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Il étudia les belles-lettres et la théologie, et de- | marquèrent cette époque de la vie de l'artiste. vint, en 1760, pasteur à l'église de La Madeleine dans sa ville natale. On a de lui: Geschichte der fanatischen und euthusiastischen Wiedertäufer (Histoire des Anabaptistes fanatiques et enthousiastes ); Leipzig, 1758, in-8°; talogus bibliothecæ præstantissimorum qui ad theologiam, philologiam atque historiam spectant Librorum; Hambourg, 1793, in-8°. É. G.

Rotermund, Suppl. à Jöcher.

Ca

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KROMMER (François), musicien compositeur allemand, né en 1759, à Kamenitz, en Moravie, et mort à Vienne, le 8 janvier 1831. Il commença de bonne heure ses études musicales, sous la direction de son oncle, Antoine Krommer, maître de choeur à l'église de Turas, qui lui donna des leçons de clavecin et de contrepoint, et à l'âge de seize ans il remplissait les fonctions d'organiste dans la même église. Krommer occupa cette position pendant huit années, méditant les œuvres des maîtres, les prenant pour modèles dans les morceaux de musique religieuse qu'il écrivait, et acquérant peu à peu une solide instruction, qu'il ne duf pour ainsi dire qu'à ses propres efforts. Il s'était aussi adonné à l'étude du violon, et jouait avec une certaine habileté de cet instrument. Le comte Ayrum lui fit proposer la place de premier violon dans sa musique, Krommer accepta, et se rendit à Simonthurn, en Hongrie, auprès du comte, qui lui confia ensuite la direction de sa chapelle. Après être resté six ans au service de ce seigneur, il entra, vers la fin de 1790, en qualité de maître de chapelle de l'église principale de Fünfkirchen. Un grand nombre de compositions religieuses ainsi que des symphonies, des quatuors et autres morceaux de musique instrumentale qui lui attiraient les éloges des artistes et des amateurs,

Des pièces d'harmonie écrites pour divers instruments à vent avaient surtout fixé l'attention du comte Karoli celui-ci cherchait un chef de musique pour son régiment; il proposa cette place au maître de chapelle, qui, cédant aux offres avantageuses qui lui étaient faites, abandonna ses paisibles fonctions pour suivre le comte. Bientôt après cependant il quitta ce poste pour aller à Vienne diriger la musique du prince Krasalkowitz; mais au bout de quelques années la mort du prince le laissa sans emploi. Krommer se mit alors à donner des leçons, et vécut de leur produit, auquel vinrent plus tard s'ajouter les émoluments d'une charge d'huissier de la cour impériale, espèce de sinécure qui lui laissait les loisirs nécessaires à ses travaux de composition. Enfin, en 1814, l'empereur le nomma directeur de la musique de sa chambre, en remplacement de Koseluch, qui venait de mourir. Il suivit son souverain dans son voyage en France, et pendant son séjour à Paris les professeurs du Conservatoire, voulant donner à l'artiste allemand un témoignage de leur estime, obtinrent pour lui le titre de membre honoraire de cette institution. A son retour à Vienne, Krommer reprit ses occupations à la cour, et continua de travailler avec une ardeur que les années ne modérèrent point. Il mourut à l'âge de soixante-onze ans, après quelques jours de maladie, laissant inachevée la partition d'une pastorale qu'il était sur le point de terminer.

Ce compositeur s'est exercé dans tous les genres, excepté dans le genre dramatique; mais c'est principalement dans la musique instrumentale qu'il s'est distingué. Ses travaux, appréciés en Allemagne longtemps avant d'être connus en France, appartiennent à l'époque qui marque la transition de l'école de Haydn à l'école de Beethoven. Il n'a ni le génie passionné de Mozart, ni la fougue de Beethoven; mais ses mélodies sont élégantes et naturelles, son style est correct, son harmonie vigoureuse; ses modulations inattendues produisent un grand effet. Quoiqu'il ait beaucoup écrit pour l'Église, on n'a publié de lui qu'un seule messe, en ut, à quatre voix avec accompagnement d'orchestre et orgue. Voici l'indication de ses principales compositions instrumentales: Cing symphonies à grand orchestre, la première en fa, la seconde et la troisième en ré, la quatrième en ut mineur, la cinquième en mi bémol; Offenbach, André; Huit œuvres d'harmonie à neuf ou dix parties; Vienne, Haslinger; Six œuvres de marches et pas redoublés; idem; - Cinq concertos de violon; Dix-huit quintettes pour deux violons, deux altos et violoncelle ; Soixante-neuf quatuors pour deux violons, alto et basse; -Un grand trio pour violon, alto et basse; Quatre œuvres de duos' pour deux violons; Deux concertos pour flûte, Sept œuvres de quintettes et six œuvres de quatuors pour le même instrument; - Deux

