Imágenes de páginas
PDF
EPUB

KYĎou KÉYD (peut-être le Taxile des Grecs), gouvernait un petit royaume de l'Inde quand Alexandre, après avoir vaincu Darius, détruit l'empire de Perse, soumis les Sogdiens et les Scythes, porta ses armes victorieuses sur la rive orientale de l'Indus (327 avant J.-C.). Selon l'auteur du Dabistan, Kyd fut le premier des rois de l'Inde exposé aux attaques du conquérant macédonien. Alexandre lui envoyà un ambassadeur pour l'engager à se soumettre. Trop faible pour résister au vainqueur d'Arbelles et trop prudent pour entreprendre une résistance inutile, Kyd se rendit à la première sommation. Il déclarà qu'il était prêt à renoncer à son pouvoir et même à la vie si Alexandre l'exigeait. « J'enverrai au grand conquérant votre maître, dit-il à l'agent du prince grec, ma belle-fille, une coupe faite d'un superbe rubis, un philosophe rempli de science et un médecin si habile qu'il est en état de ressusciter les morts. » Alexandre perdit, raconte la légende, entre les bras de la belle princesse indienne tout désir d'envahir les États de son père. F.-X. T.

Malcolm, Histoire de Perse; Londres, 1815, t. 1. Sheou, Histoire des premiers Rois de la Perse. Dabistan, Zeenut al-tewarik.

KYD (Thomas), auteur dramatique anglais du seizième siècle. Ce fut, parmi les poëtes qui précédèrent immédiatement Shakspeare, un de ceux dont le public accueillait les œuvres avec le plus d'engoument. On n'a point de détails sur sa vie. Il est auteur de trois pièces en vers, réimprimées dans le répertoire de Dodsley (Dodsley's Old Plays): Cornelia, or Pompey the Great, his fair Cornelia's tragedy; Londres, 1594, 1595, in-4°, d'après Garnier; The First part of Jeronimo; ibid., 1605, in-4° ; - The Spanish tragedy, or Hieronymo is mad again; ibid., 1599 ( la plus ancienne édition connue), seconde partie de la précédente pièce, à laquelle Ben Jonson fit en 1602 de nombreuses corrections. Ce dernier ouvrage, rempli de verve et d'imagination, obtint une grande popularité, et l'on pense qu'il a dû servir à Shakespeare, qui s'en moquait, pour plusieurs situations d'Hamlet. Quelques auteurs ont faussement attribué à Kyd les tragédies de Taming of a Shrew (la Megère vaincue ), 1594, et de Selyman and Perseda, 1599.

Paul LOUISY.

Dodstey, Old Plays. Collier, History of dramatic Poetry. -- English Cyclopædia.

KYLIAN (Jacques), astronome bohème, né à Prague, le 14 février 1714, mort en avril 1774, à Kamienicza. En 1731 il entra, à Cracovie, dans l'ordre des Jésuites, et fut bientôt après appelé à professer au collége des nobles à Lemberg. Il devint ensuite recteur de la maison d'éducation que son ordre possédait à Mederse en Pologne. Après la suppression de son ordre, il se rendit à Kamienicza près de Konitz, auprès d'un gentilhomme, dont il fut chargé d'instruire les fils dans les mathématiques. Kylian, qui avait de véritables

[blocks in formation]

Bernoulli, Liste des Astronomes (cahier, VI, p. 66). Pelzel, Böhmische, mährische und schlesische Jesuiten, p. 222.

KYLLING (Pierre), botaniste danois, né à Assen, vers 1640, mort en 1696. Il devint, en 1682, directeur du jardin du roi à Copenhague. On a de lui Catalogus latino-danicus Plantarum CCCCIV, quibus Christiani V lucus adornatus est; Copenhague, 1684, in-4°; - Viridarium Danicum, sive catalogus latinodanico-germanicus plantarum in Dania indigenarum; Copenhague, 1688, in-4°. E. G. Nierup et Kraft, Almindeligt Litteratur-Lexikon.

