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servador n'eut pas moins de succès, ainsi que ses traductions d'Horace, de Boileau, de J.-B. Rousseau et de Voltaire. Pour régénérer la scène espagnole, La Huerta écrivit d'abord un prologue pour l'une des pièces de Calderon, et dès que, par quelques productions estimées, il eut conquis la bienveillance du public, il tenta de concilier les anciennes formes espagnoles avec la dignité de la tragédie, et présenta sa Rachel. Cette pièce, représentée pour la première fois l'an 1778, à Madrid, sur le théâtré de la cour, obtint le plus grand succès, fut traduite en italien et jouée à Bologne, où elle ne réussit pas moins brillamment. L'Agamemnon vengé, qu'il | tira d'une traduction donnée par Perez d'Oliva de l'Électre de Sophocle, n'est qu'un pâle reflet de la tragédie grecque. « Dans son Théâtre espagnol, dit M. Bouterweck, il atteignit le but principal qu'il avait en vue, de rétablir l'honneur littéraire de sa nation et d'exhaler son indignation contre les gallicistes. » Emporté trop souvent par un patriotisme exagéré, La Huerta parle un peu légèrement des théâtres étrangers et surtout du théâtre français, qui a trouvé en lui un critique acerbe de nos chefs-d'œuvre. Aux attaques dont il fut l'objet de la part des gallicistes, cet écrivain répondit qu'ils ne savaient qu'aboyer en morale. La Zaïre de Voltaire arrangée par La Huerta pour la scène espagnole, n'eut que deux représentations. On compte au nombre de ses principaux ouvrages: Vocabulario Militar espanol; Madrid, 1760, in-8°; Obras Poeticas; Madrid, 1778, 2 vol. in-8°; - Théâtre espagnol ; Madrid, 1785-1788. B. FRESSE-MONTVAL.

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Bonterwek, Histoire de la Littérature espagnole. Don Maury, L'Espagne Poétique.

LA HUÉTERIE (Charles DE), poëte français, vivait dans la première moitié du seizième siècle. On n'a pas de détails sur sa vie. La Croix du Maine le fait naître dans l'Anjou, Du Verdier près d'Amboise, et Goujet en Normandie. Il était secrétaire du duc de Vendômois. Il n'est connu que par ses démêlés avec Clément Marot. Tandis que ce poëte était réfugié à Ferrare pour éviter la persécution, La Huéterie sollicita sa place de valet de chambre de François Ier, laquelle lui fut refusée. A son retour, Marot publia, sous le nom de Fripelipes, son valet, une épître satirique où La Huéterie n'est pas oublié. Celui-ci,

Magdelene, fille aînée du roi François Ier de ce nom; avec les nuptiaux virelais dudit mariage, et une ballade; Paris, sans date (1536), in-16; — Prothologies françaises ; orthodoxes commentaires sur aucunes dernières frivoles opinions; avec un Epitome des gestes présents en rime léonine. Demande de service royal en épitres, rondeaux, balades: contreblason de la beauté des membres du corps humain ; Paris, 1550, in-8°; — Réponse à Marot, dit Fripelipes; dans le Recueil des vers faits pour et contre Marot, publiés en 1539. Pour les détails de cette querelle, voy. MAROT (Clément) et SAGON.

Z.

La Croix du Maine et Du Verdier, Bibliothèques françaises (édit. de Rigoley de Juvigny). Goujet, Bibliothèque française, t. XI,' p. 86.

