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Donc, en jugeant par analogie, des élémens qui fe refufent à nos expériences & à nos obfervations, par ceux qui font foumis à nos expériences ou expofés à nos obfervations; on eft bien fondé à penfer que les élémens primitifs des divers Corps, font naturellement infécables & indeftructibles.

IV. Si les élémens quelconques de la Matiere n'étoient pas naturellement infecables & indeftructibles: ces élémens qui, par la diverfité de leurs masses & de leurs figures, forment la diverfité des Corps, devroient, par le frottement continuel qu'occafionne l'action permanante de la Nature, ronger & entamer fans ceffe leurs angles, leurs éminences, leurs furfaces; devroient, par la perte de ces angles & de ces points éminens, fe convertir tous en élémens plus ou moins parfaitement fphériques: ce qui n'iroit à rien moins qu'à détruire dans fa fource & dans fon principe, & l'harmonie & la variété & la ftabilité de la Nature.

Donc l'expérience, qui nous montre comme conftante & comme indeftructible cette harmonie de la Nature, nous fonde à conclure que les divers élémens des Corps quelconques, doivent être naturellement infécables & indeftructibles; & par-là même, incapables d'être entamés & divifés par aucun Agent créé. C. Q. F. D.

146. COROLLAIRE I. Des Principes que nous venons d'expofer & d'établir, il s'enfuit que tous nos efforts, dans la divifion des Corps, ne peuvent aboutir qu'à écarter & à féparer des élémens contigus: fans parvenir jamais à entamer les angles & les maffes mêmes de ces Elémens primitifs, dont les parties qui les compofent, ont entre elles une adhérence comme infinie; adhérence librement décernée & établie par l'Auteur même de la Nature, pour rendre indeftruc

tibles & permanans les divers Principes des Corps.

La Combustion, la Putréfaction, la Diffolution, divifent & décompofent les parties intégrantes des Corps fans en altérer les parties conftituantes primitives, qui reftent toujours les mêmes après la décompofition. (7 & 12).

147.

COROLLAIRE II. Il fuit encore des mêmes Principes, qu'il y a peu de lumiere & de raifon, dans çes prétendus Chymiftes par excellence, qui s'occupent du grand Euvre; ou qui facrifient & leur tems & leur fortune, à la recherche de la Pierre philofophale.

EXPLICATION, S'occuper du grand Œuvre de l'Alchymie, ou chercher la Pierre philofophale; c'est chercher l'art de convertir les divers élémens qui conftituent ou le cuivre ou l'étain ou le plomb ou le mercure ou les différens Mixtes quelconques, en élémens de l'Or ou de l'Argent: art très-vraisemblablement abfurde & chimérique dans fon objet; foit que l'on s'en rapporte à l'expérience, foit que l'on confulte la fpéculation.

1o. Si on s'en rapporte à l'expérience; il paroît que l'on a fait affez de tentatives ruineufes en ce genre, pour être plus que fuffifamment fondé à défefpérer de tout fuccès à cet égard, & à définir purement & fimplement l'Alchymie: Ars caca & improba, cujus principium, vefana cupiditas; medium, labor fœtidus; finis, ridenda egeftas.

La Chymie n'a pu encore parvenir à dénaturer effentiellement & irréversiblement l'Or & l'Argent: combien moins pourra-t-elle parvenir à les compofer & à les former!

II°. Si on confulte la fpéculation; il paroît que dans tout fyftême vraiment philofophique, où l'on part du Point fixe de la Stabilité de la Nature, foit que part Ton fuive le fentiment de Zénon, foit que l'on adop

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te l'opinion de Gaffendi, foit que l'on fe décide pour le fentiment beaucoup plus vraisemblable que nous venons d'expofer & d'établir; il faut toujours néceffairement admettre une vraie indeftructibilité dans les Élémens primitifs de la matiere. (145).

S'il étoit poffible de faire prendre aux élémens des différens Corps, & la même maffe & la même configuration qu'ont les élémens de l'or & de l'argent : ces divers corps pourroient être transformés & convertis en Or & en Argent. Mais l'expériencede tant de fiecles, après tant d'efforts vainement réitérés

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nonce fuffifamment qu'il n'eft point donne aux hommes, d'opérer une telle métamorphofe; & la fabilité de la Nature, fiabilité décernée par l'être créateur exige néceffairement qu'une telle métamorphofe foit abfolument impoffible à tous les efforts des Agens créés fans quoi les Agens créés, en altérant les élémens primitifs des Corps, pourroient détruire l'harmonie de la Nature, & renverfer l'ordre établi par l'Être créateur,

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OBJECTIONS A RÉFUTER.

