Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

à la place duquel ils en devoient avoir un autre beaucoup meilleur. Tout cela fit que ce Seigneur n'eut aucun égard à tout ce que je lui dis; de forte que pour ma propre justification, je couchai mes raifons par écrit & je les remis entre fes mains. Je reprefentois dans mon Memoire le danger inévitable qu'il y auroit à faire ces Chantiers dans la Place, & de la maniere qu'on l'entendoit, & je prefentai en même temps un deffein ou j'avois marqué l'endroit où l'on devoit bâtir & la méthode qui devoit être fuivie. Je joignis à cela une figure mathematique qui montroit quel feroit le poids d'eau que ces Chantiers auroient à foûtenir à proportion de la hauteur du dé-. bordement des eaux dans le printems: confideration qui étoit de la derniere importance dans cette occafion, & que je fis, pour lui expliquer & démontrer les rai fons alleguées dans le Memoire, qui me faifoient conclure que cet ouvrage n'au roit pas un heureux fuccès.

Malgré toutes mes remontrances, ce Seigneur laiffa executer la chofe comme ces gens-là voulurent. Ainfi il fut refolu que le lieu pour la conftruction des Vais feaux du Czar qui étoit auparavant Veronize, feroit fept miles de Ruffie plus

B

[ocr errors]

bas fur la Riviere ; & les maisons du Czar, auffi-bien que celles de divers Seigneurs, lefquelles étant de bois peuvent être démontées quand on veut, ce qui eft ordinaire en Mofcovie ; toutes ces maifons & celles des Architectes & des Ouvriers furent tranfportées en cet endroit. Cette nouvelle Place fut entourée de grandes Fortifications & de Bastions reguliers avec toute la diligence possible; mais après une dépenfe de plufieurs centaines de milliers de Rubles, & trois ans de tentatives & d'efforts pour tâcher de maintenir cet ouvrage, on fut enfin obligé de l'abandonner entierement; parce que la Riviere ne débordoit pas plûtôt qu'elle ne minât les fondemens, & ne paffat pardeffus l'ouvrage. Cela fit que Monfieur Apraxim conçût beaucoup d'inquietude fur mon fujet, dans la crainte que quelque jour le Czar ne vint à fçavoir, qu'il avoit ordonné cet ouvrage, nonobftant mon opinion & les raifons que j'avois données contre ce deffein. j'avois encore dans le même temps communiqué à ce Seigneur une autre penfée, pour prévenir en temps de Paix la décadence des Vaiffeaux du Czar qui avoient été conftruits à Veronize; & fa Majesté fut fort mécontente de lui à cer

égard, parce qu'il ne lui avoit pas fidellement reprefenté la chofe : les circonftances en feroient trop ennuyeufes pour les rapporter ici. Quoiqu'il en foit, ces deux affaires le rendirent dans la fuite prévenu contre moi & peu difpofé à me rendre juftice.

Pour moi, je fis une Relation de ce qui s'étoit paffé par rapport à ces Chantiers j'y joignis une copie de mon Plan & des argumens dont je m'étois fervi, pour faire connoître les mauvaises fuites de cette entreprise, & démontrer qu'on feroit enfin obligé de s'en défifter. Je fis voir tout cela à M. Whitworth Envoyé Extraordinaire d'Angleterre, au Conful M. Goodfellow & à quelques autres Anglois. Ce fut à mon retour à Mofcou l'an 1706. deux ans avant que ceux qui avoient été d'un avis contraire au mien, s'appercevant de leur méprife, fe viffent obligez d'abandonner leur ouvrage, & de chercher un autre endroit pour y bâtir de plus petits Vaiffeaux, fans l'aide de Baffins comme on avoit fait aupa

ravant.

,

Après qu j'eus achevé ce que j'avois entrepris à Veronize je fus pendant quelques mois à Mofcou fans recevoir aucuns ordres. Dans ce temps-là fa

Majefté eut envie de faire mettre à execution le Projet dont j'ai parlé, pour empêcher en temps de Paix le déperiffoment des Vaiffeaux qui étoient à Veronize c'étoit de les tenir penchez dans un Port fec, & de faire une Eclufe qui pût faire hauffer l'eau à la hauteur neceffaire, afin qu'ils puffent entrer dans ce Port & en fortir quand on voudrois. Je propofois cet ouvrage pour tenir les Vaiffeaux féparez felon leurs rangs, 10. ou 20. plus ou moins dans chaque divifion, comme fa Majefté le trouveroit à propos, & les mettre fur des Blocs, comme dans nos Baffins en Angleterre; avec cette précaution, que lorfque dans la fuite les planches viendroient à fe retirer dans la fechereffe, & que par la même raifon le carret qui eft dans les jointures fe relâcheroit, alors on ôteroit tout cela, afin que l'air pût mieux penetrer jufqu'à la charpente, & que les embrafures & les écoutilles feroient tou jours ouvertes.

Ma propofition étoit fondée fur ce principe; que toute forte de charpente, ou quoique ce foit qui eft bâti ou fait de bois, tombe bientôt en décadence & fe détruit, s'il eft expofé aux injures du vent & du tems. A l'égard des Vaiffeaux

en particulier, les brouillards & les pluies pendant l'hiver, les grandes chaleurs dans l'êté, les voyes d'eau & l'humidité caufée par l'eau qui eft au fond du Bâtiment, qui s'éleve & s'infinuë parmi la charpente entre les planches du dedans & celles du dehors, où il n'y a point de paffage pour la circulation de l'air; toutes ces chofes font les caufes évidentes de la pourriture des Vaiffeaux. D'autre côté je reprefentois, qu'au contraire tout ce qui eft à couvert du vent & du changement de temps, & qui eft ou toûjours moüillé, ou toûjours fec, peut fe conferver un très-grand nombre d'années; qu'ainfi il y avoit grande raifon de préfumer qu'en tenant les Vaiffeaux entierement à fec, en temps de Paix, ils fe maintiendroient fans avoir befoin de réparation, le moins deux fois plus longtemps qu'ils n'avoient accoûtumé.

Outre cela, je reprefentai qu'un tel Port fec, s'il étoit fait dans un lieu convenable, feroit non feulement commode pour vifiter & garder les Vaiffeaux de fa Majefté pendant la Paix ; mais aussi pour s'en pouvoir fervir dans quelque occafion extraordinaire en temps de guerre, parce que pour les radouber, on pourroit les faire entrer & fortir commodé

« AnteriorContinuar »