LAIDET (Joseph-Guillaume-Fortuné DE), général et homme politique français, né à Sisteron, le 6 mars 1780, mort dans la même ville, au mois de décembre 1854. Enrôlé volontaire en 1802, il partit avec son bataillon pour Saint-Domingue, et n'échappa qu'avec peine aux dangers de cette expédition. De retour en France en 1804, il parvint jusqu'au grade de capitaine dans l'infanterie légère, et en 1812, étant en Espagne, il passa comme aide de camp auprès du général Dubreton. Sa belle conduite au siége de Burgos lui valut le grade de chef de bataillon. Après l'abdication de l'empereur à Fontainebleau, il s'attacha fortement à la Restauration; il quitta même la France, en 1815, à l'époque des Cent Jours, et se rendit à Gand, mais il refusa de servir contre sa patrie. Nommélieutenant-colonel en 1816, et colonel en 1823, il fut élu député des Basses-Alpes en 1827, vota avec l'opposition, et demanda la suppression des aumôniers des régiments, ce qui lui valut une disgrâce. Enlevé à son régiment, il fut envoyé à La Martinique. En mars 1830, il vota avec l'es 221, et bientôt après fut réélu député. Au moment de la révolution de Juillet, il était en Morée, à la tête d'un régiment. Nommé maréchal-de-camp à la fin de 1830, il se fit remarquer à Paris lors de l'insurrection du mois de juin 1832 en enlevant les barricades de la rue Saint-Merry, à la tête de gardes nationaux et de soldats réunis près de la rue Grénétat. Réélu en 1834, 1837, 1839 et 1842, il vota avec l'opposition à partir de 1834. En 1839, il se fit donner une mission en Al

vieux et malade, répondit assez platement qu'ilgérie, et obtint à son retour, en 1840, le grade

avait demandé la place par zèle religieux, et parce qu'il était scandalisé de la conduite de Marot:

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de lieutenant général. Il fut mis à la retraite en 1845. Le général Laidet fut questeur de la chambre des députés de 1839 à 1846. Il échoua aux élections de 1846; mais après la révolution de Février le département des BassesAlpes l'envoya à l'Assemblée constituante. Il y fit partie du comité de la guerre, et vota avec les représentants qui se réunissaient au PalaisNational, lesquels firent une vive opposition à l'administration du 20 décembre 1848. Réélu à l'Assemblée législative, il repoussa l'état de

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LAIGNELOT (Joseph-François), homme politique et auteur dramatique français, né à Versailles, en 1752, mort à Paris, le 23 juillet 1829. Ayant fait de bonnes études, il cultiva d'abord les lettres, et fit représenter une tragédie d'Agis et Cléomène d'abord, en 1779, au Théâtre de Versailles, ensuite, en 1782, au Théâtre-Français, où elle eut quelque succès. Le 2 mars 1792 il fit jouer au Théâtre de la Nation une autre tragédie, Rienzi, reçue assez froidement par le public. En août 1792 il fut nommé un des officiers municipaux de Paris, et le mois suivant député à la Convention nationale. Dans le procès du roi, il vota pour la mort sans sursis et sans appel au peuple. Quand les puissances coalisées envahirent le territoire français, il fut envoyé en mission pour exciter les citoyens à la défense de la patrie, et fut chargé de surveiller les ports de La Rochelle et de Rochefort contre les tentatives des Anglais. Il eut pour collègue Lequinio, qui exerça dans les départements de l'ouest de cruelles rigueurs, dont Laignelot fut quelquefois le complice. Cependant, de retour à Paris en septembre 1794, Laignelot se prononça avec énergie, dans les séances de la Convention, contre les cruautés commises dans l'ouest et surtout contre les actes féroces de Carrier. Dans le mois de novembre suivant, il fut nommé membre du comité de sûreté générale. Les quatre comités réunis ayant arrêté qu'il serait fait en leur nom un rapport, sur la nécessité de suspendre le club des Jacobins, Laignelot fut chargé de rédiger le rapport qui, accueilli par des applaudissements, reçut de la Convention une décision affirmative. L'assemblée, malgré quelque opposition, vota même l'impression du rapport. Dans la séance du 5 février 1795, il présenta, au nom du comité de salut public, un autre rapport contre des jeunes gens qui avaient brisé le buste de Marat au foyer du théâtre Feydeau. Depuis, accusé d'avoir pris part aux insurrections populaires des 12 germinal, 3 et 5 prairial (1er avril, 22 et 24 mai 1795), il fut jeté en prison. D'autres accusations s'élevèrent bientôt contre lui, relativement aux actes de sa mission dans l'ouest. Il se défendit avec énergie, et, faute de preuves suffisantes, échappa à la condamnation que subirent plusieurs de ses collègues. Néanmoins, il ne recouvra sa liberté que lors de l'amnistie du 4 brumaire an iv (26 octobre 1795). En 1796, il fut impliqué dans la conspiration de Babeuf, avec lequel il était lié; mais il fut acquitté. Le Direc