KYNASTON (Sir François), poëte anglais, né en 1587, mort vers 1642. Issu d'une ancienne famille du Shropshire, il prit le degré de maître ès arts à Oxford et à Cambridge, se montra à la cour, où son esprit le maintint en grande faveur, et reçut de Charles Ier des lettres de noblesse ainsi que le titre de gentilhomme de la chambre. Il fonda et dirigea le premier une société littéraire, qui s'était décorée du beau nom de Museum Minerva, dont il donna les statuts : The Constitutions; Londres, 1636, in-4°. Cette société, installée dans un hôtel situé à CoventGarden, fut généreusement pourvue par lui de livres, de tableaux, d'objets d'art, d'instruments de sciences et de musique; une des conditions d'admission était d'appartenir à la haute ou moyenne noblesse. On a de sir François : Leoline and Sydanis, with Cinthiades; 1641, poëmes; la traduction en vers latins de Troilus and Cresseide, poëme de Chaucer; Ox. ford, 1635, in-4°. P. L Y. Athenæ Oxonienses, t. II. Faulkner, History of Chelsea. · Censura literaria, t. II. KYOT ou Kiot de Provence, poëte du douzième siècle. L'existence de ce personnage, admise assez généralement en Allemagne, est en France fort contestée. Le seul témoignage que l'on puisse invoquer en faveur de l'affirmative est celui de Wolfram d'Eschenbach. Suivant ce minnesinger, Kyot le schantiure (ailleurs Kyot le Provenzal) a trouvé à Tolède la légende du Saint-Gral écrite en caractères païens (heidnische Züge) par un nécromancien israélite, Flégétanis, qui adorait un veau. Non satisfait de cette première découverte, il se mit à chercher dans les livres latins quel était le peuple assez saint pour que Dieu lui confiât la garde du divin talisman. Il étudia les chroniques de France, d'Irlande et de Bretagne; mais ce ne fut qu'en Anjou que ses investigations furent couronnées de succès et qu'il trouva les documents relatifs

à la pieuse famille angevine dont Perceval est le plus illustre représentant. Il entreprit alors de raconter cette histoire, que le Champenois Chrestien avait défigurée, et c'est lui que Wolfram prétend suivre fidèlement, c'est à lui qu'il s'en réfère dans tous les passages importants de son poëme. Mais, chose singulière! toutes les fois que le minnesinger insère au milieu de son œuvre des expressions ou des vers français, ses citations appartiennent à l'idiome septentrional. Soyez le bien venu, beau sire, Meiner Gebieterin und mir, lisons-nous quelque part; et ailleurs :

Und grüsste man ihn bien venu,! So sprach er dankend: grand merci! Les exemples fourmillent. Ce Kyot de Provence aurait-il donc écrit son Parcival en langue d'oil? Ou bien serait-il un personnage imaginaire auquel Wolfram d'Eschenbach aurait cru devoir s'en référer afin de donner plus d'autorité et de crédit à ses propres inventions? Cette der. nière hypothèse, très-conforme d'ailleurs aux procédés habituels des poëtes du moyen âge, nous paraît de beaucoup la plus vraisemblable.

A. PEY.

Lachmann, Wolfram d'Eschenbach; Berlin, 1883. San-Marte, Parzival, Rittergedicht von Wolfram von Eschenbach, Magdebourg, 1836, 2 vol. in-8°.

KYPER (Albert), médecin allemand, né à Koenigsberg, vers 1605, mort à Leyde, le 25 septembre 1655. Il prit le grade de maître ès-arts dans sa ville natale, se destina ensuite à la médecine, et se fit recevoir docteur à Leyde en 1642. En 1646, lorsque le prince Frédéric-Henri de Nassau érigea l'Ecole illustre de Bréda, il y appela Kyper pour professer la physique et la médecine. Depuis, Kyper devint premier médecin (archiatre) de la maison d'Orange et en 1648 obtint la chaire de médecine de l'université de Leyde. Il était recteur de cette université lorsqu'il mourut. On a de lui Medicinam rite discendi et exercendi Methodus; Leyde, 1642, in-12; - Oratio prononcé le 18 septembre 1646, à l'inauguration de l'Académie de Bréda.

