dans le fait de la Guerre, concluent de là que fi les Mofcovites avoient de bons Officiers à leur tête, ils ne manqueroient pas d'être bons Soldats. En effet, l'experience a fait voir dernierement en diverfes occafions, que ceux qui font accoûtumez au feu, & qui font menez comme il faut, font auffi fermes & fe battent auffi-bien qu'aucune autre Na

tion.

L'Armée du Czar eft compofée, outre les Mofcovites, de plufieurs Regimens de Cofaques, commandez par des Officiers de leur Nation. Ceux-ci font comme une espece de Cavalerie legere, & ont rendu de très-grands fervices aux Mofcovites dans les Guerres qu'ils ont eues contre les Turcs & les Tartares. Dans cette derniere Guerre contre les Suedois , on en joignoit ordinairement aux Mofcovites qu'on envoyoit pour lever des contributions, & pour brûler ou piller. Il y a de plus un Corps de Cullmicks, qui felon le Traité d'Alliance fait avec eux, doivent toûjours fervir dans l'Armée du Czar.

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Ces Cullmicks font robuftes & guerriers; il ne leur manque que la difcipline pour en faire de bons Soldats. Ils Calmuques,

contribuerent beaucoup à un avantage confiderable que le Czar remporta près de Plefco, fur un Détachement de l'Armée Suedoife, immediatement aprés la perte de la Bataille de Narva.

Les dromadaires dont j'ai déja parlé, & dont les Cullmicks qui habitent à l'eft du wolga, fe fervent pour traîner & porter leur bagage, font des animaux à la vûë defquels les chevaux font terriblement effrayez, quand ils en voyent pour la premiere fois ; ils leur font prendre l'épouvante & s'enfuir avec précipi tation. Les Mofcovites s'avançant dans l'occafion dont je viens de parler, pour attaquer les Suedois, ils mirent les Cullmicks au front avec quelques dromadaires, qui en s'approchant jetterent une telle terreur parmi les chevaux Suedois, qu'ils s'effaroucherent & rompirent les rangs, fur quoi les Mofcovites leur tomberent deffus, & acheverent de les mettre en déroute. On compte que les troupes que le Czar a à fa folde, montent en tout environ à cent vingt mille ou cent trente mille hommes, parmi lefquels il y a dix mille Cofaques, & fix mille Cullmicks.

Le Czar a fait une autre chofe qui a beaucoup contribué aux progrez de fes

Armes. Avant lui, les Mofcovites n'avoient point de train reglé d'artillerie, ni d'Officiers deftinez pour la fervir; auffi n'a-t-on jamais vû, qu'aucun fiege qu'ils ayent fait alors d'une Place un peu confiderable, leur ait réüffi. Mais le Czar, deux ans après qu'il fut revenu de fes voyages, forma un Regiment particulier, deftiné uniquement pour le fervice de l'Artillerie, & compofé d'Officiers, Canoniers, Bombardiers, &c. de la même maniere que cela fe pratique parmi les autres Nations. Il y a presentement un grand nombre de fes Sujets qui fervent dans fon Artillerie en qualité de Capitaines, Officiers, Canoniers & Bombardiers qui entendent parfaitement leur métier. L'Ecole de Mathématique qu'il a Mofcou, eft comme une pepiniere, d'où il tire tous les jours des gens propres à fervir dans l'Artillerie ou fur la Flote. Ceux à qui l'on n'a enfeigné dans cette Ecole que l'Arithmetique ou la Géometrie, on les envoye dans les Païs Etrangers pour y apprendre les Arts méchaniques ou les Sciences: il y a quelques mois qu'il en arriva en Angleterre une vingtaine, pour être mis en apprentiffage & pour apprendre divers métiers, comme Charpentiers de Navire,

Navire, Cordiers, Faifeurs de voiles Forgerons, & enfin tout ce qui regarde la Marine & l'Artillerie. C'eft à tous ces divers égards, que le Czar s'eft appliqué particulierement à perfectionner fes Sujets, & à les mettre en état de le fervir, il n'épargne en cela ni fes foins ni fes peines; il travaille lui-même parmi les ouvriers, & leur donne des ordres & des inftructions fur tout ce qui regarde l'Armée & la Flote. C'est là en quoi confifte tout fon plaifir. Auffi peuton dire qu'il n'ignore rien de tout ce qui concerne la profeffion des Armes, depuis l'emploi de Tambour, jufqu'à celui de General, fans compter qu'il eft Ingenieur, Canonier, Artificier, Architecte de Vaiffeau, Tourneur, Boffeman, Fondeur de canon, Forgeron, &c. Il travaille de fes propres mains à tous ces differens métiers; en un mot rien ne fe fait, dont il ne veuille avoir lui-même l'infpection, & fans qu'il entre dans le détail des moindres chofes auffi-bien que des plus confiderables.

Il ne me reste à parler que d'une chofe. Comme les endroits où le Czar fait équiper la Flote, font quelquefois fort éloignez des lieux, où il fait assembler fon Armée, il eft fouvent obligé Ff

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à faire des voyages fort longs & fort ennuyeux; de forte que je fuis perfuadé, à en juger parce qu'il a fait pendant que j'ai été dans fon Païs, qu'il a vingt fois plus voyagé qu'aucun Prince du monde avant lui. Il fait des courfes qu'il feroit impoffible de faire en d'autres Païs, à moins qu'on ne fe fervît de traîneaux, comme en Ruffie. Auffi n'entreprendil jamais ces voyages qu'en hiver, en traîneau & avec des chevaux de relais; ; il fait ordinairement 100 miles d'Angleterre par jour. Cette maniere de voyager eft affez commode en Moscovie; mais ce qu'il y a de fâcheux, c'eft qu'on ne trouve fur la route ni Hôtellerie, ni aucun endroit, où l'on puiffe se loger & être traité tant foit peu raifonnablement, excepté dans les grandes Villes, qui font d'ordinaire éloignées de 100 miles l'une de l'autre.

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Le Czar, pour remedier à cet inconvenient, & pour pouvoir voyager d'une maniere plus agreable, & procurer plus de fatisfaction aux Seigneurs & aux Officiers de fa fuite, a ordonné qu'on bâtît fur les routes de Veronize, Kiow, Smolenski & Petersbourg, des maisons à vingt ou trente miles de distance les * C'est-à-dire, environ 33 ou 34 lieuës.