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PROPOSITION Í.

143. Il y a aucune Preuve d'expérience ou de fpi culation, qui établiffe l'Hétérogénéité de la Matiere: il eft donc plus fimple & plus raifonnable de n'admettre dans ta Nature, qu'une Matiere homogene.

DÉMONSTRATION. Ío. Il n'y a, en faveur de l'hé térogénéité de la Matiere, aucune preuve d'Expérience parce qu'il eft impoffible d'obferver la nature intrinfeque des élémens primitifs de la Matiere ; & que les différences de figure, de couleur, de faveur, de volume, que nous obfervons dans les maffes réful tantes de ces élémens primitifs, fe concilient tout auffi aifément avec l'homogénéité qu'avec l'hétérogé néité de la Matiere.

IIo. Il n'y a, en faveur de l'hétérogénéité de la Matiere, aucune preuve de Spéculation: puifque Pimmutabilité des Métaux parfaits, la permanance des Principes élémentaires, la diverfité & la stabilité des différentes efpeces de Corps, qui font les feules preuves dont on l'étaye, font très-compatibles avec des élémeas d'une Matiere homogene; auxquels l'Être créateur auroit donné & des maffes & des figures différentes, deftinées par fon Ordre immuable, à n'être jamais entamées & altérées.

III. Il nous confte par l'expérience & par l'obfervation, que l'Auteur & le Confervateur de la Nature a coutume d'agir par des voies également fimples & fécondes; fans employer une inepte redondance de caufes & de principes, là où fuffit une feule caufe & un feul principe; & c'eft fur cette obfervation générale qu'eft fondé cet Axiome philofophique : dans l'explication des phénomenes de la Nature, il ne faut point multiplier les Principes fans néceffité.

Donc, pour imiter la Nature, en expliquant fa marche & fes effets, il faut ne point admettre une

double

double efpece de Matiere, là où une feule & même efpece eft fuffifante. Donc il eft plus fimple & plus raifonnable de n'admettre dans la Nature, qu'une Matiere homogene. C. Q. F. D.

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144. Une Matiere fimplement homogene fuffit pour donner une inconcevable diverfité d'Elémens, propre ¿ expliquer l'admirable variété de la Nature vifible.

DÉMONSTRATION. I°. La Matiere étant à l'infini fufceptible d'augmentation & de diminution; il eft évident que l'Auteur de la Nature, avec une matiere fimplement homogène, peut faire un nombre quelconque d'élémens, qui différeront par leur Maffe, felon toute proportion arithmétique ou géométrique qu'on voudra affigner enforte que les moins grands feront aux plus grands, ou comme la fuite croiffante des nombres naturels 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 &c.; ou comme les quarrés de ces mêmes nombres naturels, 1, 4, 9, 16, 25, 36, 49, 64, &c. ; ou dans d'autres rapports quelconques arbitrairement.

II. La Matiere ayant un nombre inépuifable de parties, dont chacune peut être diverfement figurée: il est évident que l'Auteur de la Nature, avec une matiere homogene, peut former un nombre quelconque d'élémens, qui différeront fans fin par leur Configuration. Ceux-là, taillés à facettes polies ou raboteuses, pourront être variés entre eux à l'infini, & par le nombre & par la figure & par la grandeur de leurs faces régulieres ou irrégulieres. Ceuxci, convexes ou concaves, branchus & crochus, pourront encore différer entre eux à l'infini, & par la multitude & par la forme de leurs branches, de leurs crochets, de leurs concavités.

Tome 1,

L

III°. Il eft évident que d'une telle diverfité d'Eli mens, peut réfulter telle variété qu'on voudra, dans les Compofés que produira leur combinaison.

Par exemple, des globules d'une maffe comme infiniment petite, feront fufceptibles d'une inconce vable vîteffe; feront propres à paffer avec une étonnante facilité, par des ouvertures imperceptibles : telle est peut-être la Lumiere.

Des élémens taillés en cubes ou en parallellopipedes, feront propres, en s'uniffant, à laiffer moins de vides entre eux, à former des maffes plus denses: tel pourroit être l'Or.

Des élémens fphériques ou coniques ou cylindri ques, très-liffes & très-polis dans leurs furfaces, feront propres à former des Touts fans adhérence, des fluides telle eft peut-être l'eau.

Des élémens branchus, crochus, raboteux, convexes, concaves, s'uniront moins intimement; laifferont entre eux de plus grands vides; formeront des maffes moins denfes : telle eft peut-être l'écorce de la plupart des arbres.

