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reflechie de la terre par les rayons du Soleil; mais que dès que le vent le met tout d'un coup au nord, venant alors directement de la Mer, l'air fe change incontinent, & devient en une heure ou deux de temps fi froid, qu'on eft obligé de mettre fa fourure pour fe défendre du froid. Ces changemens fubits d'une extrémité à l'autre, font fort ordinaires en été, fur tout dans le mois de Juin, & au commencement de Juillet, lorfque peut être la glace eft encore flotante dans la Mer Blanche, ou qu'elle n'eft diffipée que depuis peu.

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En 1708, un Vaiffeau Marchand (j'ai oublié le nom de celui qui le commandoit) venant d'Angleterre, après avoir doublé le Cap du Nord, pour se rendre dans la Mer Blanche, vers la mi- Juin, avec un temps chaud, & un vent frais au fud fud-oüeft, fe trouva accidentellement parmi de gros glaçons qui flo toient fur la Mer; l'équipage fentit d'abord un fi grand froid par la reflexion de la glace, que leurs dents en claquoient en fe promenant fur le Tillac, & cependant ceux qu'on avoit fait monter au haut du Mât, pour découvrir comment on fe tireroit des glaces, y trouvoient l'air chaud, en comparaifon d'en Bas, où la

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reflexion de la glace leur faifoit fentir un fr grandfroid. Au bout de quelque temps, lors qu'avec beaucoup de peine & par un grand bonheur ils furent délivrez des glaces, ils trouverent d'abord le temps auffi chaud qu'auparayavant. Plufieurs autres Vaiffeaux qui ont fait ce voyage, fe font trouvez dans le même cas:

Une autre chofe remarquable à Archangel, c'eft qu'au commencement de l'hiver, dans les mois de Septembre & Octobre, que le deffus de la terre eft gelé, & qu'il eft tombé de la neige jufqu'à trois, quatre, ou peut-être cinq ou fix degrez au fud d'Archangel, & que la glace n'eft pas encore bien formée dans la Mer Blanche, les vents ont des effets directement contraires à ce que je viens de dire, comme fi les Poles avoient changé de place. Alors un vent de Sud qui vient de terre, fe communiquant avec la reflexion de la neige dont la terre eft couverte, fait qu'il géle trés-fort à Archangel; au lieu qu'un vent de Nord qui vient directement de la Mer, dans le temps qu'elle n'eft pas encore gelée, & que le froid n'eft pas encore venu, eft alors chaud, en comparaifon d'un vent 'de terre. Mais à Wolloda, qui eft à moitié chemin d'Archangel à Mofcou, à

Mofcou même & autres endroits au milieu du Païs, dans le fort de l'hiver, qu'il y a de la neige jufqu'à dix ou quinze degrez plus loin vers le fud, il géle quelquefois également, quelque vent qu'il faffe; mais on remarque que la gelée eft beaucoup plus forte dans un temps calme & ferain, lorfqu'il n'y a que peu ou point de vent pour élever ou mêler la reflexion de la neige avec l'air fuperieur, & que c'est pour lors que la gelée a le plus de force fur la surface de la terre.. C'eft auffi par cette même raifon qu'en été, lorfque la furface de la terre eft échauffée par le Soleil, un temps clair & ferain, fans aucun vent pour élever ou mêler la reflexion avec l'air fuperieur, produit une chaleur extrême.

Une autre chofe fort remarquable, & qui confirme ce que je viens de dire, par rapport à la chaleur & au froid qu'on voit paffer tout d'un coup d'une extremité à l'autre ; c'eft que la même chofe arrive dans les Païs qui s'étendent plus vers le fud, mais qui font voifins de ces hautes & fameufes montagnes toûjours couvertes de neige à caufe de leur grande élevation dans l'Atmosphere. Je ne dis rien des Montagnes de Granada, ni du Mont Ararat qui font au fud de la

Mer Cafpienne. Je n'alleguerai que ces Montagnes de la Chine, à environ vingt ou trente miles des Villes de Canton & Hyshem, qui, quoiqu'à un degré ou un degré & demi de la Zone Torride, ne laiffent pas de produire un fr grand froid, lorfque le vent vient de là, que les Ha bitans des environs font tout d'un coup obligez de mettre leurs fourrures pour fe garantir du froid. Ce qui fait que les fourures font fort en ufage dans la Chine, & qu'on en fait venir beaucoup de Mofcovie, outre les autres marchandifes de ce Païs-là, comme je le dirai dans la fuite. Au contraire, lorfque le vent tourne au fud- oüeft & vient de la Plaine, où la force du Soleil fe fait fentir par la chaleur qu'il communique à la terre, les Habitans de ces Villes & des Provinces voifines, fentent une chaleur exceffive. La même chofe arrive en divers lieux à caufe des hautes Montagnes qu'il y a dans ce Païs-là.

Dans les autres endroits de la Chine, fur tout dans la Province de Kittay, qui eft au nord de cet Empire, & vers les Côtes les plus orientales, le vent d'oüest ou celui de nord-oüeft, qui vient de vers la pointe de la nouvelle Zemble, venant à fouffler en hiver, lorsque la

terre fe trouve toute couverte de neige, ce vent, dis- je, produit le même froid qu'un vent d'eft-nord eft, ou celui de nord-eft caufe dans les extremitez occidentales de l'Europe; & le vent d'eft qui vient directement de la Mer, leur apporte un temps plus temperé.

Tout cela fait voir clairement que le froid auffi-bien que le chaud, de quelque cause qu'il provienne, s'augmente & s'étend fur la terre par la reflexion. C'eft ce qui fait auffi que les Ifles environnées de la Mer, font plus temperées & plus heureufes à cet égard que le continent; puifque dans quelque faifon que ce foit,, & de quelque côté que le vent fouffle, le froid ni la chaleur ne fçauroient acquerir de force en paffant la Mer, & qu'au contraire ils en perdent une partie en participant à la qualité de l'eau. On remarque néanmoins en Angleterre, qu'au nrilieu de l'été, depuis la fin de Juin jufqu'au milieu d'Août, où la chaleur eft dans toute la force, le vent d'eft rend le temps plus étouffant, & le vent d'oüeft le temps plus frais ; & que le contraire arri ve en hiver.

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Ce que je viens de rapporter, fuffit pour faire connoître qu'il n'y a rien de plus commun dans le Continent Orien

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