toire lui offrit en 1799 la place de receveur des droits de passe, qu'il refusa. Il se tint également éloigné de toutes fonctions publiques sous le gouvernement impérial, préférant une vie paisible et la culture des lettres aux agitations politiques. Cependant, lorsqu'en 1805 il donna une seconde édition de sa tragédie de Rienzi, il eut à subir un exil et la saisie des exemplaires, la police ayant vu une allusion malveillante dans le sujet de cette tragédie. Il put revenir plus tard dans la capitale, et ne fut point atteint par la loi du 12 janvier 1816 contre les régicides, attendu qu'il n'avait ni exercé de fonctions pendant les Cent Jours ni adhéré à l'Acte additionnel.

GUYOT DE FÈRE. Arnault et Jouy, Biographie des Contemporains. Moniteur univ. des années 1792, 93, 94, 95. :

LAIGUE (Étienne DE), sieur De Beauvais en Berry, naturaliste français, natif de Bourges, mort en 1537. Il fut chevalier de l'ordre royal de Saint-Michel et gentilhomme de la chambre de François Ier, auprès duquel il paraît avoir joui d'une assez grande faveur; car il fut employé par lui comme ambassadeur auprès des cours d'Allemagne. On peut croire que son mérite littéraire ne contribua pas peu à le mettre dans les bonnes grâces d'un prince ami des lettres. En effet, contrairement aux habitudes de la noblesse d'alors, de Laigne fut un savant, et ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'il fut savant dans une branche de la science qui n'attirait encore que fort peu les regards, l'histoire naturelle. H débuta par publier: Stephani Aquæi bituricensis in omnes Plinii naturalis historiæ libros Commentarii; Paris, 1530. La Monnaye appelle ce commentaire un « ouvrage d'écolier ».

Traité singulier des tortues, escargotz, grenouilles et artichaux; Lyon, sans date et Paris, 1530;

Les Commentaires de Jules César de la guerre des Romains et autres expéditions par lui faites ès Gaules et en Afrique; Paris, 1531, in-fol.; réimprimés vingt ans plus tard. Malgré son emploi à la cour, de Laigue, par le choix et le sujet de ses études, semble avoir été un gentilhomme campagnard, et il, a dû passer une partie de sa vie dans la province. Suivant les uns, il mourut en 1533, selon d'autres en 1537. H. B.

La Croix du Maine, Biblioth. française. — P. Hardouin, Commentaires sur Pline. Jolly, Remarques critiq. sur le Dict. de Bayle. -B. de La Monnoye, Remarques sur la Bibl. de La Croix du Maine. - La Thaumassière, Histoire de Berry.

LAIGUE (Antoine-Louis DE), généalogiste français, parent du précédent, né en 1765. Il occupa pendant de longues années l'emploi de chef des archives au ministère de la justice. Il a publié : Les Familles françaises considérées sous le rapport de leurs prérogatives honorifiques héréditaires, ou recherches historiques sur l'origine de la noblesse, les divers moyens dont elle pouvait étre acquise en France,

l'institution des majorats, etc.; Paris, 1815 et 1818, in-8°. K.

Quérard, La France Ltttéraire.

LAINATI (Marco), peintre de l'école de Parme, né à Plaisance, vécut en 1777. C'est par erreur que plusieurs auteurs le font naître à Carpi, où il mourut d'hydropisie. Élève assez médiocre du peintre français Louis de La Forest, il a laissé à Carpi d'assez nombreux ouvrages, dont les principaux sont : Sainte Lucie et plusieurs martyrs franciscains à S.-Francisco, et Saint Omabon à l'église delle Grazie, pour laquelle il avait peint un autre tableau, représentant les Sept Fondateurs de l'ordre des Servites, tableau qui se trouve aujourd'hui dans la maison du chapelain attenant à l'église.