148. OBJECTION I. La principale Preuve fur la quelle on fonde l'homogénéité de la Maticre; c'eft la riche & féconde fimplicité que l'on fuppofe à l'Au teur de la Nature, dans l'exécution de fes deffeins. Mais eft-il bien décidé que l'Auteur de la Nature agiffe, comme on le prétend, par les voies les plus fimples & les plus générales? L'Auteur de la Nature fe montreroit-il & moins riche & moins grand dans fes œuvres, en prodiguant les Principes; qu'en épargnant les Principes, pour multiplier & varier les

effets?

D'ailleurs, il étoit plus fimple de produire le Monde en un feul inftant, que de le produire en fix jours; & cependant l'Être créateur fe décida à employer fix

jours, au lieu d'un inftant, pour le grand œuvre de la Création : c'est donc fans aucun fondement folide, que l'on fuppofe que l'Auteur de la Nature, agit par les voies les plus fimples & les plus générales,

RÉPONSE. Io. Il nous confte par la Raifon, que l'Auteur de la Nature, effentiellement libre dans fes œuvres, n'eft point néceffité à agir toujours felon les voies que nous jugeons les plus fimples. Nous reconnoiffons donc qu'il peut abfolument s'en écarter, quand il lui plaît, pour des motifs dignes de fa fageffe,

II°. Il nous confte par une autorité infaillible, par 'la Révélation, qu'il a plu à l'être créateur, d'employer fix jours, au lieu d'un feul inftant, au grand ouvrage de la Création: foit pour donner plus de majesté & de fenfibilité à cet événement, en lui donnant une durée & une étendue, qui le met plus en prise à notre imagination & à notre intelligence; qui nous met plus à portée de le fuivre & de l'admirer; foit pour quelqu'autre motif plus fublime & plus profond, que fa fageffe avoue, en même tems qu'elle nous le cache,

III. Il nous confte par l'Expérience, que l'Auteur de la Nature, effentiellement libre dans fes oeuvres, a choifi de préférence les voies les plus fimples & les plus fécondes, pour conferver & pour perpétuer la Nature puifqu'une même Gravitation attire tous les Corps vers leurs centres, & opere tous les phénomenes qui peuvent en réfulter; puifqu'une même Elafticité met en jeu toute la maffe de l'Air, & produit tous les effets qui peuvent en émaner; puifqu'un même Feu élémentaire affecte tous les Êtres fenfibles, qu'il meut, qu'il écarte ou qu'il rapproche, qu'il réunit ou qu'il divife, qu'il entretient ou qu'il détruit, felon la différente quantité de fon action,

D'où nous concluons que, puifque l'Auteur de la Nature, agit communément & conftamment par les voies les plus fimples & les plus fécondes, & qu'aucune raifon ne démontre qu'il fe foit écarté de cette maniere grande & fublime, dans la production des Elemens de la matiere; il ne faut point admettre une multiplicité d'efpeces différentes de Matiere, là où une feule efpece de Matiere eft fuffifante.

IV. L'Auteur de la Nature, ne se montreroit pas moins riche, mais il fe montreroit moins fage, en prodiguant les Caufes & les Principes fans raifon : comme un Artiste se montreroit moins fage & moins habile, en multipliant les refforts & les rouages, pour mouvoir une Machine qui n'en exigeroit qu'un feul.

Or, quelle raison peut-il y avoir d'employer conf tamment & perfévéramment dans la Nature, une inutile redondance de caufes & de principes, là où un feul Principe eft néceffaire & fuffifant? Donc la preuve ou la raifon par laquelle nous établiffons l'homogénéité de la Matiere, eft une raison très-philo¬ fophique & très-folide.

149. OBJECTION II. Comment concevoir & comment fe perfuader qu'un Corps dur & pefant, tel que le marbre & le chêne, foit compofé de la même matiere qu'un.corps léger & fluide, tel que l'Air & la Lumiere? Des propriétés fi différentes n'annoncentelles pas évidemment une différence de fubftance. dans ces corps?

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RÉPONSE. 1°. L'Air, qui paroît être un corps fi Léger, a une pefanteur très-réelle, proportionnelle à la quantité de fes molécules: comme nous le démontrerons ailleurs. L'Air, qui paroît n'avoir aucune vertu réfiftante, quand il a une libre iffue pour s'écarter ou pour s'échapper, montre bien fenfiblement

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