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XVII. Converfion du centenier

Cependant S. Pierre étoit toujours à Joppé, logé chez Simon le corroyeur. Un jour il monta au haut de la maison pour prier à l'heure de fexte, c'eft-à- Corneille. dire à midi, tandis qu'on lui préparoit à manger. Il 4.x. 9. fut ravi en extafe, & eut une vifion, où il lui fut commandé de manger indifféremment de toutes fortes de viandes, fans diftinguer les animaux immondes marqués par la loi. Comme il fongeoit à ce que fignifioit cette vision, l'efprit de Dieu lui dit: Voilà trois hommes qui te cherchent, va avec eux fans hésiter. En effet dans le moment arriverent trois hommes envoyés par un Romain nommé Corneille, centurion d'une cohorte, qui demeuroit à Céfarée. Il craignoit Dieu, faifoit de grandes aumônes, & étoit toujours en prieres. Un ange lui apparut, & lui ordonna d'envoyer querir Simon - Pierre à Joppé.

S. Pierre fe mit en chemin avec fix des freres, & fuivit les gens de Corneille, qui de fon côté l'attendoit, avec fes parens & fes amis affemblés. S. Pierre leur dit: Vous fçavez l'horreur qu'ont les Juifs d'entrer chez un étranger: mais Dieu m'a fait connoître qu'il ne faut tenir perfonne pour immonde. Je demande donc pourquoi vous m'avez fait venir. Corneille lui raconta fa vifion, & S. Pierre commença à les inftruire du myftere de Jefus - Christ, rendant témoignage de fa résurrection. Il parloit encore, quand le faint Efprit tomba fur tous ceux qui l'écoutoient; enforte qu'ils parloient diverfes langues, & glorifioient Dieu. Les fidéles circoncis qui étoient venus avec S. Pierre, furent furpris de voir la grace du S. Efprit répandue fur les Gentils : & S. Pierre dit: Peut-on refufer l'eau à ces gens, qui ont reçû le faint

Efprit comme nous? & il les fit baptifer. Tel fut le commencement de la converfion des Gentils; & on dit que Corneille fut depuis évêque de Céfarée, qui Jof. 111. bel étoit alors la plus grande ville de Judée, & dont la plupart des habitans étoient Grecs.

c. 28. p. 854.

C.

8.

'A&t. XI. S. Pierre étant retourné à Jérusalem, les fidéles

A. xx. 16.

circoncis eurent avec lui quelque contestation fur ce fujet, lui demandant pourquoi il étoit entré chez Epiph.hær.2、 des incirconcis, & avoit mangé avec eux. On dit que Cérinthe l'hérefiarque étoit le principal auteur de cette difpute. S. Pierre leur raconta tout ce qui s'étoit paffé, & comme le S. Efprit étoit tombé fur Corneille & fa compagnie, tandis qu'il leur parloit, Alors, dit-il, je me fuis ressouvenu de cette parole Aft. 1. 5. du Seigneur: Jean a baptifé d'eau, mais vous ferez baptifes du S. Efprit. Si donc Dieu leur a fait la même grace qu'à vous; qui étois-je pour l'empêcher? Les fidéles ayant oui ces paroles, fe turent & glorifierent Dieu, disant avec étonnement: Quoi donc, Dieu a auffi accordé aux Gentils la pénitence pour la vie éternelle ! Ceux qui avoient été difperfés à la Aft. 11. 19. mort de S. Etienne allerent jufques à Antioche, Il y avoit entr'eux des Cypriens & des Cyrénéens, qui parlerent aux Hellénistes, & leur annoncerent JefusChrist, & il s'en convertit un grand nombre,

XVIII. Caligula veut être adoré des Juifs.

A Jamnia ville maritime de Palestine près de Joppé, il y avoit des étrangers mêlés avec les Juifs: qui ayant appris que l'empereur Caligula avoit la folle paffion de fe faire adorer comme un dieu, drefferent en fon honneur un autel de terre, pour faire dépit aux Juifs. Phil. de leg.p. Les Juifs renverferent auffi-tôt cet autel, comme une profanation de la terre sainte; & leurs ennemis

1021.

s'en

s'en plaignirent à Capiton receveur des impôts, qui en écrivit à l'empereur, exagérant la chofe, tant pour prévenir les accufations qu'il craignoit, à cause de fes concuffions, que pour en prendre occafion de piller les Juifs de nouveau. L'empereur ayant reçû p. 1016. 3. cet avis, le communiqua à ses domestiques les plus familiers, entr'autres à Hélicon & à Apelles. Celuici, natif d'Afcalon en Palestine, avoit été acteur de tragédie, après avoir fait en fa jeuneffe un métier encore plus infâme. Hélicon étoit un Egyptien d'Alexandrie, qui étant efclave, avoit été donné à Tibere: il avoit de l'efprit & de la littérature, étoit boufon & flateur: & comme premier valet de chambre de Caligula, il avoit le plus de commodité de lui parler à toutes heures, & s'appliquoit à lui inspirer la haine des Juifs, par des railleries qui fembloient n'avoir pour but, que de divertir ce jeune prince. Caligula pouffé par ces confidens écrivit qu'au lieu de l'autel de terre abbatu à Jamnia, on mît un coloffe doré à Jérusalem dans le temple: & que le gouverneur de Syrie fit venir en Judée la moitié de l'armée qui gardoit les paffages de l'Eufrate, contre les irruptions des rois d'Orient, pour escorter la ftatue, & prê ter main forte à fa confécration.

