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nuité; on ne fuppofera rien qui ne foit le plus rigou reufement conftaté & démontré par l'expérience.

ARTICLE TROISIEME.

LA DIVISIBILITÉ DE LA MATIERE.

LA théorie expérimentale que nous venons d'expofer & d'établir, fuffit abondamment à l'explication des divers phénomenes de la Nature, qui annoncent & qui fuppofent dans les parties élémentaires de la Matiere, une inconcevable ténuité, une inconcevable Divifion: mais elle ne prouve rien, en faveur de la Divifibilité à l'infini.

Si la Matiere eft divisible à l'infini: à quelque extrême petiteffe que l'on fuppofe réduit par la divifion, un élément de Matiere; il y a toujours l'infini, entre la divifion effectuée & la divifion poffible: il n'y a donc aucune induction à tirer de l'une à l'autre.

IDÉE DU CONTINU.

44. DÉFINITION. On appelle Continu, un affemblage d'élémens unis: quelles qu'en foient & la nature & la maffe. Tel eft un bloc de marbre; tel eft un grain de fable; telle eft une goutte d'eau. Un feul élément, fimple dans fon être, ou fans aucune compofition de parties (s'il y a de tels élémens dans la Nature), ne fait pas un Continu.

45. OBSERVATION. Tous les Phyficiens, tous les Naturaliftes, tous les Philofophes éclairés, s'accordent à reconnoître que là Matiere qui forme un Conzinu, ne peut être divifée par des Agens créés, que jufqu'à un certain terme; au-delà duquel elle ceffe d'être en prife à tous les efforts que l'on feroit pour

ceffe d'être pobie en elle-même: parce que cette matiere n'a plus de parties qui puiffent fe féparer.

Ces Parties inétendues & indivisibles, principes primitifs de tous les Corps, dont par leur réunion elles forment l'étendue: c'eft ce que les Sectateurs de ce Philofophe, ont nommé Points zénoniques, ou Points phyfiques.

47. REMARQUE. Il ne faut point confondre le Point zénonique, avec le Point mathématique.

I°. Le Point zénonique, s'il exifte, eft un élément déterminé de matiere; qui exclud pofitivement toute étendue, toute compofition, toute multiplicité de parties.

Le Point mathématique eft une infiniment petite portion de matiere, étendue ou inétendue ; que l'on confidere ou comme l'origine ou comme le terme de quelque dimenfion du Corps à mefurer.

II°. Le Point zénonique eft effentiellement incompatible avec la moindre étendue, qui détruit fa nature. Le Point mathématique fubfifte avec une étendue infiniment petite, qui ne déroge en rien aux démonftrations qu'il fonde.

S'il eft démontré que tout élément de matiere eft 'étendu & compofé de parties, toute la théorie des Zénoniftes échoue; toute la théorie des Mathématiciens fubfifte: parce que les premiers ont pour objet d'établir l'inétendue réelle & abfolue des Points phyfiques; & que les derniers fe bornent à établir leurs démonstrations & leurs calculs, qui font indépendans de l'étendue & de l'inétendue des Points mathématiques.

Le Zénonifte exclut formellement de fes Points, l'étendue: le Mathématicien, en concevant fes Points, fe borne à faire abftraction de l'infiniment petite étendue qu'ils peuvent avoir: les raifons qui foudroient

le

le premier, n'attaquent donc en rien le fecond. 48. ASSERTION. Les Corps ne font point compofés de Poinis génoniques.

DÉMONSTRATION I. L'étendue d'un Continu quelconque, par exemple, d'un Bloc de marbre, naît évidemment de la nature & de la réunion des Parties qui le compofent: donc ces Parties ont une étendue; donc ces Parties ne font pas inétendues.

Je démontre la conféquence. Il eft évident qu'une négation ou une privation d'étendue, ajoutée un million de fois, une infinité de fois, à une négation ou à une privation d'étendue, ne peut point former une étendue : comme un nombre quelconque de négations ou de privations d'être, ajoutées à l'infini les unes aux autres, ne peut pas conftituer un être; comme un nombre quelconque de négations ou de privations d'or & d'argent, ajoutées & accumulées à l'infini, ne peut pas former une maffe d'or ou d'argent. Donc un nombre quelconque de Points zénoniques, dont chacun a la négation ou la privation d'étendue, attachée & inhérente à fa nature, ne peut pas former une étendue.

