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avec foixante & dix cavaliers, & deux cens archers, & des chevaux pour monter Paul, & partir à trois heures de nuit.

Le tribun craignoit que S. Paul ne fût tué par les Juifs, & qu'on l'accusât de s'être laiffé corrompre. C'est pourquoi il l'envoya à Félix gouverneur de Judée, qui demeuroit à Céfarée, & lui écrivit une lettre, où il marquoit que ce prifonnier étoit citoyen Romain; que les Juifs ne l'accufoient que de questions de leur loi, & que toutefois ils l'avoient voulu tuer. L'ordre du tribun fut exécuté. Les foldats menerent S. Paul de nuit à Antipatride. Le lendemain ils lui laisserent les cavaliers pour l'escorter pendant le reste du chemin, & s'en revinrent au camp à Jérusalem. Les cavaliers étant arrivés à Céfarée, préfenterent S. Paul au gouverneur, & lui donnerent la lettre du tribun Lyfias. Il s'informa de quelle province étoit le prifonnier; on lui dit qu'il étoit de Cilicie. Je vous entendrai, dit-il, quand vos accufateurs feront venus: & il le fit garder dans le palais d'Hérode.

LVI.
S. Paul ac-

A&t. XXIV.

Cinq jours après, le pontife Ananias vint à Céfarée avec quelques fénateurs, & un orateur nommé curé devant Tertullus. Ils fe présenterent au gouverneur. Paul fut cité; & Tertullus déployant fa rhétorique pour fe rendre le juge favorable, commença par un exorde étudié, & dit: La paix que vous nous procurez, & les biens que nous avons reçus par votre fage conduite, attirent de nous, illuftre Félix, des fentimens continuels d'une extrême reconnoiffance. Mais pour nepas vous tenir plus long-tems, je vous prie, ayez la bonté de nous écouter en peu de mots : Nous

avons trouvé cet homme pernicieux, qui excite par tout le monde des féditions entre les Juifs, étant chef de la fecte des Nazaréens, & qui a même voulu profaner le temple. Nous l'avons pris, voulant le juger felon notre loi: mais le tribun Lyfias eft furvenu, & nous l'a enlevé avec une grande violence, nous renvoyant devant vous. Si vous voulez l'interroger, vous pourrez apprendre la vérité de fa bouche. Les Juifs ajouterent, que la chofe étoit comme Tertullus avoit dit. Le gouverneur fit figne à S. Paul de parler, & il dit: Je me défens de bon cœur, fçachant que vous êtes juge de cette nation depuis plufieurs années. Car vous pouvez apprendre qu'il n'y a pas plus de douze jours que je fuis allé à Jérufalem faire mes prieres. J'avoue que je fers Dieu fuivant cette fecte qu'ils traitent d'héréfie, croyant à la loi & aux prophétes, & efpérant la réfurrection des morts. Je fuis venu, après plufieurs années, apporter des aumônes à ma nation, & des offrandes. Ils m'ont trouvé dans le temple purifié, fans difputer avec perfonne, ni affembler le peuple, ni exciter aucun tumulte: & ils ne peuvent rien prouver de ce qu'ils

avancent.

Félix remit à les ouir plus amplement quand le tribun Lyfias feroit venu. Cependant il recommanda S. Paul à un centurion, afin qu'il fût gardé honnêtement, & que les fiens euffent liberté de le fervir. Jofan Quelques jours après il le fit appeller, en présence . Bell. c. 10. de fa femme Drufille, qui étoit Juive, fille du premier roi Agrippa, & fœur du jeune qui vivoit alors. Il l'avoit mariée à Aziz, roi d'Emefe, qui avoit bien voulu fe faire circoncire. Félix, gouverneur de Judée,

tiq. c. s.

l'ayant vue, en devint amoureux: car elle étoit d'une beauté finguliere. Il employa auprès d'elle un Juif de Chipre, nommé Simon, qui faifoit le magicien, & qui lui perfuada de quitter le roi Aziz, & d'époufer Félix. Elle y confentit, pour fe délivrer de fa fœur Bérénice, qui étoit jalouse de sa beauté; & au mépris de fa religion & de fon rang, elle épousa Félix, païen, & de baffe naissance. Car il avoit été esclave, & s'étoit élevé par la faveur de Pallas fon frere, affranchi de l'empereur Claude. S. Paul étant donc en fa présence, lui expliqua la doctrine de Jefus-Chrift; mais comme il parla de la justice, de la chasteté, & du jugement futur, Félix fut épouvanté, & le remit à une autre fois. Il le faifoit ainsi venir fouvent pour lui parler, espérant aussi d'en tirer de l'argent, peut-être parce qu'il fçavoit que S. Paul avoit apporté des fommes considérables pour les aumônes. Le tems de fon gouvernement étant fini, on AƐ. xxiv. 27. envoya pour lui fuccéder Portius Feftus; & il laiffa S. Paul en prifon, pour faire plaifir aux Juifs. Ce qui Jos. xx. ann'empêcha pas les principaux de Céfarée d'aller à Ro- tiq. c. 7. me l'accufer, & ce ne fut que par la faveur de Pallas fon frere, qu'il évita la peine des maux qu'il avoit faits aux Juifs. Car il étoit cruel & débauché, comme font fouvent les gens de fortune.

