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64. REMARQUE II. Quelque triomphantes que paroiffent les Preuves qui établiffent l'infinie divifibilité de la Matiere, elles ne banniffent prefque jamais entierement & plénierement le doute: parce qu'étonné & confondu à l'afpect des ténébreux abîmes de l'Infini, notre efprit ceffe d'être affuré, dès qu'il ceffe d'être éclairé,

La lumiere perfuafive, qui commence à naître dans les Preuves fatisfaifantes de l'infinie divifibilité, ne se foutient qu'avec peine, dans les nuages qui en enveloppent les conféquences.

OBJECTIONS A RÉFUTER.

65. OBJECTION. I. La principale preuve, la feule preuve bien décifive contre le fyftême des Points inétendus & indivifibles, c'eft l'étendue des Corps: étendue que l'on dit ne pouvoir naître & résulter de Points inétendus.

Mais une Ligne mathématique, étendue en longueur, ne réfulte-t-elle pas d'un nombre infini de points mathématiques, qui n'ont point d'étendue? Un Nombre ne réfulte-t-il pas d'un affemblage d'unités, dont aucune n'a la propriété de nombre?

RÉPONSE. Io. Il eft auffi impoffible qu'une Ligne mathématique, étendue en longueur, réfulte d'une infinité de Points fans aucune étendue réelle; qu'il eft impoffible qu'un être exiftant résulte d'une finité de négations ou de privations d'exiftence; qu'un être intelligent réfulte d'une infinité de négations ou de privations d'intellectivité.

Ainfi une ligne mathématique, étendue en longueur, réfulte d'une infinité de points, dont chacun a une infiniment petite étendue en tout fens; étendue dont on fait abstraction dans le calcul,

Cette infiniment petite étendue du Point mathématique, répétée une infinité de fois en longueur,

donne une ligne mathématique plus ou moins longue, qui a une infiniment petite largeur. Cette infiniment petite largeur d'une ligne mathématique, répétée une infinité de fois, donne une furface mathématique, qui a une infiniment petite épaiffeur ou profondeur. Cette infiniment petite profondeur d'une furface mathématique, répétée une infinité de fois, donne un Solide de trois dimenfions..

Il est évident que rien de femblable ne peut réfulter des Points zénoniques, qui n'ont abfolument aucune étendue, ni grande ni petite puifque rien, ajouté une infinité de fois à rien, ne donne jamais que rien, pour fomme ou pour produit.

II°. L'Unité, qui feule ne fait point un nombre, & qui, jointe à une autre unité, fait un nombre, ne prouve aucunement que des Points inétendus puiffent faire une étendue.

Joindre une unité à une autre unité, c'eft joindre un être pofitif à un être pofitif, qui font deux êtres pofitifs, ou un nombre. Joindre un inétendu à un autre inétendu, c'eft joindre une privation d'étendue à une autre privation d'étendue, qui ne font évidemment qu'une double privation d'étendue.

La dénomination de Nombre, eft une dénomination extrinfeque, qui fe refuse à un feul individu, & qui fe donne à plufieurs individus : fans ôter ou ajouter aucune propriété intrinfeque à ces individus, féparés ou réunis.

La dénomination d'Inétendu, exprime une propriété intrinfeque du fujet : propriété négative, qui en exclut formellement l'étendue.

Dire qu'une Unité ne fait pas un nombre, & que deux unités font un nombre: c'eft dire qu'une feule unité ne fait qu'un feul individu, & que deux unités font deux individus: ce qui eft fort fimple & fort raifonnable. Dire qu'un Point inétendu ne peut pas faire

une étendue, & que deux points inétendus peuvent faire une étendue: c'eft dire qu'un caillou fans intellectivité, ne peut pas faire une intelligence; mais que deux cailloux fans intellectivité, par la réunion leurs deux inintellectivités, peuvent faire une intelligence ce qui eft très-inepte & très-abfurde, (*)..

66. OBJECTION II. Soit une portion de Feuille d'or battu, d'une ligne quarrée de furface. Si la Matiere eft divisible à l'infini, l'Auteur de la Nature peut diviser fans fin dans fa petite épaiffeur, cette ligne quarrée, en furfaces toujours plus minces. Il pourroit donc, à force de multiplier les divifions & les furfaces, convertir cette Ligne quarrée de feuille d'or, en une enveloppe continue, propre à couvrir & cet Univers & mille millions d'univers femblables. Quelle révoltante abfurdité!

(*) NOTE. Pour faire mieux fentir le Sophifme de ce que l'on objecte ici au fujet de l'Unité & du Nombre, en faveur des Points zénomiques: nous allons le montrer ici dans la Méthode & dans la Langue que l'on emploie communément dans les Ecoles philofophiques.

