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ment & en peu de temps. Je difois qu'il en feroit de même que lorfque j'avois auparavant mis à terre 15. Vaiffeaux à la fois pour être radoubez à l'embouchure de la Veronize, en faisant hauffer l'eau toutes les fois qu'on voudroit; avec cette feule difference, que ce Port ne devoit pas être destiné pour mettre à flor tous les Vaiffeaux dans le même temps; mais avoir une entrée feparée pour chaque divifion, afin de n'y faire entre ou fortir en tout temps que le nombre de Vaiffeaux dont on auroit befoin. J'ajoutois qu'il faudroit entourer ce Port de murailles & de foffez, pour le garantir des accidens qui pouvoient arriver par le feu ou par quelque trahifon; que par là on diminueroit confiderablement & la pei ne & les frais qu'il en coûtoit continuellement à bâtir & à reparer les Vaiffeaux de fa Majefté; & qu'au refte ce qu'il en coûteroit pour faire & entretenir ce Port fec, n'étoit rien au prix de la dépense qu'on étoit obligé de faire autrement tous les ans.

Après que j'eus, pour la premiere fois, fait cette propofition à l'Amiral Apraxim, à qui je dis que j'étois prêt à l'executer, & que par ce moyen on garantiroit affurément les Vaiffeaux de fa Majesté de

tomber en décadence, le priant d'en vouloir informer le Czar, il lui en fit un rapport defavantageux; comme fi j'avois voulu lui en impofer, en lui confeillant d'entrependre une chofe impoffible. Mais quelque temps après, feu M, Henry Stiles, mon bon ami, ayant representé ma pensée d'une maniere plus fincere, elle fut mife par écrit & prefentée au Czar, qui la comprit d'abord & l'approuva. Sur cela j'eus ordre d'attendre fon arrivée à Mofcou, où après avoir été quelques mois fans occupation, comme j'ai dit, fa Majefté m'envoya de Pologne des ordres pour aller vers le Don, chercher un endroit, où l'on pût mettre à execution ce que je viens de dire.

Je partis donc & j'examinai, comme il m'étoit ordonné, la fituation des embouchures de cinq petites Rivieres qui fe jettent dans le Don, & revenant à Mofcou, je fis mon rapport à M. Apraxim, de l'endroit qui m'avoit paru le plus propre, lui donnant en même temps une lifte du nombre d'hommes & des materiaux neceffaires. Ce Seigneur, qui alloit à Petersbourg attendre l'arrivée du Czar, prit avec lui mon Memoire, furquoi il plût à fa Majefté d'ordonner qu'on coûpât du bois, afin qu'il fût prêt quand

on voudroit s'en fervir; mais que pous l'ouvage même on n'eût point à y mettre la main, jufqu'à ce qu'elle eût la commodité de vifiter le lieu, & qu'elle eût donné des ordres plus particuliers là deffus.

Sur ces entrefaites, M. Apraxim mʼinforma lorfqu'il fut de retour à Moscou, qu'il avoit ordre du Czar de me payer quelques arrerages, & il ordonna à un de fes Officiers. de faire le compte de ce qui m'étoit dû; de forte que je me crus alors fûr de mon argent. Mais dans la fuite, étant entré un jour en difcours avec moi, pendant que je lui faifois ma cour, il me dit que le Czar étoit fi occupé aux affaires de fon Armée en Pologne, qu'il fe pafferoit peut-être bien du temps avant qu'il pût revenir à Mofcou, & qu'il eût le loifir de fe tranf porter fur le lieu que j'avois defigné, & donner fes ordres pour l'ouvrage en question, & me demanda, en fouriant, ce que je ferois en attendant. Je lui ré pondis, que puifque fa Majefté avoit remis cet ouvrage jufqu'à fon retour de l'Armée & que je n'avois rien à faire, il lui plût me permetrre d'aller faire un tour en Angleterre pour y voir mes amis, & qu'à mon retour qui feroit dans huit ou dix

⚫u dix mois pour le plus tard, j'efperois que fa Majefté feroit encore plus contente de mes fervices dans tout ce qu'il lui plairoit de me commander. Il parut ne defapprouver pas ma pensée, & me dit que je lui prefentaffe un Placet pour cela & qu'il écriroit au Czar pour me faire obtenir cette permiffion.

Mais cette innocente Requête devint un piege contre moi; car au lieu de ce qu'il m'avoit promis, il reprefenta au Czar, que j'avois deffein de quitter fon fervice; que je m'étois adreflé à l'En. voyé d'Angleterre, qui avoit écrit en ma faveur, au fujet de la propofition que je faifois, pour conferver les Vaiffeaux d'Angleterre pendant la Paix, qui étoit la même chofe que j'avois propofée à l'égard de ceux de fa Majefté qui fe pourrifloient à Veronize, & qu'à cause de cela il avoit arrêté mon payement. C'est ce que ce Seigneur m'avoüa franchement depuis, difant qu'il étoit bien informé de tout ce que je viens de dire; & que puifque je voulois qu'il me donnât congé dans la vue d'abandonner le Païs, il devoit avoir foin de fa tête : qu'ainfi il ne me feroit point payer, qu'il n'en eût ordre exprès du Czar, à qui il avoit écrit fur mon fujet.

C

Je demeurai donc ainfi à Mofcou fans recevoir mes arrerages & fans occupation. Enfin, M. Apraxim me dit un jour qu'il avoit reçû réponse du Czar fur mon fujet, & des ordres pour m'employer à quelque chofe; mais qu'il ne me diroit ni où, ni à quoi, que je n'euffe figné un Contrat, par lequel je m'obligeois à fervir à l'avenir fa Majefté, par tout & dans toutes les occafions, où il lui plaroit de me commander, fans quoi je ne recevrois mes arrerages, ni en tout, ni en partie. Outre cette rigueur, je perdois plus de 38 pour cent, felon le cours du change en ce temps-là; ce qui venoit de ce que le Czar avoit fait refaire fa Monnoie: entreprise ruineufe, dont je rendrai compte dans un endroit plus

convenable.

Comme cette nouvelle propofition étoit non feulement fort deraisonnable; mais auffi peu honorable, & qu'elle tendoit à me confiner dans un Païs, où j'avois été déja trop long-temps allez maltraité, je ne pus, ni l'accepter, ni m'y conformer. Sur cela, ce Seigneur qui devoit retourner a Petersbourg, pour y rencontrer le Czar, laiffa avant de partir des ordres à fon Lieutenant de m'â

ter ma fubfiftance, auffi bien que les

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