œuvres de concertos et deux œuvres de quatuors pour clarinette; - Symphonie concertante pour flûte, hautbois, deux altos, deux cors, violoncelle et contrebasse; - Idem, pour deux clarinettes; - Idem, pour flûte, hautbois, violon obligé, deux altos, deux cors, violoncelle et contreIdem, pour flûte, clarinette et violon Dieudonné DENNE-BARON. Schilling, Encyclopædie der gesammten musikalischen Wissenschaften, oder Universel-Lexikon der Tonkunst. Gazette musicale, de Vienne. Fétis, Biographie universelle des Musiciens.

basse; obligé.

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KROPINSKI (Louis), général et littérateur polonais. Né vers 1770, mort en 1845, en Volhynie. Après s'être distingué dans les campagnes mi. litaires sous Kosciuszko, Poniatowski, Dombrowski, il consacra ses derniers jours à la littérature et à la poésie. On a de lui un poëme intitulé Emrod; une Ode au Temps, une tra

et Adolphe, plein de charme, et qui fut tra-
duit en français, en 1824. Il traduisit en vers po-
lonais le poëme de Goldsmith: Le Village aban-
donné.
L. CH.

Histoire Littéraire de Pologne.

KROSICK (Bernard-Frédéric, baron DE), savant allemand, né en 1656, dans le duché de Magdebourg, mort en 1714. Jl remplit auprès des ducs de Brunswick les charges de maréchal de la cour, de conseiller privé, de colonel des gardes à cheval, etc., assista en qualité de ministre au congrès de La Haye (1690), et se retira en 1693 à Berlin, puis en Hollande, afin de se livrer avec plus de calme à l'étude des sciences. Après avoir fait construire dans son hôtel de Berlin un observatoire particulier, qu'il pourvut des meilleurs instruments, il envoya à ses frais un jeune savant, Pierre Kolbe (voy. ce nom), au cap de Bonne-Espérance pour y faire des observations astronomiques. Il a laissé en manuscrit, outre une correspondance volumineuse avec quelques savants de l'Allemagne, les Observations de Kolbe faites au Cap de 1705 à 1707; celles de Wagner faites à l'observatoire de Berlin (1706-1708), et celles de Michaélis, à Archangel.

KRONLAND (Jean-Marc MARCI DE), phy-gédie intitulée Ludgarde, et un roman : Julie sicien et médecin allemand, né à Landscrona, le 13 juin 1595, mort le 30 décembre 1667, à Prague. Après avoir commencé son éducation à Olmutz, il la continua à l'université de Prague, et y parcourut avec succès le cercle des connaissances humaines; théologie, philosophie, sciences naturelles et mathématiques, langues anciennes et modernes, médecine, il voulut tout explorer: Dans ce dernier art, il hasarda de nombreux paradoxes, résultat de la fusion qu'il s'efforça d'opérer avec la théorie de Platon. Pendant longtemps il fut médecin de l'empereur Ferdinand III et professeur à Prague. Quelques jours avant sa mort, il se fit agréger à la Compagnie de Jésus. Parmi ses nombreux ouvrages, qui annoncent plus d'instruction que de goût, nous citerons: Idearum operatricium Idea, sive hypothesis et detectio illius occultæ virtutis quæ semina secundat et ex iisdem corpora organica producit; Prague, 1634, in-4°; dédié à Ferdinand III; De Proportione Motus; ibid., 1639, in-40; De Causis naturalibus Pluvia purpurex Bruxellensis; ibid., 1647, in-8°; Thaumantias, seu liber de arcu cœlesti deque colorum apparentium natura, ortu et causis, in quo pellucidi opticæ fontes deducuntur; ibid., 1648, in-4°; Longitudine, seu differentia inter duos meridianos, una cum motu vero Lunæ inveniendo ad tempus datæ observationis ; ibid., 1650, in-8°; Labyrinthus, in quo via ad circuli quadraturam pluribus modis exhibetur; ibid., 1654, in-4°; Πᾶν ἐκ πάντων, sex philosophia vetus restituta; ibid., 1662, in-4°, et Leipzig, 1676; — Liturgia mentis seu de natura epilepsiæ; Ratisbonne, 1678, in-4°, ouvrage posthume dû aux soins de W. Do. brzenki; Orthosophia, seu philosophiæ impulsus universalis; Prague, 1682.

