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particulier, l'autre autour de certains centres communs de-là naîtront & les divers Principes des corps & l'harmonie générale de la Nature. Car voici ce qui doit néceffairement réfulter de cette très-fimple & très-féconde hypothese. (Fig. 6).

1o. Ces Cubes A, dans le Plein, ne peuvent fe mouvoir autour de leur centre particulier, fans que leurs angles fe rompent avec violence; & fans qu'il fe détache par-tout du fein des parties rompues & brifées avec effort, comme un nuage ou un torrent de particules incomparablement plus petites; que la violence & l'effort de la divifion, feront jaillir avec une inconcevable vîteffe, laquelle leur fera perfévéramment & inamiffiblement affectée.

Voilà un premier Elément, la Matiere fubtile D; qui, douée d'une vîteffe prodigieufe, & capable de prendre & de perdre fucceffivement toutes les figures poffibles, fe trouve propre à pénétrer avec une étonnante facilité, dans les moindres pores de tous les Corps.

Telle eft la Matiere qui compofe le Soleil, les Étoiles, tous les Corps lumineux. Primum Elementum: Materia fubtilis, motu acta perniciffimo, nullius figura tenax.

II°. Ces Cubes ne peuvent continuer à rouler fur leur centre particulier, fans ufer par le frottement leurs parties anguleufes; fans parvenir à fe convertir enfin en globules liffes & polis, d'une plus ou moins grande masse.

Voilà un fecond Elément, la Matiere globuleuse B; dont les molécules different de la matiere fubtile, & par leur maffe qui eft bien plus grande, & par leur figure qui eft déterminée & conftante.

Cette Matiere globuleufe remplit les efpaces immenfes des Cieux; ou les efpaces qui feparent le Soleil & les Etoiles, des Corps opaques, répandus

& roulants dans leurs Tourbillons. Secundum Elementum: Materia globulofa, Materia atherea ; feu Ma teria que in globulos efformata, athereas implet plagas.

III°. Ces Cubes n'ont pu fe mouvoir dans le Plein autour de leurs centres particuliers, fans que leurs angles folides aient formé, en fe détachant du refte du cube, des Maffes anguleufes & irrégulieres; différentes, & de la Matiere globuleufe, qui eft commę le centre & le noyau arrondi des Cubes divifés; & de la Matiere fubtile, qui eft comme une pouffiere échappée en infiniment petits éclats, du sein des ties notables de la divifion.

par

Voilà donc un troifieme Elément, la Matiere branchue & canelée C, immensement variée dans fes maffes, irréguliere dans fes configurations, peu propre au mouvement, deftinée à former des Corps. folides & maffifs par l'entrelacement de fes angles, de fes branches, de fes concavités.

La Terre, les Planetes, les Cometes, font principalement compofées de ce troifieme élément. Tertium Elementum: Materia ramofa, Materia ftriata, ex quá folida conflantur Corpora.

IV°. Que ces trois Élémens, encore mêlés & confondus entre eux, aient été, dès le commencement des tems, partagés en tout autant de grandes Por tions, qu'il y a aujourd'hui d'Etoiles fixes; & que chaque Portion de cette matiere ainfi mélangée, ait reçu une impulfion générale, qui l'ait forcée à fe mouvoir comme un Fluide, autour d'un Centre commun!

De-là, felon Descartes, l'origine des divers grands Tourbillons; qui, par les feules Loix mécaniques, ont formé ou pu former ce vifible Univers: en le fuppofant divifé en autant de grands Tourbillons, qu'il y a d'Etoiles fixes.

Notre Soleil eft le centre d'un grand Tourbillon,

dans lequel nagent & circulent nos Planetes, & qui s'étend jufqu'aux Tourbillons des Etoiles voifines. Chaque Etoile eft le centre d'un autre grand tourbillon; dans lequel nagent auffi des planetes femblables aux nôtres, & à qui l'étoile placée au centre fert de Soleil.

164. EXPÉRIENCE. Si on fait tourner rapidement fur fon axe, un Globe creux de verre, dans lequel on ait mis trois Liquides de différente pefanteur, de l'huile, de l'eau, du mercure; le plus léger refte au centre le plus pefant fe porte vers la circonférence le troifieme fe place entre les deux autres. La même chofe, dit Defcartes, a dû arriver aux trois Elemens, primitivement mélangés & confondus dans les grands Tourbillons.

I°. La Matiere fubtile, le plus petit & le plus mobile des trois élémens, a dû demeurer au centre du Tourbillon; & y former un Corps lumineux, ou un Sóleil.