Donc l'étendue de ce Continu ou de ce Bloc de marbre, ne réfulte point d'un nombre fini ou infini d'élémens fans étendue: donc les élémens qui, par leur nature & par leur réunion, forment l'étendue de ce Continu ou de ce Bloc de marbre, ont néceffairement chacun une petite étendue réelle & pofitive. Donc ces élémens, dont la fomme réunie forme & conftitue l'étendue totale de ce bloc de marbre, ne, font pas des Points zénoniques fans aucune étendue réelle & pofitive. C. Q. F. D..

DEMONSTRATION II. Repréfentez-vous par la penfée un Elément de matiere, d'une petiteffe quelconque, d'une potitoffe mille millions de fois moindre Tome I.

D

porter plus loin la Divifion: foit que les Molécules primitives qui la compofent, foient des fubftances abfolument fimples dans leur nature; foit que le Créateur, dont l'efficace volonté fait la Nature ce qu'elle eft, ait voulu & décerné que ces Molécules primitives, compofées d'un nombre fini ou infini de particules diftinctes, fuffent perfévéramment & inféparablement unies en un même Tout indestructible.

L'état de la queftion préfente, confifte donc uniquement à décider fi ces Molécules primitives, principes des Corps étendus & fenfibles, font divifibles à l'infini en elles-mêmes: en telle forte qu'une Puiffance infinie puiffe éternellement les partager en moitiés, en quarts, en centiemes, en millioniemes, & ainfi de fuite à l'infini; fans parvenir jamais à un terme de divifion, où la divifion ceffe d'être ultérieurement poffible en elle-même dans les parties divifées.

Raifon humaine, ceffe d'imputer à la feule obfcurité des myfteres de la Religion, des ténebres qui t'irritent & qui te révoltent à tort contre elle ! Voici une matiere où il t'eft permis de donner un libre effor à toute ton activité: où tu n'es gênée & captivée par le voifinage d'aucun dogme de la Religion : où la chofe à connoître, eft expofée, autant qu'il eft poffible, à tes idées, à tes jugemens, à tes raisonnemens, à tes fenfations, à toute la sphere de ton intellectivité !

Depuis près de trois mille ans, que tu t'efforces de décider, fi un grain de fable eft divisible à l'infini: quelle lumiere bien affurée & bien triomphante t'estu procurée en ce genre? Dans quel épais nuage, dans quel inextricable labyrinthe, ne te vois-tu pas abimée & enveloppée; quelque parti que tu prennes, apres les plus profondes méditations, fur une matiere qui paroît fi fort à ta portée !

Reconnois donc que les ténebres qui t'humilient, ont leur germe & leur fource dans ta propre nature, dans les bornes étroites de ta foible intelligence. Ceffe de t'offenfer des nuages attachés aux fublimes myfteres de la Religion, dont l'objet eft fi loin de ta fphere: en voyant que dans une matiere qui femble fi fort à ta portée, l'Abfurde paroît toujours placé à côté de l'évidence ; & que la Vérité, que tu t'efforces de découvrir, ou échappe obftinément à tes recherches, ou ne fe montre à toi que fous un jour obfcur & nébuleux.

La divifibilité de la Matiere ou du Continu, envifagée fous le point de vue que nous venons d'indiquer, eft une queftion de pure curiosité, dont la théorie de la Nature eft affez indépendante. Elle n'a cependant pas laiffé de réveiller & d'exciter, dans tous les fiècles, l'attention des plus beaux génies qui tous ou prefque tous ont pris parti pour ou contre. Les idées & les opinions de ces hommes célebres, méritent l'attention de tout efprit philofophe.

PARAGRAPHE

PREMIER.

DIVERS SENTIMENS CONTRE L'INFINIE DIVISIBILITÉ DE LA MATIERE.

LES POINTS ZENONIQUES.

46. EXPLICATION. Le Fondateur de la Secte ftoï cienne, le célebre Zénon, se déclara contre l'infinie divifibilité de la Matiere.

Le Continu, felon Zenon, n'eft divifible que jufqu'à ce qu'on parvienne par la divifion, à certaines Parties inétendues & indivifibles, dont le nombre eft fini dans tout Continu.

Quand, par la divifion, on eft arrivé à ces Parties inétendues & indivifibles; une ultérieure divifion

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