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Mais puifqu'à vos faveurs je ne dois plus prétendre,

Accordez du moins à ma foi

Le fouhait du grand Alexandre, Que jamais Conquérant n'aille plus loin que moi.

Si malgré mes foucis, malgré votre rigueur, On me voit devant vous être de belle humeur, Ce n'eft pas qu'en effet je ne fois miférable; Mais c'eft que vous voyant avecque tant d'ap

pas,

Je fonge feulement que vous êtes aimable
Et je ne fonge plus que vous ne m'aimez pas.

Ce Madrigal auffi bien que ceux qui fuivent, ont une véritable beauté qui eft prise dans la nature.

Vous avez un fâcheux époux,

Vous avez un Amant qui n'eft pas moins jaloux ;

Malgré tout cela je vous aime ;

Je connois bien que c'eft une fureur extrême,
Que jamais vous ne m'aimerez.

Qui m'eût dit autrefois un jour vous fervirez
Sans avoir aucune efpérance,

Et vos maux vous fembleront doux,

Je ne l'euffe pas crú; mais qui croiroit qu'en France

On trouvât une femme auffi belle que vous ?

Puifque l'abfence a trop peu de pouvoir Pour flater mes ennuis, & foulager ma peine, Allons, allons revoir Climene,

Si j'ai le déplaifir de la voir inhumaine,
J'aurai du moins le plaifir de la voir.

Il eft vrai, Philis, je vous aime,
Mais n'en foyez point en couroux;
Si vous voyiez en moi ce que je vois en vous,
Certes vous m'aimeriez de même.

Vous me demandez bonnement
Pourquoi, puifque par-tout on prise votre
Amant,

J'en contredis le mariage?

Voici, belle Philis, le mal que j'en prévois,
S'il eft parfait d'efprit & de corfage;
Qu'aurez-vous affaire de moi?

Voici une Satyre très-picquante.

Sous ombre qu'autrefois Life eut quelque beauté,

Elle craint que par vanité

Je n'aille publier les faveurs que j'ai d'elle;
Elle s'y connoît mal, la pauvre Demoiselle,
Pour moi, qui m'y connois fort bien,
Par vanité je n'en dis rien.

leurs.
* M. de
Seignelai.

La Bruyere dit qu'on ne croira Célébres vopoint qu'un Miniftre* ayant perdu un diamant, le Lieutenant Criminel de paris le fit retrouver fans prendre les * M. Deffiat. voyes de la Juftice. Qui dit LieutenantCriminel, dit l'ennemi implacable des filoux, leur Juge & leur Deftructeur; cet ennemi, ce Juge, ce Deftructeur entretenoit-il avec eux des intelligences ? qui le pourroit penfer? Comment

a-t'il donc pû faire recouvrer ce diamant fans bruit & fans fcandale ?

Croira-t'on qu'un Cul-de-Jatte ait été roué pour avoir volé & aflaffiné fur les grands chemins? cela eft pourtant vrai. Voici comme il s'y prenoit: il demandoit l'aumône, il prioit un homme qui paffoit de lui ramaffer une pièce d'argent à laquelle il ne pouvoit atteindre, parce qu'elle étoit fous un buiffon; le paffant avoit la charité de fe baiffer pour lui rendre cet office, il prenoit alors ce tems-là pour le poignarder, il te voloit enfuite. Il vola une Paylane qui tenoit fon argent dans un bourlet, qu'elle portoit fur fa tête, il la poignarda & emporta le bourlet, qui fervit à déceler fon crime; il fut arrêté, il avoüa qu'il avoit fait fept à huit meurtres. Ce qu'il y a de plus étrange, c'eft qu'il avoit déja été roué une fois, & comme il devoit expirer fur la roüe, on l'avoit détaché pendant la nuit, on l'emporta, on lui remit les bras; mais on ne put pas lui remettre les jambes, il fallut les lui couper au-deffus des genoux. Hé bien ce miférable Cul-de-Jatte échapé au fupplice après en avoir effuyé toutes les horreurs, recommença le même métier périlleux qu'il avoit fait; quel prodige

de malice! comment déraciner le crime de certains naturels qui s'y font opi

niâtrés?

Mais rien n'eft plus extraordinaire que le deffein que forma le célebre Chef d'une nombreuse bande de voleurs, de foumettre tout Paris à fes brigandages; fa petite armée lui obéifloit comme à fon Général, & exécutoit fes loix, comme fi la Juftice elle-même lui avoit donné autorité fur eux; il les punifloit & recompenfoit felon le mérite qu'il der mandoit dans des voleurs. Il les diftribuoit dans Paris, leur affignoit à chacun le quartier où il devoit travailler, & il leur faifoit fidellement rapporter à la mafle leurs larcins. Sa troupe nombreufe s'augmentoit tous les jours par le bon ordre & la difcipline qu'il maintenoit ; il étendoit fa puiflance & fe rendoit redoutable à tous les Citoyens de cette grande Ville, qu'il voloit impunément lui & fes gens. Sous les yeux du Prince, fous les yeux de la Juftice même, il exerçoit fon Empire; jufqu'à quel point n'alloit-il pas fe faire redouter, fi l'on n'eûr pas donné toute fon application à le détruire? pendant plus de deux mois, il fe joua des efforts qu'on fit pour le prendre : il passoit au milieu des Archers

qui le cherchoient; affiegé par une cohorte nombreuse dans une maison, il échapa de leurs mains: mais il fut pris enfin par la trahifon de l'un des fiens, & conduit en prifon, mis dans un chot profond, chargé de l'horreur de tout le monde; il attira fur lui tous les regards par fa conftance & fa fermeté dans les fers. Après avoir été le fujet de toutes les converfations pendant qu'il régnoit en Prince des voleurs, il continua de fervir de matiere à tous les entretiens, & à exercer la curiofité nonfeulement des nouvelliftes, mais généralement de tout le monde. Se rencontroit-on dans la ruë, après s'être donné le bon jour, on fe demandoit: que dit-on de Cartouche? Son nom répeté à tout moment faifoit en tout lieu un écho continuel: les deux Théatres, François, Italien, le choifirent chacun pour le Héros d'une Comédie où l'on vit une affluence prodigieufe de Spectateurs. Dans fa prison pendant l'inftruction de fon procès, à la question même, il ne fe démentit point.

Tout enchaîné qu'il étoit dans le fond d'un cachot, il trouva le fecret d'en fortir avec fon camarade, il perça mur, il grimpa un canal infecté, & fans

le

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