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d'impreffions relatives à ces trois tems; & ces idées ou ces images font tantôt claires, tantôt confuses toujours inadéquates: parce qu'elle n'eft que dans un point de l'Infini en durée & en étendue, & qu'elle n'a qu'une vertu représentative finie. La Monade-Ame d'une Brute, a des images ou des perceptions moins étendues & plus imparfaites de tout; & la MonadeMatiere, dans les végétaux, dans les minéraux, dans tous les corps quelconques, eft encore plus imparfaite que l'efpece de Monades qui anime les Brutes.

Quel fyftême, que celui des Monades? Les Philofophes Allemands l'ont adopté avec enthousiasme. Les Philofophes Anglois ont dédaigné de le réfuter, & fe font bornés à en rire: mais Leibnitz mérite, quand on n'eft pas de fon avis, qu'on le réfi autrement qu'en riant,

52. REMARQUE. Quant à l'action des Monades fpirituelles fur les Monades matérielles, des Ames fur les Corps: Leibnitz en rend raifon par la plus fingu liere hypothefe qui ait jamais été imaginée; & qui n'eft qu'une fuite ou une application particuliere de l'harmonie de l'enchaînement dont nous venoas de parler.

Il veut que l'Ame & le Corps d'un même homme quelconque, fans aucune efpece de dépendance & de rapport de l'une à l'autre, foient deux fubftances tellement conftituées, que l'une exerce une certaine fuite de Perceptions, l'autre une certaine fuite de Mouvemens; & que la fageffe du Créateur, qui a tout prévu & tout combiné dès le commencement des chofes, les ait tellement conftruites, que par une certaine Fatalité naturelle & intrinfeque, qu'il décore du beau nom d'Harmonie préétablie, les mouvemens de l'une fe faffent toujours précisément lorfque les perceptions de l'autre femblent l'exiger, &

réciproquement: en telle torte que les perceptions paroiffent dépendre des mouvemens, & les mouvemens des perceptions.

Ainfi, felon Leibnitz, l'ame de Virgile fait des vers, fa main les écrit: fans qu'il y ait aucune liaifon, aucune dépendance, aucune connexion, entre les mouvemens de la main & les idées de l'ame, à l'exception d'une fimultanéité prévue & préétablie d'existence.

Si la chofe eft ainfi, comme le foutiennent avec enthoufiafme prefque tous les Philofophes Allemands; il étoit affez indifférent que l'ame de Virgile habitât ou le corps de ce Poëte, ou tout autre corps: nous aurions cu le même Poëme, quand même elle auroit été logée dans Jupiter ou dans Saturne,

53. ASSERTION. Les Monades de Leibnitz, ne font aucunement admiffibles.

DEMONSTRATION. Io. Les mêmes raisons qui foudroient les Points phyfiques de Zénon, foudroient également les Monades de Leibnitz: puifque l'un & l'autre fentiment fait naître l'étendue des Corps, d'un affemblage de principes cui n'ont abfolument aucune étendue en eux-mêmes. (48).

II°. On rend raifon de l'étendue & de la compofition des Molecules primitives de a matiere, en difant que leur nature cft d'être étendues & compofées de partics.

Et Leibnitz auroit tort d'improuver cette raison: puifque fi on lui demande pourquoi fes Monades font fimples & inétendues; il eft évidemment obligé de recourir à la même réponse, & de dire que leur nature cft d'être fimples & iné endues.

III. Nous démontrerons ailleurs, qu'une Matiere primitivement homogene, peut produire des Mixtes différens. Donc, pour rendre raifon de la diversité

des Mixtes, fur quoi il fonde fa principale preuve en ce point, il n'eft pas néceffaire d'admettre des Monades intrinféquement diffemblables dans leur nature primitive. (144).

Quant à la raifon qu'il emprunte de fon systême de l'Optimisme, pour établir la diverfité intrinfeque de fes Monades: en réfutant, dans notre Métaphyfique, ce fyftême fingulier, qui ne s'accorde point avec la liberté de Dieu, & que rien ne fonde; nous avons réfuté d'avance, & toutes les applications qu'on en peut faire, & toutes les conféquences qu'on en peut tirer.

İv°. Nous démontrerons bientôt que la Matiere, livrée à elle-même, a en partage une intrinfeque Inertie. Donc il eft faux que les Monades de la matiere, foient actives par elles-mêmes. Donc, pour expliquer le mouvement qui fe perpétue dans la Nature, il faut recourir à une autre caufe, qu'à l'activité intrinfeque des Monades; favoir, à l'action de Dieu, feul auteur & confervateur du mouvement de la Nature.