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K.

De

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Eloge de Kronland, en tête de la Liturgia mentis. — Abbildungen Bæhmischer Gelehrten; 1773, 1re part.

KROPF (Martin), savant bénédictin allemand, né le 8 juillet 1701, à Saint-Léonard, dans la basse Autriche, mort le 27 janvier 1779. En 1722 il entra dans le couvent des bénédictins de Moelk, et il y fut longtemps conservateur de la bibliothèque. En 1763 il fut chargé de l'administration des biens que le couvent possédait à Leestorf. On a de lui: Bibliotheca Mellicensis, seu vitæ et scripta inde a sexcentis

K.

Formey, Éloges des Acad. de Berlin et de div. Savants, 1.

KROSNA (Paul), poëte polonais, né vers 1450, mort vers 1508; il vécut quelque temps à Dantzig, ensuite à Cracovie, et laissa un certain nombre de petits ouvrages en vers, destinés pour la plupart à célébrer des événements contemporains. Voici les titres de quelques-unes de ces productions fort oubliées aujourd'hui : De Nuptiis Sigismundi regis et bonæ ducis Mediolani filiæ; Cracovie, 1518, in-4° - De Victoria a Sigismundo rege e Moschis relata Elegia; ibid., 1514;- Saphicon de Inferorum vastatione et triumpho Christi; ibid., 1513. On connaît aussi un ouvrage en prose sorti de sa plume et d'un genre tout différent : Introductio in Ptolomæi Cosmographiam; Cracovie, 1512, in-4°. G. B.

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Desessarts, Les Siècles Littéraires de la France. Chaudon et Delandine, Dict. univ. Bibl., Hist,, Crit., etc. KRÜDENER ( Bourkhard Alexis - Constantin, baron DE), diplomate russe, né le 24 juin 1744, mort le 14 juin 1802. Il fit de brillantes et solides études à Leipzig, et fut attaché, au sortir de l'université, à l'ambassade de Russie en Espagne. En quittant Madrid il séjourna quelque temps à Paris, et se lia avec J.-J. Rousseau, « qui eut le temps de l'aimer, dit M. Eynard, mais non de se brouiller avec lui ». De Paris il se rendit à Varsovie comme secrétaire d'ambassade. Catherine l'enleva bientôt à ces fonctions pour lui confier la place de ministre en Courlande. Il s'agissait de préparer la réunion de ce duché à la Russie. M. de Krüdener s'acquitta de cette mission avec beaucoup de tact et de succès. Il épousa en 1783 Mlle de Wietinghoff (voy. l'article suivant), et fut nommé en 1784 ambassadeur de Venise. En 1786 il fut envoyé au même titre à Copenhague. La tzarine Catherine le chargea en 1793 d'obtenir que le Danemark se prononçât contre la France; mais les instances de l'ambassadeur échouèrent contre le ferme bon sens du ministre Bernstorff. Cependant l'impératrice, satisfaite de son zèle, voulut lui confier une négociation analogue près de la cour de Madrid. La volonté nettement exprimée par le roi Charles IV de ne pas recommencer la guerre décida Catherine renoncer à cette mission. M. de Krüdener eut l'ambassade de Berlin en 1800. L'empereur Paul, par un brusque changement de politique, venait de se rapprocher de la France, et poussait vivement les puissances riveraines de la Baltique à la guerre contre l'Angleterre. Il menaçait même de faire marcher cent mille hommes sur Berlin si la Prusse ne rompait pas immédiatement avec le gouvernement britannique. Trop modéré pour se prêter à cette politique violente, M. de Krüdener temporisa habilement; mais enfin une dépêche lui apporta l'ordre de poser un ultimatum au cabinet prussien, et de prendre ses passeports en cas de refus. Cet ordre aurait fort embarrassé l'ambassadeur, s'il n'eût lu au bas de la dépêche ces mots, écrits par le comte Pahlen <«< Sa Majesté est indisposée; cela pourrait avoir des suites. » Cela ent des suites en effet, et le prochain courrier apporta à Berlin la nouvelle de la mort de Paul dans la nuit du 12 mars 1801. Cet événement détruisit les espérances de fortune de M. de Krüdener. Sa santé, déjà éprouvée par les perplexités où l'avaient jeté les menaces