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LAINE (Joseph-Henri-Joachim, vicomte), homme politique français, né à Bordeaux, le 11 novembre 1767, mort à Paris, le 17 décembre 1835. Reçu avocat en 1789, il embrassa avec chaleur les principes de la révolution. Nommé administrateur du district de La Réole en 1793, il y rendit de grands services comme chargé de la partie des subsistances. Des intérêts de famille le conduisirent à Saint-Domingue, où il aida de sa parole et de son épée ceux qui voulaient sauver la colonie, et fut blessé d'un coup de sabre, dans le tumulte d'une assemblée, en débarquant au Cap. Lorsque tout espoir fut perdu, il revint en France. A la fin de 1795 il fut élu membre de l'administration départementale de la Gironde; il apporta dans ces fonctions tous les adoucissements qu'il put aux mesures de rigueur prescrites contre les parents d'émigrés et les prêtres réfractaires, et donna sa démission au bout de trois mois. Il reprit alors ses travaux d'avocat, marqués pendant douze ans par de grands succès, et il en consacra le produit à soutenir la famille de son frère aîné, ruiné dans le commerce. En 1808, Lainé, présenté comme candidat au corps législatif, fut choisi par le sénat. Dans la discussion du Code Pénal, il demanda la formation du comité secret : il voulait y combattre le principe de la confiscation; mais il ne put réunir le nombre de signatures nécessaire. Le comité secret n'eut pas lieu, mais l'auteur de la proposition reçut la croix d'Honneur. La fermeté de Lainé reparut plus vive à la fin de 1813. L'invasion du territoire français par les armées étrangères nécessitait de nouveaux sacrifices: il fallait de nouvelles levées d'hommes et d'argent. Par ordre de Napoléon, le sénat et le corps législatif nommèrent deux commissions chargées de prendre connaissance des documents relatifs aux négociations avec les puissances coalisées. La commission du corps législatif était composée de Raynouard, Gallois, Flaugergues, Lainé et Maine de Biran. Président et rapporteur de cette commission, Lainé lut en co

mité secret, le 28 décembre, le travail approuvé par ses collègues. Il y exprimait le vœu de tout l'empire pour une paix honorable et durable, et ajoutait que << les moyens de paix auraient des effets assurés si les Français étaient convaincus que leur sang ne serait versé que pour défendre une patrie et des lois protectrices; que Sa Majesté devait être suppliée de maintenir l'entière et constante exécution des lois qui garantissent aux Français les droits de la liberté, de la sûreté, de la propriété, et à la nation le libre exercice de ses droits politiques. » Ce rapport, dont le corps législatif vota l'impression, fut assez mal reçu. Le ministre de la police, Savary, en fit enlever les épreuves. Un décret du 31 décembre ajourna le corps législatif; les portes de la salle furent fermées. Napoléon traita les membres de la commission législative d'agents payés par l'Angleterre. « Le nommé Lainé, disait-il, est un traître, qui correspond avec le prince régent par l'intermédiaire de Desèze. Raynouard, Maine de Biran et Flaugergues sont des factieux. » Il qualifiait le rapport de la commission de motion sortie d'un club de jacobins, et il ajoutait : «< Voudrait-on rétablir la souveraineté du peuple? Eh bien, dans ce cas je me fais peuple, car je prétends être toujours là où réside la souveraineté. » Ce fut surtout à la réception du premier jour de l'an 1814 que l'empereur s'abandonna à la fougue de sa colère. La session étant close ainsi au moinent même où elle venait de s'ouvrir, Lainé se retira à Bordeaux: Quoiqu'il n'eût point pris part au mouvement qui ouvrit les portes de cette ville au duc d'Angoulême, le 12 mars, il fut nommé par ce prince préfet provisoire de la Gironde. Le corps législatif ayant été rappelé par Louis XVIII sous le nom de chambre des députés, Lainé revint à Paris, et fut nommé président de cette assemblée par le roi. Dans cette session, il quitta le fauteuil pour parler contre une proposition qui semblait porter atteinte au maintien de l'aliénation des biens nationaux. A la nouvelle du débarquement de Napoléon, en 1815, les chambres furent convoquées. La première réunion eut lieu le 11 mars, sous la présidence de Lainé. Dans la séance du 16 il s'écria : « Que les hommes de tous les partis oublient aujourd'hui leurs ressentiments pour ne se souvenir que de leur qualité de Français ! Nous réglerons nos différends après; mais aujourd'hui réunissons nos efforts contre l'ennemi commun. » Il partit pour Bordeaux quelques heures seulement avant l'entrée de Napoléon à Paris. Le 28 mars il lança, au nom de la chambre des députés, une protestation contre la dissolution de cette assemblée et contre tous les actes futurs du gouvernement impérial. Le 2 avril Lainé s'embarqua en même temps que la duchesse d'Angoulême, et se retira en Hollande. De retour à Paris le 10 juillet, après la chute de l'empire, il reprit la présidence de la nouvelle chambre des députés, élue au mois d'août 1815. Ces élections ayant donné une ma