V°. Nous avons démontré, dans notre Métaphyfique, que la Matiere ne penfe point; que la Matiere eft incapable de penfer. Donc il eft faux que les Monades qui compofent la boue, l'argille, la lumiere, les corps fonores, les corps odorans, aient le rayon d'intelligence que leur attribue Leibnitz. (Mét. 1042).

Nous avons encore démontré, dans cette même Métaphyfique, que les idées & les fenfations que font naître en nous les impreffions de la matiere qui ébranle nos Sens comme caufe occafionnelle, font produites dans notre ame par la feule action du Créateur. Donc, pour rendre raifon & des images & des fenfations que nous avons des objets; il n'eft point néceffaire de fuppofer aux Monades de la matiere, une fabuleufe & chimérique vertu représentative. (Mét, gói & 475).

VI°. L'enchaînement fingulier de mouvemens que fuppofe le fublime délire des Monades, tend à établir dans la Nature, une fabuleuse Fatalité; qui fimpatife affez bien avec les principes du Proteftantifme que profeffoit Leibnitz; mais que la Raifon réprouve & que le Sentiment intime de notre liberté dément authentiquement. (Mét. 1112 & 1117).

Comment fuis-je libre en effet: files Déterminations de mon ame, ne font qu'uné fuite néceffaire des premieres impreffions qu'elle a reçues dès le commencement de fon exiftence; files Mouvemens de mon Corps, ne font qu'un effet néceffaire du premier mouvement qu'ont eu en eux-mêmes les élémens qui constituent mon corps, & des divers mouvemens qu'ils reçoivent actuellement des autres corps avec lefquels ils font harmoniquement liés & enchaînés ? Donc, les Monades de Ļeibnitz, ne font admiffibles en aucun point. C. Q. F. D.

CHIMERE DES POINTS ENflés.

54. EXLICATION. Pour fe foftraire aux difficultés qui découlent de l'infinie divifibilité de la Matiere: certains prétendus Philofophes ont imaginé des Atomes ou des Points réels & phyfiques, de différente figure & de différente maffe; lefquels n'ont point d'étendue réelle, mais feulement une Etendue virtuelle, en vertu de laquelle ils équivalent à des Points qui auroient une réelle étendue.

Ces Points s'enflent & fe défenflent à leur gré: fans rien acquérir, en s'enflant; fans rien perdre en fe défenflant. Quelque volume d'enflure qu'on leur fuppofe, ils reftent toujours indivifibles : parce que leur nature eft d'être fans étendue, fous quelque volume que ce foit; & que la feule étendue est divifible.

RÉFUTATION. Une Opinion auffi abfurde mérite

à peine une réfuation férieuse. Qu'eft-ce qu'une Inétendue réelle, qui a une extenfion virtuelle, & qui devient une réelle étendue? Comment concevoir dans ces Atomes ou dans ces Points, une diverfité de faces: fans y concevoir une multiplicité de côtés, dont l'un n'eft pas Pautre? Comment ces Points peuvent-ils s'enfler ou fe défenfler; fans avoir des parties qui s'éloignent & que fe rapproche les unes des autres?

Philofophie, c'est à des Philofophes de cette trempe, que tu dus le dédain & le mépris qui te furent fi justement attachés dans des fiecles de barbarie & de déraifon; où l'on ne faifoit fervir ta lu miere, qu'à éclairer de fembl bles inepties. N'oublie jamais, que s'envelopper dans des ténebres pour éluder une difficulté réelle, c'est la miférable reffource de l'ignora: ce & de l'imbécilité : reffource que dédaigne le génie, & dont rougit la raison!

LES ATOMES DE GASSEndi.

55. EXPLICATION. Gaffendi admet, d'après Dé mocrite & d'après Epicure, des Atomes de différente maffe & de différente figure, étendus & indivifibles avec cette différence que Gaffendi fuppofe ces Atomes créés & mus par l'Auteur de la Nature; ce que ne fuppofoient point Epicure & Démocrite, qui les faifoient incréés & mus par eux-mêmes.

REFUTATION. Si Gaffendi fe bornoit à dire que ces Atomes primitifs, étendus & divifibles en euxmêmes, ont reçu du Créateur une figure & une maffe qu'aucun Agent créé ne peut leur faire perdre ce Sentiment, conforme à la raifon & à l'expérience, n'auroit rien de repréhenfible.

Mais admettre des Atomes de différente grandeur & de différente figure, étendus & indivifibles en eux

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