:

de guerre contre la Prusse, reçut une nouvelle atteinte. Il mourut l'année suivante, d'une attaque d'apoplexie.

N.

Ch. EyThiers, His

Arnault et Jay, Biogr. nouv. des Contemp. nard, Vie de Mme de Krüdener, t. I. toire du Consulat et de l'Empire, t. II. KRÜDENER (Julie DE WIETINGHOFF, baronne DE), romancière et mystique russe, femme du précédent, née à Riga, le 21 novembre 1764, morte le 25 décembre 1824. Elle était fille de M. de Wietinghoff, un des plus riches seigneurs de la Livonie, conseiller privé et sénateur, et petitefille par sa mère du maréchal Münich. Elle apprit dès l'enfance le français et l'allemand. Dans les belles résidences de Kosse et de Mariembourg, où ses parents passaient l'été, elle sentit se développer de bonne heure le goût de la nature et des beautés sauvages des climats du Nord. Elle a écrit en parlant des impressions de son enfance: «La solitude des mers, leur vaste silence ou leur orageuse activité, le vol incertain de l'alcyon, le cri mélancolique de l'oiseau qui aime nos régions glacées, la triste et douce clarté de nos aurores boréales, tout nourrissait les vagues et ravissantes inquiétudes de ma jeunesse.» Au commencement de l'hiver de 1777 M. et Mme de Wietinghoff firent un voyage à Paris avec leurs enfants, Julie avait alors treize ans. «< Elle ne ressemblait guère, dit M. Eynard, le plus exact de ses biographes, aux portraits de fantaisie qu'on a tracés d'elle. Elle était grande, elle avait le teint brouillé, le nez gros et les lèvres avancées, mais les yeux grands et blcus et les cheveux charmants; ses bras étaient aussi d'une véritable beauté. On ne pouvait citer d'elle ni reparties ni saillies remarquables; mais aux yeux du monde elle avait bien mieux que cela, c'était une riche héritière : à ce titre, elle obtint vite la bienveillance générale. » De retour en Livonie, Mlle de Wietinghoff épousa, à l'âge de dix-huit ans, le baron de Krüdener, diplomate habile et homme du monde spirituel, qui se plut à compléter l'éducation, fort imparfaite, de sa femme et à réveiller son intelligence. Au mois de janvier 1784, elle eut un fils, et quelques mois après elle accompagna en Italie son mari, nommé ambassadeur à Venise. Cette ville, qu'elle a si bien dépeinte dans Valérie, et qu'elle appelle le séjour de la mollesse et de l'oisiveté, agit vivement sur son imagination, naturellement disposée aux rêves et à l'exaltation. Quoique fidèle à son mari et s'efforçant de l'aimer avec une ardeur romanesque, qui étonnait ce diplomate, aimable et positif, elle laissait grandir près d'elle la passion du jeune secrétaire d'ambassade Alexandre de Stakieff, dont elle fit plus tard le Gustave de sa Valérie. Au bout de dix-huit mois, M. de Krüdener fut appelé à l'ambassade de Danemark. Avant de s'y rendre, il fit avec sa femme un voyage en Italie, s'arrêtant à Modène, Bologne, Florence et Rome, où Angelica Kauffmann, alors à l'apogée de son talent, fit le