"

:

L'orateur, dit Paquot, y compare le prince Frédéric-Henri au Soleil ; il n'oublie pas de comparer son épouse à la Lune, ajoutant que cette princesse est « non-seulement rassasiée mais absolument grosse de rayons de bénéficence semblables à ceux de son mari (1). Les curateurs de l'Académie sont les planètes supérieures; les professeurs, les inférieures; les magistrats de Bréda sont les étoiles fixes (quoique réélus tous les ans), enfin les étudiants ne sont que des êtres sublunaires; les leçons d'un professeur aussi sensé ne pouvaient manquer d'en faire au moins des

[blocks in formation]

Breve Apologema adversus dicteria et ineptias cujusdam Kпясúроυ (1). Kyper écrivit aussitôt Responsio ad Pseud-Apologema, quod Vopiscus Fortunatus Plempius secundæ cditioni Fundamentorum suorum Medicinæ subjungi curavit. Vermostius répondit à cette réplique, et la dispute ne se termina qu'à la mort des adversaires; Anthropologia Corporis humani contentorum, et animæ naturam et virtutes secundum circularem sanguinis motum explicans; Leyde, 1647, in-12; 1650 et 1660, in-4°; Institutiones Medicæ ad hypothesin de circulari sanguinis motu compositæ, etc.; Amsterdam, 1654, in-4°; Collegium Medicum, XXVI disputationes breviter complectens quæ ad institutiones pertinent. Accedunt ejusdem Disputationes Physico-Medicæ, miscellaneæ, atque politicæ de Origine et Jure Magistratus, de Jure Belli et de Fœderibus; Leyde, 1655, in-12. L—Z—E. Merclin. Linden, Renov., p. 20. - Vriemoet, Athen. Fris., p. 350, 351 et 581. Georges Matthias, Conspectus Hist. Medicorum, p. 502. Paquot, Mémoires pour servir à l'Histoire Littéraire des Pays-Bas, t. VII, p. 296-300.- Éloy, Dict. hist. de la Medecine.

KYPKE (Georges-David), orientaliste allemand, né à Neukirch (Poméranie), le 23 octobre 1724, mort le 28 mai 1779. Il obtint en 1744 le grade de maître en philosophie à Halle, et devint deux ans après professeur de langues orientales à Koenigsberg. On a de lui: Observationes sacræ in Novi Fœderis libros, ex auctoribus græcis et antiquitatibus; Breslau, 1755, 2 vol. in-8°. E. G.

Rotermund, Supplément à Jöcher. KYRIANDER (Guillaume), historien allemand, né à Huningue, dans la première moitié du seizième siècle, mort vers le commencement du dix-septième. Il étudia la jurisprudence en Allemagne, en France et en Italie, et séjourna pendant quelques années à Venise. De retour en Allemagne, il devint syndic de Trèves, et se fit protestant. Il a publié sous le titre de : Annales, sive commentarii de origine et statu antiquissimæ civitatis Augustæ Trevirorum; DeuxPonts, 1576, 1603, 1619 et 1625, in-fol. ; c'est une histoire de Trèves, dont beaucoup d'exemplaires furent détruits par ordre de l'électeur de Trèves, sous le prétexte que cet ouvrage attribuait à la ville des droits exorbitants.

Kyriander a aussi donné une traduction latine de la Description de l'Italie de Léandre Alberti. E. G.