jorité favorable au parti ultra-royaliste, Lainé, attaché aux idées constitutionnelles, eut à soutenir une lutte incessante. I défendit le principe écrit dans la Charte du renouvellement par cinquième tous les ans de la chambre des députés; il demanda l'élection à un seul degré et le cens électoral à 300 fr. Dans cette discussion, un membre de l'extrême droite lui ayant donné un démenti grossier, Lainé quitta sur le champ le fauteuil, et n'y remonta le lendemain que sur une lettre du duc de Richelieu, président du conseil des ministres, qui au nom du roi lui fai sait un devoir de reprendre ses fonctions. Une ordonnance du 21 mars 1816 ayant réorganisé l'Académie Française, Lainé fut appelé à y prendre place.

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Le 7 mai 1816 Lainé reçut le portefeuille du ministère de l'intérieur. Une terrible disette, aggravée par l'occupation étrangère, allait peser sur la France. Des mesures de prévoyance parvinrent, non sans peine, à assurer les approvisionnements. Lainé provoqua l'ordonnance du 5 septembre 1816, qui prononçait la dissolution de la chambre dite introuvable et déclarait qu'aucun article de la Charte ne serait révisé. Dans la discussion du budget de 1817, plusieurs députés siégeant au côté droit réclamèrent la suppression des secours accordés aux réfugiés espagnols désignés sous le nom d'Afrancesados. Lainé combattit cette proposition, et prononça ces généreuses paroles: « Un sentiment plus doux encore que la bienfaisance s'oppose à la radiation d'un article maintenu par l'humanité. Les rois, qu'on a justement comparés à des pères de famille quelquefois irrités, comme eux ferment l'entrée de leur pays à des enfants égarés; au fond du cœur, ils ne sont pas fâchés que des parents ou des voisins recueillent ces fugitifs pour les leur rendre au jour de la miséricorde. Le crédit fut maintenu à la presque unanimité. Une nouvelle loi électorale, soutenue par Lainé, fut adoptée le 5 février 1817; les renouvellements partiels de la chambre des députés chaque année y amenèrent bientôt des forces à l'opposition. Il sortit du ministère le 29 décembre 1818, et remit son portefeuille à M. Decazes (voy. ce nom). La dotation du clergé, la création de nombreux établissements de bienfaisance, l'amélioration du régime des maisons de détention, la reconstitution de l'École Polytechnique et du Conservatoire des Arts et Métiers, la réorganisation des maisons d'éducation des jeunes filles de la Légion d'Honneur, fels furent les principaux actes d'un ministère dont Lainé sortit aussi pauvre qu'il y était entré. Inquiet sans doute pour la monarchie des résultats de la loi électorale qu'il avait présentée et fait adopter, il soutint à la chambre des députés les modifications à cette loi que le marquis Barthélemy avait présentées à la chambre des pairs au commencement de la session de 1819, et qui avaient été acceptées par la chambre haute. Dans la séance du 6 décembre, il réussit

à faire prononcer la nullité de l'élection de l'abbé Grégoire (voy. ce nom), qu'il motivait sur l'indignité de l'élu. Lainé fit un rapport sur les modifications à la loi du 5 février 1817; une longue et orageuse discussion s'ensuivit, et se termina le 12 juin 1820, par l'adoption d'un amendement conciliateur formulé par Boin. Le duc de Richelieu, étant redevenu ministre, fit obtenir le cordon bleu et la présidence du conseil royal de l'instruction publique à Lainé. Réélu député par le département de la Gironde, en novembre 1820, Lainé fut, le 21 décembre, nommé ministre secrétaire d'État sans portefeuille. Il se démit alors de ses fonctions universitaires, et fut pendant toute la session en butte aux proVocations hostiles de l'extrême gauche. Le 14 décembre 1821, un nouveau ministère ayant été formé, il cessa de faire partie du cabinet. Lorsque, en 1823, on discuta la question de l'intervention en Espagne, il se prononça pour la neutralité. Dans la discussion qui aboutit à l'expulsion de Manuel (voy. ce nom), il fit de vains efforts pour faire prévaloir les conseils de la modération.

