Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

comme il le jugeroit à propos; mais Kamhi qui étoit le plus jeune, n'ayant encore que 9 ans, fe jetta au pied du lit de fon Pere, & lui dit avec beaucoup de fermeté, & de réfolu» tion: Mon Pere je me crois les » épaules affés fortes pour porter le » fardeau du gouvernement, au cas » que nous ayons le malheur de vous perdre, j'aurai continuellement devant les ieux les exemples de mes Pancêtres, & predeceffeurs, & je tâcherai avec foin de gouverner la Nation de maniere qu'elle ait » tout fujet de fe louer de moi ». Ces paroles firent tant d'impreffion fur l'efprit de l'Empereur, qu'il declara Ice Prince fon fucceffeur, à l'exclufion de fon frere aîné, lui donnant pour tuteurs quatre perfonnes,fur l'avis defquels il devoit gouverner. La premiere année du Regne de Xamhi revient à l'an 1662 de Jefus-Chrift, & à une partie de la precedente. Il commença en 1666 à gouverner par lui-même, & donna dès fes plus tendres années des preuves d'une force extraordinaire de corps & d'efprit. Il s'abftint de vin & de femmes, & cut grand foin de fuir l'oifiveté, &

quoiqu'il ait pris plufieurs femmes, fuivant la coutume du pays, à peine l'a-t-on jamais vû avec elles pendant le jour. Il emploie la matinée, depuis quatre heures jufqu'à midi, à lire les placets, & à expedier les affaires d'Etat, & confacre le reste du jour aux exercices militaires, & aux arts liberaux. Il donne néanmoins la meilleure partie de fon tems à ces derniers. Il a fait de grands progrès dans l'Arithmetique, l'Aftronomie, la Geometrie, la Mufique & les autres fciences par le moyen des inftru&tions des Peres Ferdinand Verbieft Thomas Pereira, & Antoine Thomas Jefuites; enforte qu'il eft en état d'examiner les Chinois fur leurs livres, les Tartares fur les exercices militaires, & les Europeens fur les Mathematiques. Il a eu dès fa jeuneffe beaucoup d'inclination pour la chaffe ; mais dans le commencement de fon Regne, il n'avoit pas le loifir de fortir de Pekin, l'Empire n'étant pas encore alors dans une parfaite tranquillité mais après qu'il eut affoupi trois ou quatre rebellion s il marcha en 1682 avec un équipage de guerre nombreux, ou plutôt avec

armée dans la Tartarie, pour y chaf fer, coutume qu'il a toujours obfervée depuis tous les ans, non pas tant pour fe divertir que pour accoutumer fes Tartares à la fatigue du cheval, à tirer, à camper, & aux autres exercices militaires; & pour les empêcher de devenir effeminés, comme les Chinois. Son bonheur, fa penetration & fon courage ont pa ru dans tout leur luftre dans les plus grandes & les plus dangereufes confpirations qu'il a étouffées, avant qu'elles euffent pû caufer aucun trouble dans l'Empire. On n'a jamais vû 'de Gouverneur, accufé juftement qui ait échappé à la punition qu'il meritoit. Il eft fort humain par rapport au peuple. Il a fouvent remis les taxes à des Provinces entieres dans des tems de difette, & a fait diftribuer de l'argent & du ris, pour la valeur de plufieurs millions, aux plus indigens. Il est également fevere, & liberal envers les foldats. Sa feverité confiste à les employer continuellement à voyager, ou à chaffer; fa liberalité à payer leurs dettes, lorfque leurs appointemens ne fuffifent pas, & à leur faire fouvent prefent

[ocr errors]

d'habits pour l'hiver, outre leur habillement ordinaire. Les Marchands furtout, qui commercent avec les Mofcovites, reçoivent de frequentes marques de fa bonté: car fi quelquefois ils ne font pas en état de faire leurs paiemens aux tenis marqués, il leur fait des avances de fes propres deniers, afin afin que les Mofcovites n'aient pas fujet de fe plaindre du retardement, & que le commerce n'en fouffre point. Comme il étoit très languiffant à Pekin en 1717, & que les Marchands Mofcovites ne trouvoient point à debiter leurs marchandises, il remit à ceux de ses fujets qui commercoient avec eux, les droits qu'on avoit coutume de lever, ce qui diminua cette année - là fes revenus de dix mille onces d'argent.

Il eftime beaucoup les gens de lettres, il a foin néanmoins qu'ils ne foient point à charge au peuple. Tout cela rend fon Regne fi glorieux, que les Chinois, pour le diftinguer des précedens, lui donnent le nom de Teiping, qui signifie grande tranquillité. L'Empereur regnant tant que nous l'avons pû favoir à la Cour, a 19 fils & 12 filles tous ma

au

riés, excepté deux fils, dont l'un a 13 ans, & l'autre 12. Il lui eft mort trois fils, & plufieurs filles. Il a marié plufieurs de fes filles en Tartarie, & entr'autres moyens, il s'eft fervi de celui-là pour attirer les Rois & les Princes Tartares dans fes interêts, & la plupart font effectivement aujourd'hui fes Vaffaux. Il eft furprenant de voir combien il en arrive tous les ans à Pekin au mois de Janvier & de Février, pour complimenter l'Empereur au fujet de la nouvelle année; d'autant plus qu'il y en a qui font obligés de faire pour cela 50 ou 60 jours de marche. Il les reçoit tous avec beaucoup de politeffe, les défraie pendant tout le tems qu'ils demeurent à Pekin, & leur fait prefent de veftes, de robbes, & d'autres habits.

Pour ce qui regarde la religion, on peut le louer avec juftice de n'avoir pas été fort attaché à l'idolâtrie pendant fa jeuneffe. Il a fouvent dit aux Jefuites: » Ce n'eft pas le » firmament ni les étoiles que j'adoDre, mais le Dieu vivant du ciel » & de la terre. « Il a lû grand nombre de livres des Chrétiens, il a toleré

« AnteriorContinuar »