AM. 1440. un concile provincial, excommunierent Felix & les peres du concile de Bafle. La Pologne promit de reconnoître Felix, fi l'on vouloit donner à fon roi le titre de roi de Hongrie, & remettre l'argent qui étoit provenu des indulgences accordées pour l'union des Grecs. Ces propofitions ne furent pas acceptées ; cependant les Polonois ne laifferent pas d'être favorables à Felix, & de refufer l'obéiffance à Eugene. L'Italie étoit pour l'ancien pape, excepté le Piémont & la Savoie. Le duc de Milan vouloit traiter avec Felix, mais on ne conclut rien. Ferdinand duc de Calabre envoya un ambassadeur au concile, & promit d'obeir à Felix. François Sforce promit beaucoup, & ne tint rien. Avant que de rapporter les fuites de ce fchifme, reprenons l'hiftoire des Grecs pour voir ce qui fe passa à Constantinople après l'arrivée des Grecs, & fi l'on tira de l'union tout le fruit qu'on en efperoit. CXXXIV. Grecs à Con ftantinople. 4 17. l. Ils arriverent tous à Conftantinople affez heureuseArrivée des ment le premier jour de Février de cette année 1440. mais ceux qui avoient figné l'union, furent mal rePhwanz. 1. 2. çus. Le clergé prévenu contre cette action, ne voulut point les admettre aux fonctions ecclefiaftiques. Il y eut contre eux une confpiration genérale du clergé, du peuple, & fur-tout des moines qui gouvernoient prefque feuls les confciences, & qui foûleverent tous les habitans, jusqu'à la plus vile populace. On les chargeoit d'injures, on les appelloit azymites, traîtres à la religion, apoftats, pendant que tout retentiffoit des louanges qu'on donnoit à Marc d'Ephese. On le regardoit comme l'unique défenfeur de la religion; parce que, difoit-on, il avoit eu feul le courage de ne fe pas foumettre aux Latins, & de foutenir l'honneur de l'églife Grecque. AN.14 40% CXXXV. nombre des Grecs renon déclament con tre. Toutes ces perfecutions en firent mollir un grand nombre : & fi quelques-uns demeurerent fermes dans le bon parti, & perfevererent jufqu'à la mort, beaucoup d'autres fe mirent à déclamer de vive voix & par écrit contre l'union qu'ils avoient fignée, & attirerent dans leur parti la plupart des Grecs. De ce nombre furent l'archevêque d'Heraclée, le philosophe Ge- lib. miftius, le garde-chartres de l'églife de Conftantinople, Sguropule grand ecclefiarque, l'archevêque de Trebizonde, & beaucoup d'autres qui avoient affifté au concile de Florence, & figné le decret. Leur, chûte enfla tellement le courage de Marc d'Ephefe, qu'il s'éleva infolemment, & contre l'empereur, & contre tous ceux qui étoient oppofez à l'union : ce qu'il fit avec d'autant plus de facilité, qu'il n'y avoit point patriarche qui pût s'oppofer à fes entreprifes. Malgré les bonnes intentions que l'empereur fit paroître dans les commencemens, fon zele fe trouva bien rallenti, foit par le chagrin qu'il reffentit de la perte de l'imperatrice Marie son épouse, qu'il trouva morte en arrivant à Conftantinople, ou par les grandes brouilleries qu'il eut avec fon frere Demetrius, qui cauferent même une guerre civile. Marc fçut fi bien profiter de ces conjonctures, qu'il engagea plufieurs Schif matiques à écrire contre l'union. Il écrivit lui-même une longue lettre circulaire qu'il adressa à tous les patriarches, dans laquelle il repete tout ce qu'il avoit allegué dans les conferences du concile, touchant la proceffion du Saint-Elprit. Il y eut plufieurs réponses à fes écrits. Jofeph évêque de Methone fit une efpece de dialogue entre lui & Marc, où il juftifie tout ce qui s'eft paffé à Florence; & reproche à Marc d'un style affez vif, fon opiniâtreté, fes fourberies & fes men Chalcondyl cxxxvI. feph de Metho& de Gregoi Ecrits de Jo ne re le protofyn ce contre Marc d'Ephefe. Labbe, concr 677. & feq. uf AN. 1440. fonges. Gregoire le protosyncele confeffeur de Jean Patom. XIII. pag. leologue, & qui fut enfuite patriarche de Conftantique ad 759. nople, réfuta auffi la lettre que Marc avoit écrite aux patriarches contre le decret de l'union, & justifia tous les articles de ce decret par une excellente apologie. Il y a encore de ce Gregoire,furnommé Mamas, une longue lettre fur la proceffion du Saint-Elprit, adreffée à Alexis Comnène empereur de Trebizonde, dans laquelle il justifie la doctrine des Latins, & l'addition faite au fymbole. Elle a été donnée par Leon Alla CXXXVII. Autres ouvra ges des Grecs contre le de tius. Les autres Grecs fchifmatiques écrivirent de leur côté, & répandirent par tout l'Orient, & fur-tout fchifmatiques dans Constantinople, mille faufsetez. Les uns assucret de l'union. roient, avec une extrême impudence, qu'on avoit corrompu les Grecs, & fur-tout le patriarche Jofeph, par préfens, & qu'on avoit