Élevé, le 23 décembre 1823, à la dignité de pair de France, avec le titre de vicomte, il se montra dans la chambre haute partisan éclairé de la légalité et de la liberté constitutionnelle. Le 5 février 1825, il s'éleva contre un projet de loi tendant à attribuer aux communautés de femmes le droit d'acquérir à un titre quelconque. Dans la discussion sur la piraterie et la baraterie, en 1826, il plaida la cause de l'affranchissement des Grecs avec une éloquence entraînante: « Non, s'écriait-il, on ne saurait s'excuser d'avoir immolé la Grèce en holocauste à la paix de l'Europe... Dans ma douleur, j'embrasse les autels, et y trouvant des pontifes qui n'invoquent qu'à voix basse en faveur des Grecs le Dieu des chrétiens, je m'attache à cette tribune retentissante par de vives prières que je désire voir se convertir en lois dans l'intérêt de l'humanité; je le souhaite surtout pour adoucir, s'il se peut,, à l'égard des gouvernements, le murmure de la conscience du genre humain. » Un amendement fut adopté pour punir comme crime toute complicité avec les oppresseurs de la Grèce. A l'occasion de la pétition du comte de Montlosier (voy. ce nom) contre les jésuites, Lainé réclama l'application des lois qui devaient garantir la société contre les entreprises de cette corporation, alors si remuante. En voyant le système politique suivi par Charles X, Lainé dut peu se faire illusion sur la durée de ce trône légitime qu'il avait tant contribué à restaurer. Après la révolution de Juillet, il prêta serment à la nouvelle dynastie, et conserva son siége au Luxembourg, mais il ne s'y fit plus entendre. Son dernier mot est resté célèbre; à propos des ordonnances de Juillet, il s'écria avec douleur: « Les rois s'en vont»! Il partit pour Bordeaux, et revint dans la capitale quelque temps avant sa mort. Une longue

maladie de poitrine l'emporta; il voulut être enterré comme un pauvre, sans cérémonie, et il repose près de sa mère dans le modeste village où s'écoula son enfance. Il n'avait jamais été marié. « Si Lainé ent toutes les qualités qui font l'homme de bien et le grand citoyen, dit M. Vieillard, il n'eut pas au même degré celles qui font le véritable homme d'État. Il ne connaissait qu'imparfaitement les hommes, et, invariable dans ses principes, il ne le fut pas toujours dans ses opinions. Son éloquence chaleureuse, entraînante, soutenue par la conviction, animée par le sentiment, était quelquefois trop sentencieuse, et paraissait viser à l'effet. Mais rien n'égalait la bienfaisance de son caractère et la simplicité de ses habitudes. Membre du corps législatif sous l'empire, il envoyait son traitement de 10,000 fr. aux indigents de Bordeaux. Ministre de la Restauration, sa noble indigence ne dédaignait pas de recourir à ses collègues pour l'emprunt des riches accessoires d'ameublement qui lui étaient indispensables dans les jours de représentation. Louis XVIII a peint en une seule phrase ce caractère antique lorsqu'il a dit de lui : « Je n'oserais jamais demander une injustice à mon ministre, tant je sais qu'il a l'âme d'un Spartiate. » Quoique membre de l'Académie Française, Lainé n'a rien laissé que ses discours.

L. L-T.

Baron Mounier, Éloge de M. Laine, prononcé à la chambre des pairs, le 4 avril 1836. - Emmanuel Dupaty, Discours de réception à l'Académie Française, le 10 novembre 1836, et la réponse d'Alex. Duval. P.-A. Vielllard, dans l'Encyclop. des Gens du Monde. Châteaubriand, Mém. d'outre-tombe, 6e volume. - De Lamartine, Hist. de la Restauration.

