RÉPONSE. La raison en eft, qu'on eftime principalement les Forces motrices, relativement à la résistance des obftacles qu'il faut vaincre. Or la réfiftance des obftacles à vaincre, exige qu'on faffe principalement attention à la quantité du premier effort: lequel étant vaincu par la réfiftance de l'obstacle, rend nuls tous les efforts qui l'euffent fuivi, fi l'obstacle eût cédé.

I. Qu'une Maffe d'un quintal en X, soit précifément fuffifante pour réfifter, fans fe déplacer, à l'impulfion du Corps A, qui va la heurter avec une viteffe cómme 1.

Une Maffe de deux quintaux en X, fera précisément fuffifante pour réfifter, fans se déplacer, à l'impulfion du même corps A, qui ira la heurter avec une vîteffe comme 2. (Fig. 86).

II°. On conçoit, & tout le monde convient, que ces deux Forces mortes Ax 1, A x 2, font entre elles comme i eft à 2.

Cependant, fi dans ces deux cas, l'obftacle venoit à être diminué d'une certaine quantité, ce qui eft fort étranger aux deux Forces motrices: l'obftacle cédant à l'impulfion du premier choc, l'effet total de ces deux Forces épuifées, feroit comme 1 dans le premier cas, comme 4 dans le fecond cas.

Car, dans le premier cas, la force comme 1, fcroit i en quantité, en durée : 1 x 11. Dans le fecond cas, la force comme 2, feroit-2 en quantité, feroit-2 en durée : 2 × 2=4.

284. OBJECTION III. Soient deux Boules A & B, mues fur un Plan horisontal également résistant: A, d'une livre, avec une vîteffe 2; B, de deux livres, avec une vîteffe 1. (Fig. 86).

Selon l'eftimation des Antagonistes de Leibnitz : ces deux boules ont une égale quantité de mouve

ment.

Selon l'estimation des Partifans de Leibnitz : la boule A doit avoir une quantité de mouvement deux fois plus grande que la boule B: puifque 1×4 quarré de 2, eft égal à 4; & que 2 x 1 quarré de 1, eft égal à 2. Donc la difpute fur cet objet, n'eft pas fimplement une queftion de nom.

ici

RÉPONSE. Les deux Forces que l'on compare font deux forces vives; & de l'aveu des deux Partis oppofés, après l'épuifement des forces, la boule A aura parcouru un elpace A X égal à 4; la boule B, un efpace B S égal à 2.

1o. La boule B étant double en maffe, chacune de ses moitiés est égale à toute la boule A. L'effet de la force motrice, eft donc le même dans ces deux boules: puifque cette force motrice transporte d'une part, une boule de deux livres à une diftance comme 2 ; & de l'autre, une boule d'une livre, à une distance deux fois plus grande.

II°. Ces deux Forces motrices étant égales en intenfité, font auffi égales en durée: mais celle qui a plus de vîteffe, parcourt deux espaces; tandis que l'autre n'en parcourt qu'un.

Celle qui a plus de vîteffe & moins de maffe, n'éprouve, en parcourant deux espaces, qu'autant de réfiftance qu'en éprouve celle qui a moins de vîteffe & plus de maffe, en parcourant un feul efpace.

III. Il réfulte encore de-là, que la difpute fur l'eftimation des Forces, n'eft qu'une question de nom, où tout le monde eft d'accord fur les effets: mais que ces Effets n'annoncent point, comme le prétendent les Partisans de Leibnitz, une Distinction réelle entre les Forces vives & les Forces mortes. (375).

ARTICLE

SECON D.

LES OBSTACLES AU MOUVEMENT.

285. OBSERVATION. Tous les Corps n'ont pas une égale difpofition au mouvement. Les uns oppofent plus, les autres oppofent moins de réfiftance aux Forces qui les meuvent, au Mouvement qui les anime: felon qu'ils different entre eux, par leurs figu res; felon qu'ils font plus ou moins polis dans leurs furfaces; felon la différence de leurs denfités; felon le plus ou le moins de réfiftance des Milieux où ils fe

meuvent.

1o. Soient pofés fur un même Plan horisontal, un Globe de plomb de dix livres, & un Cube de plomb de dix livres, également polis l'un & l'autre dans leurs furfaces.