acheté leurs fuffrages à prix d'argent : les autres, qu'on les faifoit mourir de faim pour les obliger à figner: ceux-ci,que les Latins avoient falfifié tous les exemplaires qu'ils produifoient: ceuxlà, que tous n'avoient pas figné, & que ceux qui l'avoient fait, s'étoient retractez, avouant qu'ils avoient été féduits : & tous enfin, qu'on avoit renversé tous les fondemens de la foi, condamné la doctrine des anciens peres & des conciles, & changé les coutumes & les faintes cerémonies de l'églife Grecque. Beffarion & d'autres réfuterent toutes ces calomnies des Grecs, & firent voir clairement tout le contraire; découvrirent la honte, la foibleffe & les fourberies de Marc d'Ephefe, & juftifierent dans de fçavans ouvrages la conduite & les decrets du concile de Florence. Mais comme ces écrits ne parurent qu'après la mort de Marc, les efprits des Grecs naturellement ennemis des Latins, étant Divifion des chant l'union, étant déja préoccupez, n'en devinrent pas plus raifon- AN. 1440, nables, ni moins obstinez dans le fchifme. On en vint CXXXVIII. même jufqu'à ne vouloir plus fe trouver au fervice di- Grees à Convin avec ceux qui avoient affifté au concile, & qui fou- ftantinopletoutenoient qu'on étoit obligé de s'y foumettre; & on les fuyoit comme des excommuniez & des impies. L'empereur ayant voulu qu'ils s'y trouvaffent, les autres fe retirerent, & les laifferent feuls. Enfin les chofes furent pouffées avec tant de chaleur, que dans la plupart des églifes le nom de l'empereur fut retranché des dyptiques. Ce prince voulant faire ceffer ce trouble qui dura plufieurs mois, prit la réfolution de faire élire un patriarche pour remplacer Jofeph qui étoit mort à Florence, croyant pouvoir par là faire recevoir plus facilement les decrets du concile dans fon empire: mais il falloit cheifir'un homme qui eût du zele & de la fermeté, & dont il fût fort affuré. Il convoqua donc une affemblée pour ce fujet, on jetta d'abord les yeux fur l'archevêque d'Héraclée; mais ce prelat ayant déclaré qu'il étoit faché d'avoir figné l'union, & d'y avoir confenti, lės autres évêques qui l'avoient auffi fignée, n'oferent le propofer pour être patriarche, & penferent à d'autres. Ils en choisirent trois, qui furent l'archevêque de Trebizonde, celui de Cyzique & Gennade, qui eft le même George Scolarius qui avoit fait une fi belle harangue dans le concile pour l'union. Leurs noms ayant été portez à l'empereur, il fit tenter l'archevêque de Trebizonde; & l'ayant trouvé opposé à l'union, il fit tomber le fort fur Metrophanès, métropolitain de Cy- CXXXIX. zique, qui avoit figné le fixiéme au concile de Floren- de Cyzique eft ce, & qui s'étoit engagé par écrit de maintenir l'union. élu patiarche Il fut intrônifé la veille de l'Affomption de la fainte nople. Tome XXII, It Tt·· Metrophanès de Conftanti 'AN. 1440. Vierge le quatorziéme du mois d'Août. Phranz, 1.2.c. 37. CX L. Le pape Eu cardinal de Ve Le nouveau patriarche appuyé de l'autorité de l'empereur, fit tout ce qu'on pouvoit attendre d'un homme de bien, pour réduire les Grecs à l'obéiffance de l'églife, non feulement dans la ville de Conftantinople, mais auffi dans toute la Gréce : il alla même jufques dans les pays qui n'étoient pas de fon patriarcat. Il entreprit de dépofer les évêques & les autres ecclefiaftiques rebelles, & de mettre en leur place des Catholiques; il en chaffa quelques-uns de leurs évêchez. D'autre part le pape Eugene envoya à Conftangene envoye le tinople François Condelmer fon neveu, qu'on appelnife en Grèce, loit le cardinal de Venife, accompagné de plufieurs fçavans hommes, pour travailler avec le nouveau patriarche à la réduction des Grecs. Mais foit que l'empereur craignît d'irriter Amurat, qui avoit conçu quelque jaloufie de l'union des Grecs avec les Latins; foit qu'il n'efperât prefque plus rien de ceux-ci depuis la mort de l'empereur Albert, qui par les continuelles follicitations du pape Eugene & des peres du concile de Basle, avoit entrepris la guerre contre le Turc; foit enfin qu'il eût peur d'une révolte dans Conftantinople, où prefque tous étoient déclarez contre l'union, il eft certain qu'il fe refroidit beaucoup en faveur de l'union, comme Eugene s'en plaignit après, écrivant à Conftantin, defpote du Peloponese, frere de ce prince. CXLI. Lettre d'Eu vêque de Cantorberi. Henri archevêque de Cantorberi en Angleterre gene à l'arche- ayant refufé d'accorder la préféance & les honneurs qui en dépendent, à Jean Kem archevêque d'Yorck, qu'Eugene avoit créé cardinal l'année précédente, Eugen. IV. con- Eugene s'en plaignit comme d'une nouveauté. Je fuis furpris, dit-il à Henri, dans le bref qu'il lui adreffa Bullar. tom. I. ftit. 150 |