Jof. XVIII,

Antiq. c. L

Ce gouverneur étoit Pétrone, chevalier Romain, Strab.liv. 17, homme de réputation pour la guerre, que Caligula venoit d'envoyer en Syrie à la place de Vitellius. Ayant reçû cet ordre, il fe mit en devoir de l'exécut ter. Il affembla le plus qu'il put de troupes auxiliaires, avec deux légions Romaines, & vint prendre fon quartier d'hyver à Ptolémaïde, ville maritime entre Tyr & Céfarée. Là plusieurs milliers de Juifs Tome I.

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Bell. 11. 9.

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vinrent le trouver, & le fupplierent de ne les forcer à rien de contraire à leurs loix; ou s'il avoit absolument réfolu d'ériger la ftatue, de les faire mourir auparavant. Pétrone en colere leur dit : Si j'étois l'empereur, & fi j'agiffois de mon mouvement Vous auriez raifon de me parler ainfi; mais j'ai un ordre de Céfar, à qui on ne défobéit pas impunément. Les Juifs répondirent: Comme vous êtes réfolu de ne point manquer aux ordres de l'empereur, nous fommes auffi réfolus de ne point violer notre loi. Nous nous confions en la puissance de notre Dieu, & nous ne ferons pas fi malheureux, que la crainte de la mort nous fasse tomber dans fa difgrace. Vous voyez bien vous-même qu'il doit être préféré à Caïus.

Pétrone ayant compris par ces difcours qu'il feroit difficile de leur faire changer de fentimens, & d'ériger la ftatue, fans répandre bien du fang, prit fes amis & fes domestiques, & alla de Ptolémaïde à Tibériade fur le lac de Galilée, pour obferver les Juifs de plus près. Cependant il faifoit travailler à la ftatue à Sidon, où il avoit fait venir les ouvriers les plus excellens. Grand nombre de Juifs vinrent encore le trouver à Tibériade, & le supplierent de ne les pas réduire au désespoir, en profanant leur ville par une ftatue. Pétrone leur dit: Ferez-vous donc la guerre à Céfar, fans confidérer fa puiffance, ni votre foibleffe? Les Juifs répondirent: Non, nous ne lui ferons point la guerre, mais nous mourrons plûtôt que de violer nos loix : & fe couchant fur le visage, ils découvroient leur col comme prêts à fe faire égorger. Cela dura quarante jours, pendant le tems des femailles, & ils négligeoient leurs travaux. Alors

Ariftobule, frere du Roi Agrippa, & plufieurs autres des premiers de la nation, exhorterent Pétrone à ne pas pouffer ce peuple à l'extrémité.

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Il fuivit leur confeil, retira ses troupes de Ptolé- Jofeph. 11. maïde, & retourna à Antioche, d'où il écrivit à l'em- Bell. c. 17. pereur: Que s'il ne vouloit perdre le pays & les habitans, il ne falloit pas presser l'exécution de fes ordres: qu'il falloit du tems aux ouvriers pour achever Phil. leg. P. la ftatue, parce que l'on vouloit faire un ouvrage immortel, qui ne cédât en rien aux plus fameux originaux : que si on mettoit les Juifs au désespoir, fi il étoit à craindre qu'ils n'abandonnassent la culture des terres, & ne brûlaffent eux-mêmes leurs arbres & leurs moiffons. Or il y avoit une raison particuliere de conferver les fruits de cette année, parce que l'empereur devoit venir à Alexandrie par la Syrie. Caligula ne goûta point cette lettre, & fed. p. 1018, mit en grande colere contre Pétrone; mais il dissimula, parce qu'il craignoit les gouverneurs des grandes provinces, principalement ceux qui commandoient des armées, comme il y en avoit en Syrie vers l'Eufrate. Il écrivit donc à Pétrone, loüant fa prudence, & toutefois lui ordonnant que fon plus grand foin fût de faire promptement poser la statue. Cependant les Juifs d'Alexandrie avoient envoyé des députés à Rome, pour se plaindre des mauvais des Juifs d'Atraitemens qu'ils avoient foufferts. Les députés étoient cinq, & avoient pour chef Philon, fçavant même Antiq. c. 10, dans les livres des Grecs, & dans leur philofophie. Les Grecs d'Alexandrie envoyerent auffi des députés, dont le chef étoit Appion, grammairien, grand ennemi des Juifs. Il les chargeoit de plufieurs calomnies,

XIX. Députation

lexandrie.

Jof. xvIII.

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