Il vous fera plus facile de mouvoir horisontalement le Globe, que le Cube; & fi vous imprimez le même mouvement à l'un & à l'autre, le mouvement imprimé fubfiftera plus long-tems dans le Globe que dans le Cube. Donc la figure d'un Corps, entre pour quelque chofe, dans fon plus ou moins de difpofition au Mouvement.

II°. Soient deux Cubes égaux de marbre, l'un parfaitement poli, & pofé fur un Plan horifontal trèspoli; l'autre inégal & raboteux, & pofé fur un Plan horifontal inégal & raboteux de même.

Le premier Cube fe mettra plus facilement en mouvement, & confervera plus long-tems fon mouvement, que le second. Donc le plus ou le moins de poli dans les furfaces, entre auffi pour quelque chofe, dans la différente mobilité des Corps.

III. Soient deux Cubes folides d'un pied de diametre, l'un de plomb, l'autre de carton, également polis

dans

dans leurs furfaces, & pofés fur un Plan horisontal poli de même.

Si vous voulez les faire gliffer fur ce plan, vous trouverez plus de réfiftance dans le premier que dans le fecond; & l'effort qu'il vous faudra faire pour mouvoir ces deux corps, fera proportionnel à leur denfité, ou à la quantité de matiere renfermée fous leur même volume. Donc les Corps opposent au mouvement, une réfiftance occafionnée par leur denfité, & proportion nelle à leur denfité.

IV. Si deux Corps de même volume, de même denfité, d'un même poli, d'une même figure, fe meuvent l'un dans l'air, l'autre dans l'eau : ils éprouvent une inégale réfiftance à leur mouvement. Donc la diverfité des Milieux où les Corps fe meuvent, s'oppose plus ou moins à leur mobilité & à leur mouvement.

La résistance occafionnée par la diverfité des Denfi tés & par la diverfité des Milieux, exige un développe ment à part, qui va faire le fujet des deux paragra phes fuivans.

PARAGRAPHE

PREMIER.

LA FORCE D'INERTIE.

286. OBSERVATION. Il y a dans la Matiere ;

éomme nous venons de le remarquer, une résistance au Mouvement, occafionnée précisément par le plus ou par le moins de matiere à mouvoir. Cette réfif tance, toujours proportionnelle à la quantité de matiere à déplacer, aété nommée par les modernes Phy ficiens, Force d'inertie: qu'il ne faut point confondre avec ce que nous avons nommé ailleurs Inertie de la Matiere. (72).

1o. On nomme Inertie de la Matiere, l'incapacité na

Tome I.

X

turelle qu'elle a, de fe donner par-elle-même le mouvement & l'action. C'eft, dans la Matiere, une propriété purement négative. (75).

II°. On nomme Force d'inertie, dans la Matiere, la réfiftance ou l'obftacle pofitif que la matiere oppose au mouvement, fi elle eft en repos; qu'elle oppofe au repos ou à un mouvement différent, fi elle fe meut; précisément à raifon de fa maffe ou de fa quantité. C'eft, dans la Matiere, une propriété pofitive: quelles qu'en foient & la nature & la caufe.

III. Defcartes attribue au fimple Repos des parties, cette résistance au Mouvement, que l'on éprouve dans un corps qu'il faut déplacer.

Newton regarde cette réfiftance au Mouvement, comme une propriété naturelle de la Matiere; en vertu de laquelle toute matiere en repos, oppose à fon mouvement, un obftacle réel & pofitif, toujours proportionnel à fa maffe: fans que le repos, qui n'eft qu'une fimple privation de mouvement, qui par conféquent n'eft rien de pofitif, influe pour rien dans cette réfiftance pofitive au mouvement.

Une Matiere en mouvement, oppose la même réfiftance pofitive, & au repos, & à un mouvement différent de celui qui l'anime.

287. ASSERTION I. Il y a dans tous les Corps en repos, une Force d'inertie, inhérente à leur nature: en vertu de laquelle ils oppofent une réfiftance pofitive à leur Mouvement. (Fig. 14).

DÉMONSTRATION. Soient deux Globes non élaftiques A & B, égaux en volume, & d'une même matiere quelconque, fufpendus dans l'Air ou dans le Vide, par de très-longs fils perpendiculaires. Que l'on écarte de fa Perpendiculaire MA le Globe A; & qu'on le laiffe tomber par un arc de 6 degrés, vers fa perpendiculaire.