[blocks in formation]

défricha des terres, ouvrit des voies de cominunication, bâtit une église, et fonda des maisons de charité pour les infirmes et d'apprentissage pour les orphelins. Warton dit que Kyrle fut le Howard de son temps. Le passage dans lequel Pope a célébré l'Homme de Ross est trop connu et trop long pour être cité ici. Il suffit de dire que le fond de cet éloge est vrai. Z.

Warton, Essay on the Writings and Genius of Pope. - Pope, Epistl., II. — Lemprière, Universal Biography. -Fuller, Worthies in England, t. I, 582.

*KY-YN, homme d'État chinois, né au commencement de ce siècle, appartient à la famille impériale des Thsing. Après le rappel de Kychan et la rupture du traité de Canton, qu'il avait négocié, les Anglais reprirent les hostilités. Ning-po, Chang-haï, Tchou-san et Ting-haï tombèrent successivement en leur pouvoir. Kyyn fut envoyé par l'empereur Tao-kouang pour conclure en 1842 le traité de Nankin, par lequel les Chinois permirent aux Anglais l'entrée de quatre nouveaux ports, firent la cession de Hong-kong, s'engagèrent à payer une forte indennité, et leur accordèrent en outre pendant cinq années l'occupation de Tchou-san. Ces conditions étaient dures sans doute; mais la prudence faisait alors à Ky-yn un devoir de les accepter. Tao-konang le comprit, ratilia le traité de Nankin et Ky-yn, nommé gouverneur des deux Kouang, vint occuper le poste difficile de Canton. Le nouveau gouverneur était l'ami politique du premier ministre Mou-tchang-ha. C'é taient à cette époque les deux plus grands hommes d'État de la Chine. Ils travaillèrent de concert à faire entrer la cour de Péking dans une voie plus libérale et plus conciliante vis-à-vis des cours de l'Europe. « Cette politique nouvelle, dit M. Callery, cette attitude des conservateurs progressistes irrita contre eux la populace de

Canton. On les accusa de pactiser avec l'étranger et de trahir leur souverain dans l'intérêt des barbares. Des milliers de placards ont signalé le nom de Ky-yn à la haine et aux vengeances populaires. Sans tenir compte de ces accusations, qu'il ignora peut-être, l'empereur, satisfait des services de Ky-yn, le rappela à la cour pour l'élever à de nouvelles dignités. Devenu le collègue de Mou-tchang-ha, il travailla avec ce ministre à réaliser dans l'administration et dans l'art militaire quelques réformes utiles. Sous son ministère on proposa à l'empereur d'échanger l'arquebuse à mèche pour le fusil à piston. Ainsi la Chine entrait dans la voie du progrès. Les relations avec l'Europe étaient devenues meilleures. Les navires anglais donnaient la chasse aux pirates dans l'intérêt du commerce des deux nations. Le 24 octobre 1844 Ky-yn signa avec M. de Lagrené, plénipotentiaire français, le traité de Whampoa. La mort de Taokouang, arrivée au mois de février 1850, arrêta ces bonnes relations. A l'avénement de Hienfoung, le parti réactionnaire triompha. Le premier acte du nouveau gouvernement fut la destitution de Mou-tchang-ha et de Ky-yn. En juillet 1851 on tenta d'assassiner l'empereur. Les deux ministres déchus furent soupçonnés.

En 1852 Hien-foung, pressé de tous côtés par les insurgés, rappela Ky-yn aux affaires, mais sans vouloir rien changer à sa politique. Il le chargea d'une mission spéciale dans le Kiang-si. En 1858, dans le cours des négociations qui suivirent l'entrée des flottes anglo-françaises en Chine, Ky-yn fut encore envoyé pour traiter avec les plénipotentiaires anglais et français; mais ceux-ci, pleins de défiance, refusèrent de discuter les bases de la paix avec lui. F. X. TESSIER. Documents particuliers. — Callery, De l'Insurrection en Chine.