Un mélange de ces divers élémens, mêlange évidemment fufceptible d'une infinité de combinaisons & de gradations, fera propre à former divers Mixtes d'une variété quelconque. (Mét. 115 & 129).

Donc une Matiere fimplement homogene peut donner une inconcevable diverfité d'Elémens, propres à expliquer l'admirable variété de la Nature visible. C.Q.F.D.

PROPOSITION III.

145. Il est vraisemblable que les Elémens primitifs de la matiere, homogenes par leur fubftance qui les confond, hétérogenes par leurs modifications qui les diverfifient, ont reçu de l'Etre créateur, des maffes & des figures qui, quoique divifibles en elles-mêmes, ne peuvent être entamées & divifées par aucun Agent créé.

DÉMONSTRATION. I°. Il eft vraisemblable que la Matiere eft homogene en elle-même & dans fa nature: comme on vient de le démontrer.

Donc la diverfité des Corps, qui ne réfulte point de la fubftance homogene de leurs élémens, doit résulter des modifications hétérogenes de ces mêmes élémens.

Donc ce qui conftitue un Corps dans une espece, or ou argent, plutôt que terre ou eau; c'eft la forme caractéristique de fes élémens: forme qui doit né ceffairement dériver & réfulter, ou de la quantité de leur maffe, ou de la qualité de leur configuration, ou de l'une & de l'autre à la fois.

:

II. La nature spécifique d'un Corps, de l'Or, par exemple, étant conftituée, ou par la maffe ou par la configuration de fes élémens, ou par l'une & l'autre à la fois il s'enfuit que, pour faire changer de nature à ce corps, il ne s'agiroit que de changer ou la maffe ou la configuration des élémens qui le conftituent; & que s'il y a des corps qu'aucun Agent créé ne puiffe dénaturer, c'eft parce que leurs élémens ne peuvent être entamés & divifés par aucun Agent créé.

Or, la fiabilité de la Nature, annonce & démontre qu'au milieu de toutes les compofitions, de toutes les décompofitions, de toutes les révolutions quelconques, qu'effuyent fans ceffe la plupart des fubftances matérielles, les Efpeces y font toujours foncierement les mémes; & par conféquent, que les élémens primitifs qui conftituent ces efpeces, ne changent point de nature; & par conféquent encore, que ces élémens primitifs ne peuvent être dénaturés, ne peuvent être entamés dans leurs maffes & altérés dansleurs figures, par aucun des Agens qui les affaillent fans ceffe.

Quel genre d'épreuves & de tortures n'a pas fait

fubir la Chymie aux Métaux parfaits, fans jamais venir à bout de les dénaturer! Donc il eft très-vraifemblable que les élémens des Métaux parfaits, ceux du moins qui forment leurs Terres métalliques, doivent être naturellement infécables & indeftructibles.

Avec quel épouvantable choc, les vagues de la Mer, accumulées en montagnes, vont-elles, pendant les tempêtes qui les tourmentent depuis le commencement des tems, fe brifer contre les rochers écumans qui les captivent! Avec quelles horribles secouffes, la maffe de l'Air, fi fouvent convertie en ouragans furieux, va-t-elle heurter & les forêts qu'elle déracine, & les maifons qu'elle renverfe, & les plaines qu'elle ravage, & les montagnes qu'elle femble devoir ébranler! Avec quelle inconcevable impétuofité les balons de Lumiere, animés d'un mouvement environ quinze cens mille fois plus rapide que celui d'un Boulet de canon qui bat en breche, vont-ils frapper les divers corps qui les abforbent ou qui les réfléchiffent!

Or, l'expérience nous fait voir que ces affreufes fecouffes qu'effuient, depuis le commencement des tems, les élémens de l'Eau, les élémens de l'Air, les élémens de la Lumiere, n'alterent point ces trois efpeces de fubftances; qui reftent toujours les mêmes, fans changer de nature, fans devenir de jour en jour plus atténuées & plus fubtiles: donc les élémens primitifs de l'Eau, de l'Air, de la Lumiere, doivent être naturellement infécables & indeftructibles.

III°. L'expérience nous autorife à juger qu'il y a des corps, tels que les Métaux parfaits, l'Eau, l'Air, la Lumiere, dont les élémens primitifs ne peuvent être naturellement entamés & divifés: aucune expérience ne nous autorife à juger qu'il y ait des corps dont les élémens primitifs, qui forment leurs parties conflituantes, puiffent être naturellement entamés & divifé..

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