portrait de Mme de Krüdener. De Rome, ils se rendirent à Naples, à Venise, à Genève, et arrivèrent à Copenhague au commencement de l'hiver. " Ce fut dans cette ville, dit M. Sainte-Beuve, que la jeune ambassadrice fut entièrement éclairée sur le genre de sentiment qu'elle avait inspiré à M. de Stakieff. Celui-ci, en sincère et véritable amant, avait pu se contenir tant qu'il avait vu l'objet de son adoration rester dans une sphère de pureté et d'innocence; mais lorsqu'en arrivant à Copenhague la jeune femme, à bout de son essai de roman conjugal, et comme en désespoir de cause se fut lancée dans les dissipations du monde et le tourbillon de la vanité, l'humble adorateur n'y tint pas, et, en prenant la résolution de s'éloigner, il fit sa déclaration non pas à madame, mais à M. de Krüdener... Celui-ci, touché de sa lettre, fit avec gravité une chose imprudente il montra cette déclaration à sa femme, et, en croyant stimuler sa vertu, il ne fit qu'irriter sa coquetterie. Dès ce jour Mme de Krüdener se mit sur le pied de ne pouvoir rien ignorer de ce qu'on éprouvait pour elle. » Au milieu de cette crise morale, Julie de Krüdener, se voyant atteinte dans sa santé, souffrant de maux de nerfs et menacée d'une maladie de poitrine, se décida à faire un voyage en France. Elle était surtout avide des plaisirs de l'intelligence et curieuse de voir les savants et les hommes de lettres en renom. Dès son arrivée à Paris, au mois de juin 1789, elle courut chercher Bernardin de Saint-Pierre dans sa petite maison du faubourg Saint-Marceau. L'auteur des Études de la Nature, qui avait autrefois beaucoup connu en Russie le maréchal Münich, accueillit avec bonheur sa petite-fille. Elle vit aussi l'abbé Barthélemy, qui venait de publier les Voyages d'Anacharsis. En même temps cette femme si éprise de la simplicité de la nature, et qui ne cessait de s'en entretenir avec Bernardin de Saint-Pierre, faisait en trois mois un compte de vingt mille francs chez la célèbre modiste de la reine, Mlle Bertin. Au mois de décembre 1789, elle partit pour le midi de la France, et séjourna à Montpellier, Nîmes, Avignon, Baréges. Ce voyage, qui se prolongea jusqu'au mois de mai 1791, fut marqué par la liaison de Mme de Krüdener avec un jeune officier de hussards, depuis général, M. de Frégeville (Voy. ce nom). Rappelée par son mari, elle partit pour Hambourg, accompagnée de M. de Frégeville déguisé en laquais. Cette aventure ne lui permettant pas de vivre plus longtemps avec M. de Krüdener; elle proposa un divorce, son mari s'y refusa, et lui permit de se rendre en Livonie. Dans sa terre de Kosse elle commença à donner des preuves du zèle charitable qui devait la distinguer plus tard. En 1796 elle quitta encore une fois la Livonie, s'arrêta dans diverses villes d'Allemagne, et, après avoir passé quelque temps avec son fils et son mari, elle se rendit à Lausanne. Là, dans la société de Mmes de Monto