1. Ratio formalis propter quam Unitas non eft numerus, eft defectus alterius unitatis fociæ: quem defectum tollis fociando priori unitati alteram unitatem, quæ eft aliquid pofitivum prioris defe&tûs exclufivum.

Defectus enim tollitur per ens ipfius exclufivum: defectus focietatis excluditur, per meram acceffionem entis focii.

II. Ratio formalis propter quam Pundum zenonicum eft inextenfum, eft defectus extenfionis intrinfecæ: quem defectum non tollit acceffio alterius Puneti eundem intrinfeca extenfionis defe&tum habentis: defe&us enim non tollitur per alterum defectum, fed tantùm per aliquid pofitivum ipfi oppofitum.

Sicut defectus Pecunia in crumenâ, non excluditur per alterum pecuniæ defectum, fed per folam pecuniæ acceffionem ita defectus extenfionis in Pundo zenonico, non excluditur per alterum extenfionis defectum, fed per folam extenfionis acceffionem,

RÉPONSE. Cette petite portion de Feuille d'or, après toute divifion effectuée, a toujours deux Surfaces, dont l'une n'eft pas l'autre ; il n'y a donc point d'abfurdité à dire que l'une peut toujours être féparée de l'autre; & que le Tout-puiffant, à force de divifions, peut en faire une enveloppe continue, capable de contenir tant de millions de millions de mondes qu'on voudra.

L'Imagination, cette puiffance de l'ame, destinée à tracer des images, s'effraie & fe trouble à l'aspect d'une Divifion comme infinie; dont elle ne faifit pas la maniere, qu'elle ne peut pas fuivre dans fes progrès, qui échappe & fe refufe inévitablement à fes tableaux.

Mais la Raifon, cette puiffance de l'ame, qui juge & qui conclut, ne s'effraie point de voir qu'une Subftance toujours divifible, puiffe toujours être divifée par une Puiffance qui s'étend à tout ce qui ne répugne point.

67 OBJECTION III. Si la divifion de la Matiere eft poffible à l'infini, fuppofons-la effectuée à l'infini. Dans cette hypothefe, la divifion poffible à l'infini, arrive à un terme où elle ceffe d'être poffible: puifqu'il eft évidemment impoffible de la pouffer au-delà de l'infini. Donc la divifibilité à l'infini, entraîne une contradiction manifefte, qui en démontre la chimere.

RÉPONSE. La divifion de la Matiere, eft poffible à l'infini: parce qu'il eft impoffible d'arriver à un point. de divifion, où la divifion ceffe d'être ultérieurement. poffible. Mais il ne s'enfuit pas de l'infinie divifibilité de la Matiere, que la divifion de la matiere puiffe être. effectuée ou fuppofée effectuée à l'infini parce qu'il répugne que l'infinie divifibilité de la Matiere, puiffe être épuifée par un nombre quelconque de divifions. 1o. Il n'y a aucun nombre fini, qui puiffe exprimer

I

le nombre ou la quantité de divifions, dont eft fufceptible une portion déterminée de matiere: donc le nombre des divifions poffibles, dans cette portion de matiere, eft un nombre infini; puifque, s'il n'étoit pas infini, il pourroit être exprimé par un nombre fini, capable de l'égaler ou de le furpaffer.

II. Il répugne qu'un nombre infini & inépuisable de divifions poffibles dans une portion de matiere, finiffe & s'épuife: donc la Matiere à l'infini divisible, ne peut jamais être à l'infini divifée. Donc la puiffance infinie de l'Auteur de la Nature, ne peut jamais arriver dans la Matiere, à une derniere divifion qui répugne: parce que l'infinie puiffance de l'Auteur de. la Nature, ne s'étend pas à faire ce qui en foi eft impoffible. (Mét. 971).

68. OBJECTION IV. Si un Pouce cubique de marbre, avoit un nombre infini de parties réelles: ce pouce cubique de marbre, auroit une étendue infinie; puifqu'il est évident qu'un nombre infini de parties, dont la plus petite a une étendue, doit évidemment faire une étendue infinie.

Suppofons, en effet, qu'il faille cent mille billions ou trillions de ces parties qui ont la plus petite étendue poffible, pour faire une ligne d'étendue. Il eft évident que ce nombre pris mille fois, formeroit mille lignes d'étendue; pris une infinité de fois, formeroit une infinité de lignes d'étendue, ou une étendue infinie. Donc fi un pouce cubique de marbre ávoit une infinité de parties étendues, quelque petites qu'on les fuppofe : ce nombre infini de parties étendues, donneroit à ce pouce cubique de marbre une étendue infinie en tout fens. Quelles palpables abfurdités entraîne donc cette infinie divifibilité de la matiere!

RÉPONSE. Il est évident qu'un nombre infini de

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