L

LAALE (Pierre), poëte danois, né à Lolland, vivait au quinzième siècle. On manque de détails sur sa vie; on sait seulement qu'il s'était livré à l'étude du droit. Il reste de lui un recueil assez curieux de sentences et de proverbes mis en vers: Adagia latino-danica; Copenhague, 1506, 1508, in-4° ce livre fut réimprimé à Paris, en 1515, in-4°; le texte est accompagné d'une familiaris Expositio; une traduction danoise, faite par H. Skaaning, vit le jour à Aurhus, en 1604, fut réimprimée à Copenhague en 17,03, et a reparu en 1828 avec des notes de Nyerup. G. B.

Nyerup, Danske litterat. Lexikon, p. 349. 'LAAN (A. VAN DER), graveur hollandais, né vers 1690, à Utrecht, mort en 1733. Il vint se fixer à Paris, où il exécuta de nombreux travaux, soit à la pointe, soit au burin. On a de lui: une suite de Vues et de Paysages d'Allemagne et d'Italie à l'eau-forte, d'après J. Glauber; le Frontispice pour l'Alcoran de la traduction de Duryer; Laurent Coster de Harlem; Chasse burlesque, faite par des nains, d'après van der Meulen ; Grande pêche des Baleines, d'après le même. A. DE L.

[ocr errors]

F. Basan, Dictionnaire des Graveurs. — Gio. Gori Gandellini, Notizie istoriche degl' Intagliatori.

LAAR, dit Bamboche. Voy. Laer.

LAAZ (Jean DE), alchimiste du seizième siècle, né en Bohême. Il séjourna longtemps en Italie, faisant de vaines tentatives pour faire de l'or; il se dit disciple d'Antonio de Fiorenza, et il montre dans ses écrits une bonne foi rare chez les chercheurs de la pierre philosophale. Il composa un traité: De Lapide Philosophorum, qui parut en 1612, sans indication de lieu, fut réimprimé à Hanovre en 1618, et a été inséré dans le Theatrum Chimicum, t. IV, p. 657. Un autre ouvrage du même auteur, Via universalis, est resté manuscrit. G. B.

Schmieder, Geschichte der Alchemie, Halle, 1832, p. 223.

LABACCO Ou L'ABACCO (Antonio), voy.

АВАССО.

LABADIE (Jean), fameux hérétique français, chef de la secte des labadistes, né à Bourg-enGuyenne, le 13 février 1610, mort à Altona, en 1674. Il était fils d'un lieutenant de fortune (1), et fut élevé par les jésuites de Bordeaux, qui, charmés de son esprit et de sa facilité pour l'étude, lui persuadèrent d'entrer dans leur société, malgré l'opposition de son père. Après la mort de celui-ci Labadie fut revêtu de l'habit monastique

(t) Terme usité alors pour désigner un soldat parvenu à l'épaulette par son mérite.