lieu, de Necker, de Charrière, de Constant, elle contracta des liaisons sérieuses et distinguées. L'invasion française en 1798 l'obligea à quitter la Suisse, et elle rejoignit, au mois de mai 1800, son mari, nommé ambassadeur à Berlin. Mais elle était peu faite pour la vie officiellez elle s'y déroba à la fin de l'été de 1801, et se ren dit à Genève, puis à Paris. Elle rêvait alors la gloire littéraire. Ses relations récentes avec madame de Staël et Châteaubriand, sa liaison plus familière avec son vieil ami Bernardin de Saint-Pierre l'excitaient. Outre le roman de Valérie, déjà ébauché à Berlin et corrigé à Genève, elle composa Eliza, Alexis et La Cabane des Lataniers. Valérie était déjà prête pour l'impression lorsque la mort subite de M. de Krüdener, le 14 juin 1802, en arrêta la publication. Après quelques mois de deuil et de retraite à Genève, Mme de Krüdener alla passer l'automne et l'hiver à Lyon. Dans cette ville et à Paris, où elle revint au mois de mai 1803, elle prépara le succès de Valérie avec une habileté dont M. Eynard n'a pas craint de révéler les manéges. Enfin, ce roman, objet de tant de sollicitudes, parut en décembre 1803. « Toutes les batteries de Mme de Krüdener étaient montées pour saluer son apparition, dit M. Eynard. Aucune ne manqua son effet. Amis dévoués, journalistes, littérateurs indépendants, adversaires envieux, chacun à sa manière s'occupa de Mme de Krüdener et de son livre. » Valérie méritait mieux qu'un succès éphémère. C'est une des productions du commencement de ce siècle qui ont le moins vieilli. Le plan du roman est faible, les personnages sont des esquisses assez pâles; mais les idées et les sentiments offrent avec cette mélancolie vague qu'Ossian et Werther avaient mise à la mode un charmant mélange d'élévation et de grâce. Le style est léger et poétique sans affectation. Mme de Krüdener quitta Paris aussitôt après l'apparition de Valérie, et alla rejoindre sa mère à Riga. Dans sa retraite de Kosse, elle fut tonchée de la grâce divine, détesta sa vie passée, et résolut de consacrer le reste de sa vie à la conversion des pécheurs et au soulagement des malheureux. Divers événements, ses voyages dans l'Allemagne, sa correspondance avec les communautés moraves, ses rapports avec le théosophe Jung Stilling, la destinée douloureuse et la mort de la reine de Prusse, à laquelle l'unissait une vive sympathie, la confirmèrent dans son pieux dessein. Elle avait dès lors une forte tendance vers l'illuminisme, non sans des restes de légèreté mondaine. Expulsée du Wurtemberg à cause de ses prédications mystiques, elle écrivait fort agréablement au vieux prince de Ligne : « C'est jouer de malheur. Dans le quinzième siècle on croyait aux sortiléges; aujourd'hui qu'on ne croit plus aux enchantements même, tant on est raisonnable, je suis prise pour une enchanteresse. Encore si j'avais de beaux yeux comme autrefois, je m'en consolerais avec vous, qui sa

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vez que je n'ai jamais conspiré que contre l'ennui. Non loin de ce gracieux badinage on rencontre dans la correspondance de Mme de Krüdener des passages qui rappellent, avec infiniment pius d'élégance et moins de profondeur, les mystiques effusions de Mme Guyon. « Je n'étais pas meilleure que le reste des hommes, dit-elle; j'étais et je suis par moi-même tout aussi fragile. J'étais un misérable instrument. Dieu a daigné l'accorder, et si quelques sons harmonieux s'en échappent et font penser à l'harmonie, c'est à l'auteur de l'harmonie que je voudrais conduire tous les hommes. Je suis redevenue enfant. J'ai cru, et la vérité, la simplicité et le calme et toutes les espérances d'une félicité inconnue, l'immense bonté de celui qui me créa, sont venues s'emparer de ma vie. J'ai visité le ciel, et la terre s'est enfuie sous mes pas. Voilà tout le secret de cette vie que bien d'autres peuvent trouver folle, ridicule et absurde, et dont chaque jour s'envole dans la plus doucé paix. » De 1807 à 1814, la vie de Mme de Krüdener n'offre rien de remarquable. Placée d'abord sous la direction du pasteur Fontaine, qui n'était pas digne de sa confiance, puis sous celle d'un autre ministre protestant, M. Empaytaz, qui la méritait beaucoup mieux, elle éprouva les tribulations ordinaires des apôtres, le dédain du monde et les persécutions de la police. Les événements de 1814 exaltèrent son esprit en confirmant quelques-unes de ses prévisions. Elle annonça que la crise n'était pas à son terme. Dans une lettre à Mile de Stourdza, dame d'Élisabeth, impératrice de Russie, elle annonça en termes vagues, comme toutes les prophéties, le retour de Napoléon de l'île d'Elbe, sa rentrée victorieuse à Paris et le second exil des Bourbons. Mlle de Stourdza communiqua cette lettre à l'empereur Alexandre, qui conçut un vifdésir de connaître Mme de Krüdener. Leur première entrevue eut lieu à Heilbronn, au mois de mai 1815, quelque temps après la rentrée de Napoléon en France, et lorsque toutes les puissances de l'Europe rassemblaient leurs forces contre lui. Alexandre, vivement touché de ses pieuses exhortations, désira qu'elle le suivît à Heidelberg au quartier général des alliés, puis, après la bataille de Waterloo, à Paris. Le 17 juillet elle s'établit à l'hôtel Montchenu, tout près de l'Élysée, où logeait l'empereur. Des entretiens journaliers réunissaient dans une pieuse intimité la croyante et le souverain. si illustre néophyte dut en attirer beaucoup d'autres, et l'on vit se presser autour d'elle des personnes de tous les rangs et de toutes les opinions. « Je vois, écrivait-elle, des duchesses et des servantes, des hommes de tous les partis sans vouloir qu'on me parle d'aucun parti. » Elle tenta les plus généreux efforts pour sauver Labédoyère; mais ses instances, quoique vivement appuyées par Alexandre, ne purent rien obtenir. L'influence de Mme de Krüdener sur l'empereur de Russie atteignit son apogée au mois de septembre. Le 11 de ce mois

