pieds de large, & étoient d'une profondeur proportionnée à l'eau qu'il falloit pour le paffage des Vaisseaux de 80. pieces. Elles avoient des portes qu'on pouvoit ouvrir, pour faire écou ler l'eau, qui dans ce Païs-là inonde tous les ouvrages dans le Printemps, lorfque les neiges fondent, & qui chariant de la glace defcend avec une impetuofité qu'on ne fçauroit exprimer : mais les Eclufes que j'ai faites fur ces Rivieres font fi fortes & fi bien conftruites, qu'elles ne fouffrent aucun dommage de ces inondations, & ne courent nul rifque d'être

emportées, tant que le monde fubfiftera. Plufieurs perfonnes qui font prefentement à Londres ont vû ces ouvrages.

Lorfque j'eus executé à Veronize ce qu'on fouhaitoit, je follicitai l'Amiral Apraxim pour mes gages; mais je trouvai qu'il ne fe mettoit pas fort en peine de dégager la parole qu'il m'avoit donnée; car il me renvoya comme la premiere fois, & je me trouvai auffi éloigné de recevoir mon argent que je l'avois jamais été. Il me dit que cela ne me manqueroit pas, & que je n'en avois pas un befoin actuel; prétendant outre cela qu'il ne pouvoit pas regler mes comptes fans le Comte Gollowin, qui m'avoit engagé au Service de fa Majefté. Il eft vrai que pour ne me pas décourager entierement, lorfque j'avois achevé un ouvrage, il me faifoit un petit present de la valeur d'environ 250. livres sterling,

Il eft aifé de faire des Eclufes pour rendre une Riviere navigable & capable de porter de petits Bâtimens propres à tranfporter des denrées dans le Païs, lorfqu'il n'y a qu'un médiocre poids d'eau à foutenir, & que les débordemens ne font pas confiderables; cela fe pratique par tout mais je ne fache pas qu'on ait auparavant rendu une Riviere navigable

pour des Vaiffeaux de la grandeur de ceux dont j'ai parlé. Le fonds, où il falloit placer la derniere Eclufe étoit fi mauvais, & il fortoit de terre une fi grande abondance d'eau lorfque je vins à faire creufer en cet endroit- là, que toutes les Pompes qu'on pouvoit employer n'étoient pas capables de la vuider, pour affeoir le fondement de l'Eclufe à la profondeur requife. Cela m'obliga à furfeoir l'ouvrage pendant fix femaines, jufqu'à ce que j'euffe préparé une machine qui travailla nuit & jour pendant plufieurs mois, & qui jettoit dix ou dou ze tonnes d'eau dans une minute. Pendant que je la mettois en usage, le Czar qui étoit revenu à Veronize, vint la voir plufieurs fois, accompagné de plufieurs Seigneurs, & en fut extremement fatisfait. J'avois fait pour la premiere fois une pareille machine dans le Baffin de Portf mouth, il y a plus de 23. ans, dans le temps que j'étois Lieutenant du Vaiffeau le Montague, qui y étoit venu pour être radoubé.

Lorfque j'étois occupé à ce dernier ou vrage à Veronize, un Polonois qui avoit embraffé la Religion Mofcovite, & qui qui avoit été employé à faire un Chan

tier dans le Port artificiel de Taganroke* à côté du Palus Méotide, eut ordre de faire une nouvelle forte de Chantiers fur la Veronize pour la conftruction de ces Vaiffeaux de So. pieces, avec des coffres attachez au fond, pour les faire defcendre dans le Don & pardeffus la Barre d'Afoph, qui eft à plus de 1000. miles de Ruffie plus bas que l'embouchure de la Veronize. Le Czar donna cet ordre lorfqu'il étoit à Veronize, un peu avant que mon ouvrage fût achevé.

Nous étions alors en hiver, & fa Ma jefté ayant reçû un Courier de Pologne, Elle partit en diligence, & laiffa la nuit avant fon départ ordre par écrit à l'Amiral Apraxim, de me faire faire des obfervations particulieres fur les débordemens qui arriveroient, & de prendre mon avis & celui de fes trois Architectes de Vaiffeaux, deux Anglois les Sieurs Cozens & Ney, & un Mofcovite, au fujet de l'endroit où l'on devoit faire ces

On avoit deffein de fe fervir de ce Port pour y en trétenir les Vailleaux du Czar; mais comme il étoit conftruit vis à vis une pointe de terre, dans un endroit où il n'y avoit que fort peu d'eau, & même jufqu'à une allez grande diftance de là, les fables s'y raflembloient dès qu'on les avoit jettez dehors, & le Port fur En quelque maniere bouché avant que d'être à demi fait. Dans la derniere Paix faite avec le Turc, il a été démoli, comme on le verra ci-après.

Chantiers. Mais on fe détermina d'une maniere directement contraire à mon opinion, tant pour le choix de la place, où l'on refolut de faire travailler, fur un fond de fable, qu'à l'égard de la méthode qu'on fuivit, laquelle n'étoit nullement convenable. Cela m'obligea à infister auprès de l'Amiral Apraxim, premierement de bouche, fur ce qu'il y avoit à craindre dans la fuite en faisant ces Chantiers, en particulier par rapport à l'endroit & à la maniere dont on prétendoit s'y prendre : C'étoit que lorfque la Riviere groffiroit confiderablement, elle ruineroit les fondemens de l'ouvrage & peut-être les Vaiffeaux quand ils feroient a demi conftruits, comme il arriva effectivement. Mais ce Seigneur s'imagina peut-être que je n'avois en vûë que de faire prévaloir mon fentiment, & n'eut aucune défiance de l'homme qui devoit faire ces Chantiers & qui affuroit pofitivement qu'ils réüffiroient. D'autre côté, il fe laiffa gagner aux perfuafions de l'Architecte Mofcovite, dont je viens de parler, & d'une autre perfonne de la même Nation, qui étoient intereffez à faire executer la chose de la maniere qu'elle avoit été projetée, parce qu'ils avoient dans l'endroit marqué un petit Village,

à la

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