et plus tard élevé au sacerdoce. Il demeura environ quinze années dans la Société de Jésus, prêchant et professant la rhétorique et la philosophie. Quoique dès lors son intelligence fût égarée dans les rêveries de la plus folle mysticité, on le regardait comme un prodige d'esprit et de piété. En effet, il s'imaginait être un nouveau précurseur, et tandis qu'il prêchait en public la foi catholique, il formait en secret des disciples qui devaient aller par le monde répandre ses nouvelles doctrines. Lorsqu'il se fut assuré de la coopération d'un certain nombre de prosélytes, il demanda à sortir de son ordre. Ses supérieurs mirent tout en usage pour le retenir, lui offrant le choix des emplois qui pouvaient avoir le plus de rapport avec son humeur et ses inclinations. Il consentit à prolonger ses vœux, mais il affecta de mener la vie de saint JeanBaptiste, dont il prétendait avoir reçu l'esprit ; il ne voulut plus manger que des herbes, et se livra à des jeunes excessifs. Ce régime ne servit qu'à lui exalter l'imagination: il eut des visions, entendit des révélations, rendit des prophéties, etc. : il tomba même dangereusement malade. Dès qu'il fut en convalescence il alla à Bourg chez son frère, et sollicita avec plus de force son congé, menaçant de présenter une requête au parlement. Le P. Jacquinot, provincial de la Guyenne, voyant qu'il ne pouvait plus espérer le retenir, le délia le 17 avril 1639 (1). Labadie parcourut alors plusieurs villes de la Guyenne, mais le P. de Chazes, supérieur des jésuites de Bordeaux, l'empêcha de se faire entendre dans cette cité. Le nouveau précurseur comptait alors parmi ses disciples immédiats un médecin de Périgueux, deux écoliers, un paysan de Cusagnes avec sa femme, un prêtre, un corroyeur du Limousin et quelques autres visionnaires, qui le suivaient et l'aidaient dans sa propagande, selon la force de leurs moyens. Étant venu à Paris, il y prêcha avec succès, et M. de Caumartin, évêque d'Amiens, fut si satisfait de son éloquence qu'il lui donna une prébende dans l'église collégiale de Saint-Nicolas d'Amiens. Labadie menait une vie édifiante à Amiens, du moins en apparence. Il y fonda même une confrérie de filles sous le vocable de Sainte-Marie-Madeleine, et les constitutions qu'il donna à cette société furent approuvées de son évêque. Mais à quelque temps

(1) C'est donc à tort que l'on a prétendu que ce furent les jésuites qui le chassèrent de leur ordre. Son conge est ainsi terminé « à sa requête, à cause de son indisposition, nous le tenons quitte et libre de toute obligation envers notre société ».

315-316

lui

de là, étant allé à Abbeville faire une mission, il séduisit, au moyen de la confession, une demoiselle de la ville, et ayant ensuite gagné la confiance des bernardines, il en abusa et contracta dans leur couvent des liaisons plus que suspectes. M. de Caumartin allait le faire arrêter lorsqu'il prit la fuite, et vint à Paris (fin d'août 1644). Il y resta caché jusqu'à la fin de septembre. Il se rendit alors à Bazas avec le second archidiacre de cette ville, chez lequel il demeura cinq ou six mois, sous le nom de M. de Saint-Nicolas. Messire Henri Litolfi-Maroni, évêque de Bazas, ayant été renseigné sur l'hypocrisie de Labadie, l'engagea à faire une profession de foi publique. L'ex-jésuite y consentit volontiers : il édifia tous les assistants, qui s'empressèrent à l'envi de lui délivrer des certificats d'orthodoxie. De ce nombre furent l'évêque, le chapitre, les curés et tout le clergé, le présidial et le corps de ville, et jusqu'aux capucins et aux cordeliers. Labadie attaqua alors ses calomniateurs dans un mémoire qu'il présenta à l'évêque de Bazas, le 8 janvier 1645. Mais quelques fausses spiritualités qu'il répandit dans un couvent d'Ursulines, et de nouveaux abus de confiance envers ses pénitentes, vinrent éclairer l'évêque, qui le chassa de son diocèse. Labadie ne se découragea pas : il alla à Toulouse, se présenta à M. de Monchal, qui en était archevêque, et sut si bien le séduire que ce prélat, au moins imprudent, confia la direction d'un couvent de religieuses du tiers ordre de Saint-François. « Le nouveau saint Jean-Baptiste enseigna à ces bonnes filles, rapporte Goujet, une doctrine abominable, et leur faisait pratiquer en sa présence, lui-même en donnant l'exemple, des actions que la pudeur ne permet pas de raconter. Tout ce qu'on a reproché de plus horrible aux disciples du quiétiste Molinos, il le leur enseignoit, et le leur faisoit pratiquer, et les excitoit par son propre exemple. » L'archevêque, informé de ces désordres, dispersa les religieuses séduites, et procéda contre le corrupteur. Labadie alla se cacher (1er novembre 1649) dans un ermitage de carmes à La Graville, près de Bazas, où il prit le nom de Jean de Jésus-Christ; il parla en prophète, annonça que le monde devait finir en 1666, et fit bientôt de nombreux adeptes. Il gagna si bien les carmes, qu'ils se mirent en pleine révolte contre leur supérieur, le P. Blanchard, et contre le nouvel évêque de Bazas, SaInuel Martineau. Il fallut employer la force pour pénétrer dans leur maison (3 mai 1650); mais Labadie s'était évadé dès le 28 avril. Les moines confessèrent les erreurs et les infamies où leur prophète les avait entraînés. Celui-ci, sous le nom de Sainte-Marthe, s'était retiré au château de Castel, chez le comte de Faras. Il embrassa alors le protestantisme à Montauban, le 16 octobre, et y exerça le ministère durant huit années. Il tâcha d'introduire parmi sa congrégation la spiritualité et l'oraison mentale. Quoi

