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mêmes, c'eft admettre des chofes qui fe détruifent. Car comment concevoir un atome cubique, un atome pyramidal, un atome hérifié d'angles & de concavités : fans concevoir une multiplicité de parties, qui compofent ces faces, ces concavités, ces angles folides? Comment concevoir deux atomes d'inégale grandeur, dont le premier foit double du fecond; fans concevoir dans le premier, une quantité double de fubftance, qui pourroit être divifée en deux, & compofer deux atomes égaux au fecond?

Dire que, malgré cette diverfité de masse & de figure, ces Atomes étendus font fimples & fans parties, parce que leur nature eft d'être tels : c'est vouloir foutenir un inepte paradoxe, par une palpable abfurdité. Qui m'empêchera de foutenir, par la même dialectique, & avec le même ton de vérité & de conviction, que le mont Apennin ou le mont Atlas font fimples & fans parties en difant de même contre toute raifon & contre toute évidence, que leur nature eft d'être fimples & fans parties? De quelle inconféquence n'eft pas capable l'efprit humain; quand, ftupidement aveugle & opiniâtre, il épouse un mauvais fyftême!

Si ces Atomes de Gaffendi font étendus, ils ont au moins deux parties. S'ils ont deux parties, l'une n'eft pas l'autre, l'existence de l'une n'eft pas l'exiftence de l'autre donc l'une peut cxifter fans l'autre: donc l'une peut être féparée de l'autre. Donc ces Atomes étendus ne font point indivifibles en euxmêmes. C. Q. F. D.

LES POINTS SANS CONTACT DE BOSCOFICH.

56. EXPLICATION. Le feul qui ait réuffi à concilier l'inétendue des Elémens de la matiere, avec l'étendue des Corps, c'est l'illuftre Bofcovich, ingénieux

Philosophe & profond Mathématicien. Son Systême, clinquanté & éblouiffant, a de quoi en impofer à quiconque peut prendre le brillant pour le folide, Pefprit pour la raifon, le roman pour la vérité. Voici une légere efquiffe de ce fyftême.

1. Chez Bofcovich, comme chez Zénon, les élémens de la Matiere, font des points ou des atomcs inétendus, de différente nature.

II°. Chez Bofcovich, comme chez Newton, ces élémens ont des attractions réciproques, en vertu defquelles ils tendent les uns vers les autres.

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III. Chez Bofcovich, les attractions font jointes à des répulfions. Ces Points s'attirent & fe repouffent alternativement, fans pouvoir jamais arriver au point de contact: enforte que dans la Nature entiere, dans les Corps les plus denfes & les plus durs, il n'y a jamais & il ne peut jamais y avoir deux atomes contigus.

IV. Dans la plupart de ces élémens, l'Attraction réciproque a lieu jufqu'à un certain degré de proximité, auquel la Répulfion commence. De-là, l'action de la Nature, dans l'Air, dans la Lumiere, dans la Matiere fubtile.

V°. Dans quelques-uns de ces élémens, l'Attraction & la Répulfion ont un Point d'équilibre, ou d'égalité. Quand l'attraction & la répulfion font égales elles fe détruifent réciproquement, & le repos a lieu entre ces élémens. De-là, la dureté des Corps.

Les Corps fluides font compofés d'élémens qui s'attirent & fe repouffent fans ceffe: fans pouvoir parvenir à un point de proximité ou d'éloignement, où l'une des deux Forces oppofées ne l'emporte pas fur l'autre.

Les Corps durs font compofés d'élémens dans lefquels l'attraction & la répulfion arrivent à des

Points d'équilibre, dans un grand degré proximité entre ces élémens, mais toujours fans aucun contact.

Un Mélange de ces deux efpeces d'élémens, dont les uns parviennent & les autres ne parviennent jamais à un point d'équilibre entre la force attractive & la force répulfive, produit des Corps d'une moindre dureté.

VI. Ces Elémens inétendus, dans ce Systême, forment aifément une étendue réelle. Car, foit un Pouce cubique d'étendue, pris dans le Vide ou dans l'E pace pénétrable.

Divifez par la penfée, ce Pouce cubique d'étendue , en cent mille millions ou billions de parties; & placez dans chacune de ces parties, un Atome inétendu d'or ou de marbre, que fon attraction & fa répulfion empêcheront de s'approcher de plus près des autres élémens: vous aurez un Pouce cubique d'étendue folide & impénétrable.

