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cas, la Divifibilité a des bornes, la Divifibilité eft finie: ou il n'y a réellement point de terme au-delà duquel la divifion ceffe d'être poffible en elle-même; & dans ce cas, la Divifibilité eft fans bornes, la Divifibilité eft infinie.

PROPOSITION

60. Il est vraisemblable que la Matiere eft divisible à P'infini.

DÉMONSTRATION I. Nous avons déjà fait voir que les élémens de la Matiere, quelque petiffe poffi ble qu'on leur fuppofe, ne peuvent pas être inétendus: donc ces élémens ont réellement une étendue.

Des élémens étendus, de l'aveu même des Zénonistes, ont au moins deux Parties, dont l'une n'eft pas l'autre : pourquoi l'une ne pourroit-elle pas exifter fans l'autre, ou féparée de l'autre ? Ces deux parties ne pourront peut-être pas être divifées par les Agens créés; qui n'ont point prife fur elles, qui manquent ou d'action ou d'inftrumens propres à opé rer leur féparation. Mais pourquoi ne pourroient elles pas être divifées par l'Auteur de la Nature dont la puiffance ne connoît point d'obstacle; qui, pour agir, n'a befoin que de vouloir; à l'action du quel le plus petit objet eft autant en prife, que l'objet le plus grand?

DÉMONSTRATION II. La divifion diminue l'éten due d'un corps: mais elle ne l'anéantit pas. Donc, après toute divifion effectuée, l'étendue d'un corps fubfifte, ainfi que le corps divifé.

L'Etendue, de l'aveu même des Zénoniftes, dit & renferme néceffairement une multiplicité de Parties donc, après toute divifion effectuée, l'étendue tou jours fubfiftante dans les élémens divifés, comprend au moins deux parties dont l'une n'eft pas l'autre, Tome 1.

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dont l'une peut être féparée de l'autre. Donc, après toute divifion effectuée, la Matiere refte encore divifible donc la Matiere eft divifible à l'infini.

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qui

DÉMONSTRATION III. Les Mathématiciens prefque tous fuppofent & admettent la divifibilité à l'infini dans la Matiere, emploient plufieurs fortes de démonstrations mathématiques pour l'établir. Nous n'en rapporterons qu'une feule, qui tiendra lieu de toutes les autres. (Fig. 1).

Soient deux Lignes parallelles A B & CD. Qu'une Diagonale indéfinie A H, fixée au point A, coupe toujours en fe mouvant, la Parallele inférieure CD.

Si le petit homme qui tient en main la Diagonale indéfinie, marche pendant une éternité fur la Parallele CD, prolongée à l'infini: cette diagonale continuera à l'infini de s'avancer du point Ğ vers le point E, en touchant continuellement de nouveaux Points de la ligne G E, fans jamais arriver au point E: puifque, pour arriver au point E, il fautdroit que la diagonale A H, fe confondît avec là parallele A B.

Donc la ligne ou l'efpace G E a une infinité de Points dont l'un n'eft pas l'autre, fur lefquels peut s'appliquer fucceffivement à l'infini la diagonale mo bile. Donc cette ligne ou cet efpace G E eft divifible à l'infini: donc une Matiere quelconque, qui emplira ce même espace G E, eft divisible à l'infini. C. Q. F. D.

61. COROLLAIRE I. Une très-petite portion de Maciere, peut emplir un espace fini quelconque en telle forte qu'il ne refle dans cet efpace, que des Vides auffi petits qu'on voudra les affigner.

DEMONSTRATION. C'eft une fuite manifefte & de l'inconcevable divifion, & de l'infinie divifibilité de la Matiere,

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Soit, d'un côté, un très-petit grain de fable, & de l'autre, un Espace vide d'une grandeur quelconque, d'un pied cube, d'un million de pieds cubes, d'au tant de pieds cubes qu'il y en a entre le Soleil & lés Etoiles.

1o. Si l'Espace donné étant un pied cube, on exige que dans ce pied cube il ne refte aucun vide plus grand qu'un millionieme de ligne : il fuffira que ce grain de fable foit divifé en autant de parties qu'il en faut, pour en placer une dans chaque millionieme de ligne, contenu dans ce pied cube: ce qui n'exige dans ce grain de fable, qu'une divifion incomparablement moindre que celle que les obfervations nous démontrent effectuée dans la Nature. (40 & 41).

II. Si l'efpace donné eft un million de fois plus grand qu'un pied cube: il ne faudra encore, dans le grain de fable donné, pour fatisfaire aux mêmes conditions, qu'une divifion un million de fois plus grande que la précédente; divifion encore incomparablement moindre que celle dont nous trouvons mille & mille exemples dans la Nature.