LAINÉ (Étienne), acteur et chanteur français, né à Paris, le 23 mai 1747, mort dans la même ville, le 16 septembre 1822. Son père était jardinier chez M. de Gouve, procureur du roi près la cour des monnaies. C'est à une circonstance assez bizarre qu'il dut de prendre une profession à laquelle il ne paraissait pas destiné. Castil-Blaze la raconte ainsi : «< Berton père, qui était directeur de l'Académie royale de Musique, entend un jour une voix vibrante crier: Ma botte d'asperges! Il se met à sa fenêtre, aperçoit un vigoureux campagnard, bien bâti, de belle figure, et lui fit signe de monter. Tu te fais entendre de loin. Oui, monsieur, et je m'en trouve bien je vends plus que mes camarades. — N'éprouves-tu pas quelque fatigue à crier plus haut qu'eux ? Et Berton fait dire quelques chansons au marchand de légumes; il lui reconnaît une voix de haute-contre franche, énergique et juste; lui propose de le faire entrer à l'Opéra, et lui donne des maîtres, après avoir obtenu le consentement des parents et celui de M. de Gouve, qui voulut aussi contribuer généreusement à la nouvelle fortune du fils de son jardinier. » Le jeune Lainé, admis dans les chœurs en 1774, prit place l'année suivante parmi les acteurs chantants. A la retraite de Legros, en 1783, il devint chef de

| l'emploi de premier ténor, alors appelé hautecontre; et depuis cette époque il n'est presque pas un ouvrage nouveau qui pendant l'espace de trente années ait été représenté à l'Opéra sans que Lainé n'y eût un rôle. Son intelligence théâtrale et la chaleur de son jeu, bien qu'il la poussât quelquefois jusqu'à l'exagération, furent toujours fort utiles aux auteurs. Quant à son chant, la Biographie des Musiciens le compare à « tout ce qu'il y a de plus ridicule, lui refusant toute éducation vocale et ne lui accordant qu'une articulation fort nette du récitatif ». A ce jugement sévère on peut opposer l'opinion de Sacchini, qui « préférait l'âme de feu et la voix pathétique de Lainé à la méthode exquise et aux sons les plus purs des meilleurs chanteurs de concerts »>. Grétry, dans ses Essais sur la Musique, fait aussi le plus grand éloge de Lainé. Lors de la révolution, Lainé se prononça contre les opinions nouvelles, et plusieurs fois son nom fut mis sur des listes de proscription. On ne pouvait lui pardonner la vigueur d'expression qu'il avait donnée à l'air de «< Chantons, célébrons notre reine » à l'une des représentations d'Iphigénie en Aulide à laquelle assistait Marie-Antoinette. Étant en représentations à Marseille, en 1791, on voulut le contraindre à chanter le Çà ira; il s'y refusa. Le tumulte fut porté à son comble, et il ne put échapper que par une fuite précipitée au mauvais parti que voulaient lui faire les agitateurs. En revanche, après le 9 thermidor, il se multipliait pour chanter le Réveil du peuple avec un enthousiasme qui lui valut souvent les applaudissements des réactionnaires. Lainé prit sa retraite le 1er janvier 1812. En 1817 il obtint une place de professeur au Conservatoire de Musique, place qu'il conserva jusqu'à sa mort.

E. DE MANNE. Almanach des Spectacles. Grétry, Essais sur la Musique. Geoffroy, Cours de Littérature dramatique. - Castil-Blaze, Histoire de l'Opéra. Fétis, Biographie des Musiciens.

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*LAINÉ ( Pierre-Jean-Honorat), marin français, neveu du précédent, né le 4 décembre 1796. Entré en 1812 à l'école navale de Brest, il devint élève de marine, et se signala par son courage dans un incendie qui éclata à Smyrne en 1816. Enseigne en 1817, lieutenant de vaisseau en 1821, il fit la campagne de 1823 sur les côtes d'Espagne, et se distingua à l'attaque du fort de San-Petri. Capitaine de vaisseau en 1831, il devint contreamiral le 30 avril 1840, commandant supérieur de la marine à Alger en 1841, préfet maritime à Cherbourg en 1842. De 1843 à 1846 il commanda la station navale du Brésil et de la Plata. Enfin, il fut élevé au grade de vice-amiral le 27 mars 1847. En 1849 il fut nommé représentant à l'Assemblée législative par le département de la Gironde. Il y vota avec la droite, et fit partie de la commission relative au nouveau régime politique des colonies et de la commission chargée d'une enquête parlementaire sur la marine. Après

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