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mais comme il vit que leurs raisons n'étoient pas méprisables, avant qu'ils en diffent de plus fortes, il s'enfonça en courant dans une grande fale, & commanda d'y mettre des vitres aux fenêtres. Puis il revint doucement, & leur demanda ce qu'ils difoient. Ils réduifoient leurs difcours en abrégé, quand il fe mit à courir dans une autre fale, où il faifoit placer des tableaux originaux. Enfin témoignant avoir pitié d'eux, il dit: Ces gens ne me paroiffent pas fi méchans que malheureux, de ne fe pouvoir perfuader que je participe à la nature divine. Il s'en alla, & leur ordonna de fe retirer. C'est ainfi que l'empereur Jof. XVIII. Caligula traita les députés des Juifs. Philon, pour les Antiq.c.10. confoler, leur difoit: Prenons courage, puifque Caïus nous témoigne tant de colere par fes paroles, Dieu nous défendra par les effets.

XX. Juifs mal

traités chez les

Parches. ibid. c. 10. p.

644

Dans ce même tems les Juifs étoient maltraités auffi chez les Parthes, en Mésopotamie, & vers Babylone; & ils y furent tués en plus grand nombre, qu'en aucune occafion dont on eût encore oui parler. Il y avoit quantité de Juifs à Nifibe & à Naharda fur l'Eufrate, deux villes fortes où fe mettoit en dépôt tout l'argent que les Juifs du pays envoyoient à Jérufalem. Deux Juifs de Naharda, Afinée & Anilée freres, s'étant mis à piller avec une troupe de volon taires, fe rendirent fi redoutables, que leur réputation alla jusques à Artaban, roi des Parthes : il les voulut voir, & donna à Afinée le gouvernement de ibid. p. 6474 la province de Babylone, dont il jouit quinze ans avec un pouvoir abfolu dans toute la Méfopotamie. Son frere Anilée fuccéda à fa puissance; mais il ne la fçut pas conferver; & s'étant rendu odieux, les Tome I.

F

XXI. Mort de Caligula. Claude Empereur.

Babyloniens le furprirent de nuit, le tuerent, & défirent toutes fes troupes. Délivrés de cet obftacle, ils firent éclater librement leur haine ancienne con-tre les Juifs, fondée fur l'oppofition de leurs moeurs.

Ils fe jetterent donc fur les Juifs, qui n'étant pas affez forts pour leur réfifter, ni affez patiens pour fouffrir leurs infultes, pafferent à Séleucie, où leur nombre s'accrut quelque tems après, de ceux qu'une pefte chafla de Babylone. Séleucie étoit la ville la plus confidérable du pays, fondée par Séleucus Nica-nor, habitée par des Grecs en grand nombre, & des Syriens. Ces deux nations étoient toujours oppofées, & les Grecs étoient les plus forts: mais alors les Syriens, foutenus par les Juifs, prirent le deffus. Les Grecs chercherent à les divifer, & s'étant réunis eux-mêmes, avec les Syriens, ils fe jetterent tout d'un coup fur les Juifs, & en tuerent plus de cinquante mille. Les amis & les voifins en fauverent par pitié quelques-uns, qui fe retirerent à Ctéfiphon, ville grecque, voifine de Séleucie, croyant y être plus en fureté, par le refpect du roi des Parthes, qui avoit accoutumé d'y paffer l'hyver. Cependant tous les Juifs des environs étoient dans des allarmes continuelles, puifque tous les Syriens, c'est-à-dire tous les naturels du pays, confpiroient à leur ruine avec les Séleuciens. C'eft l'état où fe trouvoient les Juifs dans cette partie de l'orient, & la vengeance divine commençoit à éclater contre eux de toutes parts.

par

L'empereur Caligula s'étant rendu infupportable fes cruautés & fes extravagances, fut tué le 24 Suet. in Caio. jour de javier, l'an 41 de Jefus - Chrift. Il étoit dans la vingt-neuviéme année de fon âge, & la quatriéme

c. 18,

coups;

tiq. c. 1. 2.

de fon regne, ayant commandé pendant trois ans & Jof. xxx. Andix mois. Ce fut Caffius Cherea, tribun des foldats prétoriens, c'est-à-dire de fes gardes, qui le prit dans un passage souterrain comme il regardoit de jeunes gens destinés au théâtre. On le perça de trente fa femme Céfonia fut tuée par un centurion d'un coup d'épée au travers du corps, & fa fille, encore enfant, écrafée contre une muraille. Sa mémoire fut condamnée comme d'un tyran. A fa place fut reconnu empereur fon oncle Tibérius Claudius Drufus Germanicus, fils de Drufus, fils de l'impératrice Livia. Il étoit âgé de cinquante ans, & en regna treize. Il avoit de l'étude, & de bonnes inclinations; mais il étoit abftrait & indifférent jusques à l'insensibilité : fes femmes & fes affranchis le gouvernoient. Ce ne fut fans difficulté qu'il fut reconnu empereur: le fénat vouloit rétablir l'ancienne liberté: & le roi Agrippa, qui fe trouvoit alors à Rome, rendit à Claude quelque fervice en cette occafion. Auffi dès qu'il fut empereur, il lui confirma le royaume que Caligula lui avoit donné, y ajoutant tout ce qui avoit été fous l'obéiffance d'Hérode son aïeul c'est-à-dire la Judée & la Samarie, comme un bien de fa famille. Il lui donna auffi les honneurs confu- Dio: lib. 60; laires : & à fon frere Hérode la dignité de préteur, P. 770; & le royaume de Calcidie, en Syrie; cet Hérode

pas

époufa Bérénice fa niéce, fille d'Agrippa.