Tacit. XII.

annal.
Suet. Clau-
de. c. 28.

LVII.
S. Paul de-

Festus étant arrivé dans la province à Céfarée, alla trois jours après à Jérufalem, où les chefs des facri- vant Feftus. ficateurs, & les premiers des Juifs, le vinrent follici-Att. xxv. ter contre S. Paul. Feftus leur répondit, que ce n'étoit pas la coutume des Romains de condamner quelqu'un, fans que ses accufateurs fuffent préfens, & qu'il eût la liberté de fe défendre. Ils lui demanderent en grace,

de le faire amener à Jérusalem, espérant de le tuer par le chemin. Feftus répondit qu'on le gardoit à Céfarée, & qu'ils y vinffent l'accufer. Après avoir demeuré huit ou dix jours avec eux, il retourna à Céfarée. Le lendemain, fans différer, il s'affit fur fon tribunal, & fit amener S. Paul. Les Juifs qui étoient venus de Jérufalem, propofoient contre lui de grandes accufations qu'ils ne pouvoient prouver, & S. Paul fe défendoit en difant qu'il n'avoit rien fait contre la loi des Juifs, ni contre le temple, ni contre l'empereur. Feftus defirant favorifer les Juifs, lui dit : Voulez-vous aller à Jérusalem, & que je vous y juge? Paul répondit: Je suis devant le tribunal de Céfar, j'y dois être jugé. Je n'ai point fait de tort aux Juifs: on ne peut me livrer à eux. J'appelle à César. Festus ayant pris l'avis de fon confeil, ordonna qu'il iroit à Céfar, Aug. epift. puifqu'il y avoit appellé. Ainfi S. Paul ne fit point de difficulté d'implorer la puiffance féculiere, même d'un empereur païen, pour fauver sa vie, fi importante à l'églife.

50. ad Bonif.

n. 28.

Att. xxv. 13.

tiq. c. 5.

Quelques jours après, Feftus reçut une visite du Jof. xx. an. roi Agrippa, & de Bérénice fa fœur. Elle avoit épousé Hérode, roi de Calcide fon oncle, & demeura quelque tems veuve, en mauvaise réputation d'une habitude criminelle avec le jeune Agrippa son frere. Afin de fe juftifier, elle fe voulut remarier, & perfuada à Polémon, roi de Cilicie, de fe faire circoncire pour l'époufer. Il le fit, attiré principalement par les richeffes de Bérénice. Mais ils ne demeurerent pas long-tems enfemble; & quand elle eut quitté Polémon, il quitta auffi la religion judaïque. Telle étoit Bérénice, qui vint à Césarée avec Agrippa, rendre visite à Festus.

Ils y demeurerent quelque tems: & Feftus parla au 48. xxv. 14roi de Paul, que Félix avoit laissé prifonnier, & que les Juifs accufoient, comme s'il n'eût pas été digne de vivre. Toutefois, dit Feftus, quand ils ont été en préfence, ils ne l'ont accufé d'aucun des crimes que je foupçonnois: mais feulement ils propofoient contre lui des questions de leur religion, & parloient d'un certain JESUS mort, que Paul affuroit être vivant. Je voudrois bien, dit le Roi Agrippa, entendre cet homme. Vous l'entendrez demain, dit Feftus.

A&t. xxv. 23.

Le lendemain, Agrippa & Bérénice vinrent avec grand appareil à l'auditoire de Feftus, où se trouverent auffi les tribuns & les principaux de la ville. On fit venir S. Paul; & Feftus dit: J'ai ordonné que cet homme feroit envoyé à l'empereur, parce qu'il a appellé; mais je n'ai rien de certain à en écrire. C'est pourquoi je l'ai fait venir, afin que vous l'entendiez, vous principalement, roi Agrippa; car il ne me paroît pas raisonnable d'envoyer un prifonnier, fans écrire de quoi il eft accufé. En effet, c'étoit la coutume des gouverneurs Romains, d'écrire à l'empereur L. un. ff. de li le fujet des caufes ou le crime des prifonniers qu'ils leur renvoyoient.

bel. dimiff.

Le roi Agrippa dit à S. Paul: On vous permet de A. xxvI. parler pour vous. S. Paul étendant la main, commença ainfi: Je m'eftime heureux, roi Agrippa, d'avoir à me défendre devant vous, qui fçavez toutes les coutumes & les questions des Juifs. Enfuite il dit, comme il avoit toujours fuivi la doctrine des Pharifiens., & la foi de la réfurrection: Qu'il avoit été le plus zélé contre le nom de JESUS de Nazareth, & fes difciples. Il raconte fa conversion, & fa prédication;

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