Le dernier point inétendu qui fera du côté de l'orient, fera éloigné du dernier point inétendu qui fera du côté du couchant, de l'étendue d'un pouce; & cent mille millions ou billions de Points inétendus d'or ou de marbre, fans avoir aucune étendue par eux-mêmes, auront l'étendue de l'efpace qu'ils occupent fans fe toucher, & dans lequel ils empêchent d'autres points femblables de fe placer.

57. REMARQUE. Ce Systême, né en Italie, à peu près dans le même tems que les Pantins naiffoient en France, femble fe fentir un peu trop du génie de fon fiecle; & vouloir faire de la Nature entiere, une vraie Pantalonade, digne peut-être d'amufer, incapable sûrement d'inftruire & d'éclairer.

La Loi de continuité, fur laquelle on tâche de l'établir, & en vertu de laquelle tout s'opere dans la Nature par des acroiffemens & des décroiffemens

fucceffifs, eft-elle bien rigoureufement démontrée dans la généralité qu'on lui donne? Pourquoi un Corps qui a un mouvement comme 100, ne pourrcit-il pas perdre fubitement tout fon mouvement: fans pafler par tous les degrés décroiffans depuis 100 jufqu'à zéro ? Et quand même cette Loi de continuité, feroit auffi rigoureusement démontrée qu'on le prétend à qui perfuadera-t-on les chimeres que l'on veut en faire découler? Un fyftême qui fuppofe ou qui prouve qu'il n'y a pas deux élémens contigus dans la Nature, eft un fyftême tout réfuté par lui-même; un fyftême que la Raifon défavoue, lors même qu'elle en admire le brillant échafaudage.

Il eft peu probable que Defcartes ait jamais été bien perfuadé de la réalité de fes Tourbillons & de fes Automates; Leibnitz, de la réalité de fes Monades; Bofcovich, de la réalité de fon Inconuguüé.

Les grands hommes s'amufent quelquefois à enfanter, en badinant, d'ingénieufes chimeres, que d'autres grands hommes adoptent & foutiennent quelquefois dans le même goût & dans le même efprit; & que des hommes d'un génie borné & peu judicieux, époufent avec perfuafion, & réalifent avec enthoufiafme.

PARAGRAPHE

SECOND.

SENTIMENS POUR L'INFINIE DIVISIBILITté de la MATIERE.

58. EXPLICATION. L'Ecole péripatéticienne, qui enfanta ou adopta bien des Chimeres, mais chez qui exifta auffi un certain fonds de Vérité, fe déclara pour l'infinie Divifibilité de la Matiere; & fe divifa en deux Claffes ou en deux Sectes oppofées & rivales. Parmi ces deux Sectes péripatéticiennes :

I. L'une admit dans une portion quelconque de

Matiere, par exemple, dans un bloc de marbre, dans un grain de fable, dans une goutte d'eau, un nombre infini de Parties en réalité, ou de parties qui font actuellement diftinguées l'une de l'autre : fans s'épouvanter des difficultés qu'entraîne l'accablant abyme de l'Infini.

II°. L'autre admit dans cette même portion de Matiere, un nombre infini de Parties en puiance; ou de parties qui dans le Continu ne font point actuellement parties, ne font point actuellement dittinguées l'une de l'autre ; & qui ne peuvent devenir réellement parties diftinguées, que par la feule divifion réelle ou mentale, laquelle ne peut jamais être effectuée à l'infini. Par ce moyen, elle éludoit les difficultés qui découlent d'un nombre infini de parties dans un même tout.

III°. D'accord dans leurs Principes, ces deux Sectes rivales différoient dans leurs Frocédés.

La premiere fentoit les embarras de l'infinie Divi filité, & en adoptoit avec candeur les accablantes conféquences.

La feconde fentoit les mêmes embarras de l'infinie Divifibilité; & employoit, avec fupercherie, un puérile & inepte fubterfuge, pour en éluder les conféquences & les difficultés.

Celle-là étoit une école de Philofophes; celleci, une école de Charlatans..

59. REMARQUE. Defcartes admet dans la Matiere, une Divifibilité indéfinie; ou une Divifibilité à laquelle on ne peut affigner aucunes bornes fixes

& déterminées.

Il eft facile de forcer Defcartes à ôter l'équivoque dont il s'enveloppe. Car dans la Matiere, où il y a réellement un terme au-delà duquel la divifion ceffe d'être pofle en elle-même; & dans ce

cas,

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