Jof. xix. antiq. c. 2. 3.

Jof. xix. and

XXII.

traités.

Les Juifs, d'Alexandrie prirent courage à la mort de Caligula. On dit que Philon, le chef de leurs dé-Juifs mieux putés, lut à Rome, en plein fénat, la relation qu'il avoit faite de fa députation & des folies de Caïus: & Euf. 11. hift qu'il en acquit tant d'eftime, que fes ouvrages furent “ 17.

C.

tiq. c. 4.

Jof. xix. an- mis dans les bibliothéques. A Alexandrie ils fe releverent tellement, qu'ils en vinrent aux armes avec les payens. L'empereur écrivit au gouverneur d'Egypte d'arrêter la fédition; & à la priere d'Agrippa & d'Hérode il envoya un édit, par lequel il reconnoiffoit que les Juifs d'Alexandrie y avoient dès le commencement droit de citoyens: qu'il leur avoit été confervé depuis la réunion de l'Egypte à l'empire Romain, aussi-bien que le droit d'élire un ethnarque ou chef de leur nation, & n'avoient été troublés en ces droits qu'à l'occasion de la folie de Caïus, qui se vouloit faire reconnoître dieu. C'eft pourquoi il ordonnoit qu'ils fuffent maintenus dans leurs anciens priviléges. Il envoya un autre édit par tout l'empire, portant que même dans les villes grecques il leur fût permis d'obferver les coutumes de leurs ancêtres; les avertiffant toutefois qu'ils fuffent contens de cette grace, fans mépriser les religions des autres. L'emDio. lib. 60. pereur Claude ne donna pas tant de liberté aux Juifs de Rome, qui étoient en très grand nombre; il ne leur permit point de s'affembler, & diffipa les affemblées établies fous Caligula; jusques - là qu'il ruina les cabarets.

p. 768. E.

lof. XIX. an siq. c. St

Il renvoya le Roi Agrippa avec honneur dans fon royaume, & ce roi s'y rendit en diligence. Sitôt qu'il fut arrivé à Jérusalem, il s'aquitta des facrifices qu'il avoit voués, & ordonna à plusieurs Nazaréens de couper leurs cheveux. Il fit pendre dans le temple la chaîne d'or que Caligula lui avoit donnée, du même poids que fa chaîne de fer. Il ôta la charge de fouverain pontife à Théophile, fils d'Ananus, & mit à fa place Simon, furnommé Canthéra, fils de Boëthus.

Sa réfidence étoit à Jérusalem ;"& pour s'y faire aimer du peuple, il leur remit le tribut que payoit chaque Jof. in app. maison. Il observoit exactement les purifications de p. 1067. B. la loi, & ne manquoit point de facrifier tous les

jours.

c. S.

A Dora, ville de Phénicie, près du mont Carmel, Jof. xxx.ant. quelques jeunes étourdis mirent une statue de Céfar dans la fynagogue des Juifs. Agrippa alla auffitôt trouver Pétrone, gouverneur de Syrie, & fe plaignit à lui de cette infolence. Pétrone écrivit aux ma- ibid. c. 6. giftrats de Dora de lui envoyer les coupables, & de prendre garde qu'il n'arrivât à l'avenir aucun trouble: Car, dit-il, le roi Agrippa & moi, n'avons point de plus grand foin que d'ôter aux, Juifs les occafions de s'affembler & de s'emporter, fous prétexte de se défendre. Marsus succéda peu de tems après à Pétrone dans le gouvernement de Syrie. Le roi Agrippa ôta le facerdoce à Simon Canthéra, & le voulut rendre à Jonathas, fils d'Ananus; mais celui-ci le remercia, & le pria de le donner plutôt à fon frere Matthias, qu'il en jugeoit plus digne: le roi fuivit fon confeil, & donna le facerdoce à Matthias.

XXIII.

Progrès de

Chrétiens.

Cependant le nombre des difciples de Jesus-Christ croiffoit toujours; & ceux de Jérufalem ayant appris Evangile. qu'il s'en étoit fait un grand nombre à Antioche, y envoyerent Barnabé, qui y étant arrivé, se réjouit 4. x1. 21¢ de la grace que Dieu leur avoit faite, & les exhorta à perfévérer. Il s'en convertit encore une grande quantité. Barnabé alla à Tarfe chercher Saul, & l'ayant trouvé, le mena à Antioche. Ils y demeurerent un an entier, & inftruifirent un grand nombre de perfonnes; enforte que ce fut à Antioche que Poly

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