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que celle que voudra lui fuppofer un Sectateur quelconque de Zénon.

Vous concevez que cet élément a encore plufieurs faces, dont l'une n'eft pas l'autre ; dont l'une regarde l'orient, l'autre le couchant; celle-là le zénith, celleci le nadir. Donc, à quelque divifion. que Fon fuppofe portée une portion de matiere; on conçoit encore dans chacun de fes élémens divifés, plufieurs faces ou plufieurs parties dont l'une n'eft pas l'autre.

Donc, en vertu du Principe fondamental de toutes les Sciences, qui veut que l'on affirme des chofes ce que l'efprit conçoit néceffairement dans les chofes; on doit affirmer du plus petit élément de matiere que l'efprit puiffe concevoir dans la Nature une multiplicité de parties. Donc il eft faux qu'il y ait dans la Nature, des élémens de matiere, fans aucune Etendue, fans aucunes parties diftin&tes. C. Q.F.D.

49. REMARQUE. Dire avec un Philofophe moderne, que quoique l'on conçoive toujours dans les Elémens de la matiere, & une étendue & une multiplicité de parties, il ne s'enfuit pas de-là que ces élémens foient tels en eux-mêmes: c'eft, ce me femble heurter & renverfer le Principe fondamental de toutes les fciences. J'aimerois autant dire, que quoique l'on conçoive toujours la partie comme moindre que le Tout, il ne s'enfuit pas dc-là, que la partie foit en elle-même moindre que le Tout.

LES MONADES DE LEIBNITZ.

50. EXPLICATION I. Leibnitz rêvoit quelquefois, ainfi que Defcartes mais les rêves du premier, ainfi que ceux du fecond, étoient toujours les rêves du génie, plus fublimes & plus intéreffans que les fades & rampantes veilles des hommes du commun.

C'eft fans doute dans un de ces Rêves fublimes,

que Leibnitz enfanta fon fyftême des Monades: fyftême qui dut probablement fon origine au goût dominant de ce Philofophe, pour ce beau Principe philofophique qu'il vouloit appliquer à tout: Rien ne fe fait, rien ne doit être affirmé, fans une raifon fuffifante.

Pour rendre généralement raifon de tout dans la Nature: Leibnitz conçut la Nature entiere, fous l'idée d'un affemblage infini de Monades, qu'il fuppofe en elles-mêmes & dans leur être primitif, fimples & fans aucune compofition; inétendues & fans aucune dimension; diffemblables & fans aucune égalité de perfection; actives ou capables d'action & de mouvement; représentatives ou propres à fe retracer & à fe concevoir les unes les autres. (4).

C'est d'après cette idée générale, ou d'après ce petit nombre de Suppofitions & de Demandes philofophiques, que l'Auteur des Monades entreprend de porter le flambeau philofophique fur tous les grands phénomenes de la Nature.

Tout eft monade, felon Leibnitz. Dieu est une monade: monade éternelle & incréée, à laquelle toutes les autres doivent leur existence. L'Ame humaine est une monade: monade fpirituelle, plus parfaite, plus représentative, plus intelligente que toutes les monades matérielles. L'Ame des Brutes, eft une monade : monade immatérielle, capable de sentiment & de quelques connoiffances. Chaque Elément de matiere, eft une monade : monade qui differe néceffairement en genre & en intenfité de perfection, de toute autre monade; étant impoffible qu'il y ait dans la Nature, deux Monades quelconques, fpirituelles ou matérielles, d'une perfection égale.

51. EXPLICATION II. Mais pourquoi attribue-t-il ou fuppofe-t-il à ces Monades, les qualités ou les

propriétés que nous venons d'annoncer? En voici les raifons, qu'il fuffira d'indiquer ou de faire entrevoir. 1. Il les fait fimples: pour rendre raifon de la compofition des Corps, qu'il place dans un affemblage de monades fimples.

Čar ce n'eft pas rendre raifon du Composé, felon lui, que de l'expliquer par d'autres compofés fubalternes puifqu'il refte éternellement à demander, pourquoi ces Compofés fubalternes font eux-mêmes des compofés.

II. Il les fait inétendues: pour rendre raifon de l'étendue des Corps, qu'il fait réfulter d'un affemblage de monades inétendues.

Čar dire qu'un Corps eft étendu, parce qu'il eft compofé de points ou d'atomes étendus, ce n'eft point expliquer l'étendue, dit Leibnitz : puifqu'il refte toujours à demander, pourquoi ces points ou ces atomes font eux-mêmes étendus.