qu'il choquât les personnes sages par l'audace de ses sermons, il se soutenait par le crédit des dévotes qu'il avait séduites, les unes par l'esprit, les autres par la chair, lorsqu'un acte d'impudicité qu'il commit sur une demoiselle de Calonges ou de Calongues, le fit expulser violemment de Montauban. Il passa à Genève (juin 1659), où il causa bientôt de grands troubles. Après avoir erré en Allemagne et en Hollande, il se fixa à Middelbourg (1666), et y acquit beaucoup d'autorité; il y fit particulièrement connaissance avec Mlle Schurmann, si versée dans les langues savantes, et avec Antoinette Bourignon, si connue par ses livres de dévotion. La première entraîna dans la secte des labadistes la princesse palatine Élisabeth, qui se fit un grand honneur de recueillir les disciples errants et fugitifs du prophète, qu'elle appelait la véritable Église, et se trouvait heureuse « d'être détrompée d'un christianisme masqué qu'elle avait suivi jusque là ». Le nombre des sectateurs de Labadie augmentait considérablement, et serait devenu très-grand si quelques-uns de ses disciples déserteurs n'avaient pas fait transpirer dans le public le récit des familiarités qu'il prenait avec ses dévotes, sous prétexte de les unir plus particulièrement à Dieu. «< Cependant, dit Nicéron, on regardait comine autant de mondains vendus au siècle présent ceux qui le taxaient d'hypocrisie, et comme autant de saintes celles qui le suivaient. » Fier de ses succès, Labadie osa attaquer M. de Wolzogue, professeur et ministre de l'église wallonne à Utrecht, à cause de son Interpretatio Scriptura. La dispute fut portée devant le synode de Naarden; l'accusateur y fut condamné à se rétracter. Labadie s'y refusa, et éleva un schisme contre le synode. A la suite de plusieurs séditions, les États intervinrent et déposèrent le récalcitrant. On fut obligé d'employer la force pour l'expulser de la Zélande. Il gagna Erfurt, et la guerre l'ayant chassé de cette ville, il se retira à Altona, où il mourut, d'une violente colique, entre les bras de M11e Schurmann, qui l'avait suivi partout.

Les labadistes existèrent longtemps dans le duché de Clèves; mais il est incertain s'il s'en trouve encore aujourd'hui. Cette secte n'avait fait que joindre quelques principes des anabaptistes à ceux des calvinistes, et la vie dévote dont elle faisait profession avait beaucoup d'analogie avec celle des piétistes et des hernhutes. Voici en abrégé les principes de son auteur. «< 1o Dieu peut et veut tromper les hommes, et les trompe effectivement quelquefois, témoin plusieurs passages de l'Écriture Sainte comme celui d'Achab, de qui il est dit que Dieu lui envoya son esprit de mensonge pour le séduire. 2° L'Écriture Sainte n'est pas nécessaire pour conduire les hommes dans la voie du salut : le Saint-Esprit agissant immédiatement sur les âmes, et leur donnant les divers degrés de révélation nécessaires pour qu'elles puissent se con

« AnteriorContinuar »