elle assista à la grande revue de l'armée russe, dans la plaine des Vertus en Champagne. De retour à Paris, elle reçut la visite de l'empereur, qui l'avait précédée de quelques heures. « Ce jour, lui dit-il en entrant, a été le plus beau de ma vie ; jamais je ne l'oublierai. Mon cœur était rempli d'amour pour mes ennemis. J'ai pu prier avec ferveur pour eux tous; et c'est en pleurant au pied de la croix que j'ai demandé le salut de la France. » Dans cette période de ferveur mystique, l'idée de la sainte-allliance, conçue deux ans plus tôt par le roi de Prusse après la défaite de Dresde, fut formulée par Alexandre dans l'acte du 26 septembre 1815, où François (empereur d'Autriche), Frédéric-Guillaume (roi de Prusse) et Alexandre « manifestent à la face de l'univers leur détermination inébranlable de pe prendre pour règle de leur conduite, soit dans l'administration de leurs États respectifs, soit dans leurs relations politiques avec tout autre gouvernement, que les préceptes de cette religion sainte, préceptes de justice, de charité et de paix... >> Cet acte, rédigé par l'empereur Alexandre, retouché par M. Alexandre de Stourza, fut soumis à la révision de Mme de Krüdener, qui l'adopta avec enthousiasme, mais qui ne l'avait pas inspiré, et qui ne croyait pas au règne prochain de l'Évangile sur la terre. L'empereur quitta Paris le 26 septembre, en exprimant à Mme de Krüdener le désir de la revoir bientôt à Saint-Pétersbourg. Elle partit le 22 octobre, et passa par la Suisse, où le plaisir de retrouver son fils, ambassadeur de Russie près de la Confédération, et surtout le merveilleux succès de ses prédications la retinrent plus longtemps qu'elle ne pensait. Ses doctrines, fondées sur l'interprétation des Écritures, mais ne s'adaptant strictement aux formes d'aucune communion chrétienne, soulevèrent de vives réclamations. La ville de Bâle ne voulut pas la garder sur son territoire, le grand-duché de Bade suivit cet exemple; le Wurtemberg, la Bavière, lạ Saxe lui refusèrent un asile. Au milieu des persécutions elle conserva une fermeté inébranlable et une charité ardente. « Dans la nouvelle carrière où elle entre, dit M. Eynard, nous ne rencontrerons plus de noms illustres, de grands génies ni d'altesses, mais nous vivrons avec elle au milieu des malades, des pauvres et des petits de ce monde. Si cette vie a été dès lors plus humble, ce n'est pas à dire que l'étude en soit moins salutaire, car elle nous retrace d'une manière encore plus sensible l'amour de celui qui n'eut pas un lieu où reposer sa tête. Dans ses rapports avec les pauvres, qui pendant plusieurs années la rendirent l'objet des sarcasmes et des insultes d'un monde aussi incapable de la comprendre que de l'imiter, Mme de Krüdener fut toujours exposée à des tentations subtiles : elle eut sans doute ses illusions et ses faiblesses; mais que d'abnégation! que de sacrifices joyeu sement offerts! Quelle infatigable ardeur dans

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