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qu'ils profeffaffent la Religion Chrétienne. Ils me répondirent qu'ils avoient une idole penduë à un arbre dans le bois (comme les Samoiedes en ont encore aujourd'hui proche d'Archangel) devant laquelle ils fe profternoient auffi fouvent que cela leur venoit en penfée, qu'ils levoient alors les ieux en haut, & pouffoient de grands cris. Mais leur ayant demandé ce qu'ils fe propofoient dans ce bruit, je n'en pus tirer d'autre réponse, finon que chacun crioit à fa fantaisie. Je leur demandai auffi quel deffein ils avoient en levant ainfi les ieux au ciel, & s'ils favoient qu'il y a là un Dieu qui voit tout & qui connoît toutes les actions, & les pensées les plus cachées des hommes; mais ils me repondirent à cela, que le ciel étoit trop élevé au def fus d'eux, pour qu'ils puffent favoir s'il y a un Dieu ou non, & que dans leur condition ils bornoient toutes leurs penfées à contenter leur appetit. Je leur fis cette autre que ftion: S'ils ne fe trouvoient pas plus de contentement & de fatisfaction à adorer le vrai Dieu vivant, qu'ils n'en trouvoient à être plongés dans

,

les tenebres de l'idolâtrie ? A quoi ils me dirent qu'ils n'y voyoient pas grande difference & qu'ils ne fe caffoient pas la tête à toutes ces réflexions; mais qu'ils étoient contens, pourvû qu'ils euffent de quoi vivre. Nous partîmes de cet endroit & après 40 verftes, nous trouvâmes le Village de Caraul.

Le 20 nous arrivâmes à Vergotur qui en eft éloigné de 45 verstes. Cette Ville eft affés grande, & la plupart de fes habitans font Marchands. Elle eft auffi un peu mieux fortifiée que les autres Villes, parce que c'est un grand paffage, où tous les voyageurs s'arrêtent en allant, & en revenant de Siberie, & on les y obferve de près. L'après-diné nous gagnâmes le Village de Solda 26 verftes, & la nuit nous en fîmes 46 pour aller à celui de Maknono-jam.

Le 21 nous voyageâmes pendant 45 verftes dans un petit defert plein de martes, de fouines & de renards. rouges; & après avoir fait repofer nos chevaux dans une de ces habitations d'hiver, nous fîmes encore autant de chemin jufqu'à la Slabode de Blagoweschenska, où nous

nous rendîmes le 22 au matin.

Le lendemain nous allâmes à Jappantzin, petite Ville qu'on appelle auffi Turinska-Oftrog du nom de la riviere Tura qui la traverse. Elle n'eft confiderable que par la grande quantité de fourures qu'on y apporte tous les ans des endroits qui en dépendent. Nous allâmes paffer la nuit à Camminona Village à 30 verftes plus loin. Le 23 nous arrivâmes à celui de Tolkma, 40 verftes ; nous paffâmes le Tura qui fe perd dans le Tobol, & nous demeurâmes cette nuit à Kamenka Village éloigné de 20 verftes.

Le 24, après un chemin de 20 autres verftes, nous nous trouvâmes à Tumen, & nous couchâmes au Village d'Iska après en avoir fait 30 autres. Le 25 nous paffâmes dans un Bourg ou Slabode, à 30 verftes,. appellé Archereska Pokrofska, puis à Berefowa - jam 40 verftes au-delà, & enfuite au Village Seheslaki 30 autres verftes. Le 26 à celui de Sebiskina 33 verftes, & le 27 nous arrivâmes à Tobol, après 7 verftes de chemin.

Tobol Capitale de la Siberie, eft

fituée fur une haute montagne. Elle a été depuis peu entourée d'une forte muraille de pierre, dans l'enceinte de laquelle il y a un beau monaftere & une Eglife, outre plufieurs autres qui font en dehors, qui lui donnent de loin un afpect charmant. L'Irtifeh paffe au pied de cette montagne, il a fa fource du côté du Midi dans le pays des Calmuques, & coule à travers une terre marécageufe, ce qui rend fon eau fi bourbeufe que, quand on en laiffe quelque tems dans un vafe, il refte un fediment au fond. Il y a le long de cette riviere, au bas de la montagne, une belle & grande Bourgade, dont la plus grande partie, des habitans font Cofaques, & où il arrive des incendies prefque tous les ans. A 3 verftes de cette Ville le Tobol fe jette dans l'Irtifeh, qui prend enfuite fon cours vers l'Occident, & le NordOueft, & fe décharge enfin dans l'Oby. On prend dans l'Irtifeh des fterlets, des brochets, des étur& d'autres poiffons parmi lefquels les fterlets peuvent paffer pour les meilleurs, quoiqu'ils foient infiniment au-deffous de ceux qu'on

geons,

pêche dans l'oby, le Keth, & la Jeniscey.

Le 8 Février nous continuâmes notre voyage par eau für l'Irtiseh, & nous arrivâmes le 16 à Tara, Ville que les habitans prétendent n'être éloignée de Tobol que de 600 verftes; mais, fi l'on en mefuroir exactement la diftance, on trouveroit qu'il y en a 1000 & davantage. Elle eft fur une petite riviere de même nom, qui à une demi-verste de là fe perd dans l'Irtiseh. Elle eft d'une grandeur mediocre, & revêtuë de paliffades.

Entre ces deux Villes, on trouve des Tartares Mahometans qui habitent fur les bords de l'Irrifeh. Ils font à leur aife felon leur maniere de vivre. Leurs richeffes ne confiftent

pas en argent, dont ils font peu de cas, mais en bons chevaux, en bétail noir, & en brebis, enforte qu'on entre rarement dans une Gurte ou chambre de Tartare fans y trouver au moins trois veaux attachés derriere la cheminée. Mais ce qu'il y a de défagreable pour les voyageurs, c'eft qu'ils n'en veulent pas vendre par fuperftition, s'imaginant que les

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