III°. Il les fait diffemblables: en premier lieu, pour rendre raifon de la diverfité qu'il découvre dans la Nature entiere; de la diverfité des génies & des caracteres chez les hommes; de la diverfité de vertus & de propriétés dans les Mixtes, dans tous les différens Corps: diverfité qu'il fait découler de la différence ou la diffemblance intrinfeque & primitive des monades qui les forment.

En fecond lieu, parce qu'il penfe, d'après fon fyftême de l'Optimisme, que s'il y avoit eu deux Monades femblables & d'égale perfection dans la claffe des Poffibles, Dieu n'auroit jamais pu créer ni l'une ni l'autre attendu qu'il n'auroit eu aucune Raifon fuffifante de créer l'une préférablement à l'autre. L'existence des Monades, annonce & fuppofe donc, felon Leibnitz, dans chaque Monade en particulier, une différence intrinfequé de nature & de perfion. (Mit. 958 & 966).

IV. Il les fait activés : pour rendre raifon de cette fomme conftante de mouvement qui anime la Nature, de cette permanante activité qui détruit & reproduit fans ceffe les êtres dans chaque efpece.

Les diverses Monades, dont l'assemblage forme la Nature entiere, ont reçu, dès le commencement de leur exiftence, felon Leibnitz, une quantité & une détermination propre de mouvement, que leur activité naturelle reproduit fans ceffe fur le même modele. Dans chaque Monade, le premier mouvement détermina le fecond, le fecond détermina le troisieme, & ainfi de fuite à l'infini: de forte que l'action préfente de toute Monade quelconque, dans la Nature, n'eft qu'une fuite néceffaire de la premiere impreffion ou détermination qu'elle eut au premier inftant de fon existence; & que cette action préfente est une cause néceffaire d'où dépendent tous les mouvemens futurs qui doivent exister à perpétuité, & dans cette mo nade, & dans toutes les monades fur lefquelles elle influe plus ou moins par fon mouvement préfent.

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Repréfentez-vous, s'il eft poffible, une Horloge indeftructible, qui, une fois mife en mouvement, remonteroit éternellement par elle-même ; & dans laquelle les divers rouages, s'engrenant du premier jufqu'au dernier, n'auroient jamais que des mouvemens dépendans du premier mouvement qu'on leur a imprimé : c'eft une image fenfible & affez reffemblante du mécanifme phyfique qui anime perfévéremment la Nature, felon Leibnitz. De-là, une Harmonie préétablie de chofes, un enchaînement de caufes, & d'effets, que l'on conciliera, comme on pourra, avec la Liberté humaine.

V. Il les fait repréfentatives: pour rendre raifon, & des penfées qu'il découvre dans les Substances intelligentes, & des images qu'impriment dans nous les Subftances matérielles,

Mon Ame conçoit Dieu, la vertu, la vérité, le bien, la fageffe, l'étendue, la durée : parce que mon ame eft une monade naturellement représentative de ces objets, & liée dans le Plein avec tous ces objets. L'Odeur d'une rofe, fait naître en moi l'image d'une rofe: parce que ces corpufcules odorans font comme des types ou des moules, où eft empreinte l'image de la rofe qui les produit. Les Rayons de lumiere, me peignent les divers corps d'où ils émanent, ou qui les réfléchiffent : parce ces rayons font tout autant de monades frappées au coin ou du corps lumineux qui les produit, ou des corps opaques qui les répercutent.

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Tout eft lié & enchaîné dans le Plein, felon Leibnitz. Je ne puis remuer mon pied à droite ou à che, fans imprimer à la matiere qui m'environne, un mouvement qui fe communique, en s'affoibliffant, à la Nature entiere, jufqu'au-delà du Soleil & des Etoiles. Vous avez une image ou une idée ou une perception nette du mouvement de mon pied : parce que, placé auprès de moi, vous recevez une impreffion nette & fenfible, qui l'imprime à la Monade représentative & intelligente qui vous anime. L'empereur de la Chine, n'a & ne peut avoir qu'une image ou une idée confufe du mouvement de mon pied: parce que la Monade représentative & intelligente qui anime cet empereur, reçoit une impreffion trop foible & trop confufe du mouvement de mon pied.

De-là, des idées claires, des idées confuses, des idées partielles, des idées adéquates, felon Leibnitz. La Monade-Dieu a des idées adéquates ou des idées complettes de tout: parce qu'elle est préfente partout, & que par-tout elle eft infiniment représenta→ tive. La Monade-Ame humaine a des idées du paffé, du préfent, de l'avenir: parce qu'elle eft fufceptible

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