II°. La Matiere anguleufe & cannelée, le plus maffif & le moins mobile des trois élémens, a dû être emportée plus ou moins avant, felon fon plus ou moins d'inertie, vers la circonférence du Tourbillon.

Eparfe d'abord au hafard vers la circonférence du Tourbillon, cette matiere branchue & cannelée a dû s'y former fucceffivement en Globes opaques, de différente denfité & de différente grandeur; que l'Impulfion fera enfuite defcendre plus ou moins avant vers le centre du Tourbillon, felon leur plus ou moins de denfité.

III. La Matiere globuleuse, plus maffive que la Matiere fubtile, moins maffive que la Matiere bran chue & cannelée, a dû fe placer vers le milieu du Tourbillon. Les divers globules de ce fecond élé

ment,

ment, n'étant pas tous d'égale maffe: ils ont dû fe diftribuer en différentes couches; les plus petits plus près du centre, les plus grands plus loin du centre.

Chaque couche d'un Tourbillon, s'efforce en vain de s'enfuir par la tangente: elle eft forcée à fe mouvoir circulairement ou elliptiquement, par la cou che fupérieure, qui l'arrête & a captive dans fon efpace. La derniere couche d'un Tourbillon, par exemple, du Tourbillon folaire, eft arrêtée par les dernieres couches des Tourbillons contigus; & le dernier de tous les Tourbillons exiftans, eft arrêté & captivé dans fa derniere couche, par le fimple défaut d'un Efpace ultérieur, dans lequel cette derniere couche puiffe s'étendre & fe répandre.

Chaque Tourbillon, en roulant autour de fon cen tre commun ou de fon étoile, emporte par fon impulfion, les Planetes qui nagent dans lui: à peu près comme un Courant d'eau, emporte un arbre qui flotte dans fon onde.

Les Planetes plus éloignées du centre, mettent plus de tems que les autres à faire leur révolution: parce que les différentes couches des Tourbillons ayant toutes la même vîteffe; les couches plus éloignées du centre, doivent mettre d'autant plus de tems à faire leur révolution, qu'elles ont plus d'ef pace à parcourir pour l'achever.

165. REMARQUE. Tel eft en précis, le fublime Rêve de Defcartes, fur l'origine & fur le mécanifme de l'Univers!

Ce n'est point ici le lieu de fuivre ce Philofophe célebre, à travers les divers théâtres de la Nature; où , par le moyen de fes trois Elemens & de l'Impul fion, imitateur ou rival du Créateur, fon audacieux génie forme les différens Corps, folides, liquides fluides; fait naître la Pefanteur, d'une matière fans Tome I

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pefanteur; cryftallife & minéralife les entrailles de la Terre; éleve ou abaiffe les flots de l'Océan ; enfante & détruit les différens Météores dans l'Atmosphere; crée & perpétue les diverfes efpeces d'Animaux & de Végétaux, fur la furface de notre Globle; met les Tourbillons des Etoiles en équilibre entre eux; produit les Planetes & les Cometes; métamorphofe les Corps opaques en Corps lumineux, & les Corps lumineux en Corps opaques dans le Ciel.

Quelle force & quelle grandeur, dans ce génie ! On ne peut trop s'étonner qu'un homme ait été capable d'embraffer ainfi d'un feul coup-d'oeil, la Nature entiere, dans toute fon étendue ; & de réduire à une auffi fimple hypothefe, tout ce que préfente de varié & de compliqué, l'enfemble de l'Univers. Qu'il eft fâcheux, que ce qui parut d'abord l'hiftoire de la Nature, n'en foit plus aujourdhui que le Roman!

Cette romanefque Hypothefe, dont nous développerons ailleurs les vices fondamentaux, changea cependant la face de la Philofophie. Endormie & enfevelie depuis long-tems au fein de la craffe Ignorance & du barbare Pédentifme, la Philofophie fut réveillée par les charmes intéreffans de ce brillant délire; qui lui infpira le goût des Connoiffances, & qui la mena à l'amour de la Vérité. Ainfi font faits les hommes: incapables de recevoir la jufte impreffion qui leur convient, fouvent on ne peut les tirer d'un abyme, qu'en les entraînant dans un autre abîme;communément on ne peut les éclairer par la Raifon, qu'après les avoir féduits par l'Imagination : c'eft ce que fit Descartes.

Pour ébranler jufques dans fes fondemens l'ancienne Philofophie, qui confacroit l'Ignorance & le Préjugé, il lui fallut créer un Systéme fingulier, capable de ré veiller & d'intéreffer le génie létargique de fon fiecle. Il créa ce Systême : le génie réveillé & mis en jeu, fentit le vide & le ridicule de la Philofophie alors ré

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