III°. Si l'efpace donné eft auffi grand ou plus grand que l'efpace fini dans lequel eft renfermé l'Univers: il est clair que cet efpace fini ne renferme qu'un nombre fini de Points diftans les uns des autres d'un millionieme de ligne ; & que ce grain de fable, pour être diftribué dans tous ces points, n'exigeroit qu'une divifion finie de fes parties; divifion toujours poffible en elle-même, comme on vient de le démontrer.

62. COROLLAIRE II. Toute portion de Matiere a une infinité d'Infinités de parties réelles & diftinêles.

DÉMONSTRATION. 1°. Toute portion de Matiere étant divisible à l'infini, elle a néceffairement une infinité de parties dont l'une n'eft pas l'autre : puifqu'elle ne peut être divifible à l'infini, fans avoir

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une infinité de parties qui puiffent être à l'infini fé parées les unes des autres.

II°. La moitié, le quart, le huitieme, le feizieme, toute partie déterminée de cette portion de Matiere, eft elle-même matiere: donc cette moitié, ce quart, ce huitieme, ce feizieme, & ainfi de fuite à l'infini décroiffant, ont chacun une infinité de parties réelles & diftinctes.

III. Cette portion de Matiere, a une infinité de parties, dont chacune eft matiere, & dont chacune renferme une infinité de parties réelles & diftinctes: donc il y a dans cette portion de Matiere, une infinité d'Infinités de parties réelles & diftinctes. C. Q.F.D.

63. REMARQUE I. Le Philofophe Keil, Anglois de nation, obferve & démontre dans fon Introduction à la vraie Phyfique, que les principales Objections que l'on fait contre l'infinie Divisibilité, & que l'on regarde comme des abfurdités qui la détruisent, font tout autant de propofitions très-vraies & très-philofophiques. Par exemple

I. De l'infinie divifibilité de la Matiere, dit-on d'abord, il s'enfuivroit qu'une Quantité finie auroit un nombre infini de parties aduelles & diftindes. Propofition très-vraie! Une ligne d'un pouce eft finie, puifqu'elle n'a pas une infinité de pouces ; & cependant cette ligne d'un pouce, renferme une infinité de points, dont l'un n'eft pas l'autre.

II. De l'infinie divifibilité de la Matiere, dit-on enfuite, il s'enfuivroit qu'une Quantité finie feroit égale à une quantité infinie. Propofition très-vraie! Une ligne d'un pouce, eft égale au nombre infini de points qui la compofent.

L'Abfurde apparent de cette propofition, ne vient que de l'équivoque qui fait confondre l'Etendue décroiffante, avec l'étendue fixe & déterminée. Il est

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abfurde que l'étendue d'une toife, foit égale à l'étendue d'une infinité de toifes: mais il n'eit pas abfurde que l'étendue d'une toife, foit égale à l'étendue de fes deux moitiés, de fes quatre quarts, de fes feize feiziemes, du nombre total quelconque de fes parties à l'infini décroiffantes.

III. De l'infinie divifibilité de la Matiere, dit-on encore, il s'enfuivroit qu'il y auroit des Infinis plus grands les uns que les autres. Propofition très-vraie! Quoiqu'un grand Tout & un petit Tout aient un égal nombre de parties proportionelles, par exem ple, de moitiés, de quarts, de huitiemes, de feiziemes, & ainfi de fuite à l'infini: il n'en eft pas moins évidemment vrai que le nombré des parties réelles qui compofent la Terre entiere, eft du double plus grand que le nombre des parties qui compofent la moitié de la Terre. L'un & l'autre nombre eft cependant également infini: puifqu'il eft également impoffible, dans la moitié comme dans le tout, d'arriver à un terme où il ne reste plus de parties à divifer.

L'Abfurde apparent de cette propofition, ne vient que des fauffes notions que l'on fe forme de l'Infini; en confondant l'infini en effence & en nature, avec l'infini en nombre de parties. On définit l'Infini : ce à quɔi on ne peut rien ajouter ou retrancher ; ou bien, ce qui eft tel qu'on ne peut rien concevoir de plus grand. Fauffe définition! Si elle convient à l'Infini en effence, à Dieu; elle ne convient point à l'Infini en nombre de parties, dont il eft ici queftion.

L'Infini en nombre de parties, doit être défini : ce qui a un nombre inépuisable de parties; ou bien, ce dont le nombre de parties, ne peut être exprimé par aucun nombre fini définition qui convient égalemen & à un infini plus grand & à un infini plus petit. ( Mér. 357 & 978).

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