les Oftiackes. Ces peuples étant, pour ainfi dire, feparés du refte du monde dans leurs climats froids & glacés, & vivant dans une profonde ignorance, on ne doit pas s'attendre à trouver chés eux aucune histoire qui nous puiffe inftruire de leur origine. D'un autre côté leurs voifins n'ont apparemment pas crû qu'un pays fi affreux, & fi fterile valût la peine qu'on s'appliquât à en étudier les particularités; & les étrangers n'ayant pas eu le courage, ni peutêtre même la liberté de voyager chés cette Nation, ils n'ont pû nous en donner une connoiffance exacte. Mais la lumiere de l'Evangile ayanţ éclairé depuis peu ces malheureuses creatures, qui fans faire usage de leur raifon, avoient marché jufqu'alors, comme à tâtons, au milieu des tenebres de l'idolâtrie, je me flatte que mon lecteur ne fera pas fâché d'avoir quelque idée du pays auffi-bien que

de fes habitans.

Le Royaume de Siberie comprend cette partie du Globe terreftre qui eft au Nord-nord-eft, entre le cinquante-feptiéme degré de latitude, & la Zone froide Septentrionale, où

fe font bornées jufqu'à prefent toutes les découvertes. Ses bornes font à l'Orient, la Mangafca occupée par les Samoiedes & les Swetlobi, & le Turuchan qui s'étend jufqu'à Camshatky, pays qui a été découvert pour la premiere fois, il y a environ 20 années, & foumis à l'obéiffance de l'Empereur de Mofcovie. Du côté du Midi il va jufqu'à Irkutskoy, ville frontiere du côté du la Chine. Il a pour bornes à l'Occident, les Monguls, les Tartares d'Ajuka & de Koz tasch (ainfi nommés à cause de leurs Princes Ajuka & Kontasch ) & les Bu chariens fujets du Kontasch. Cette der niere Nation paffe pour être civilifée, & l'on pretend que fa manice de vivre a beaucoup de rapport avec celle des Chinois.

Un ancien Auteur Ruffien ano nyme nous a laiffé la defcription fuivante de la Siberie en general. « La Siberie, dit-il, est une étendue de pays vers le Septentrion à deux « mille verftes, ou trois cens trente « trois milles d'Allemagne de Mofcou. «. Ce Royaume eft feparé de la Mof-«. covie par plufieurs montagnes « pleines de rochers, qui s'élevent

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jufqu'aux nues, & qu'il femble que la providence ait deftinées pour » lui fervir de murailles & de fortifications. Il y croît toute forte d'arbres, comme des cedres & au» tres femblables. Ses habitans vont à la chaffe de plufieurs efpeces de bêtes dont les peaux leur fervent également d'habits & d'ornement. Ils s'habillent de celles d'élans, de chevreuils, de cerfs, de lievres, " & fe parent avec celles de bie"yres, de martes, de zibellines, de » renards & autres. Il fort des montagnes plufieurs rivieres, dont les unes arrofent la Ruffie, & les auB tres la Siberie, & dont les eaux font douces, & pleines de poiffons. La premiere qui arrofe la Siberie, > eft le Tura dont les bords font ha» bités par les Wogultzoi, qui ont » leur langage particulier, & qui Dadorent le demon dans leurs idoles. La feconde s'appelle Tagill,

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& la troifiéme Nitza; elles fe réu»niffent toutes trois en une, qui conferve le nom de Tura, jufqu'à « ce qu'elle fe joigne au Tobol qui fe jette dans l'Irtis, & celui-ci dans » le grand fleuve Oby. Il y a le long

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de ces rivieres beaucoup de Tar- «< tares païens, de Calmuques, Mon- « guls, Oftiackes, Samoiedes, & « autres idolâtres qui n'ont pas la « connoiffance de Dieu. Les Tarta- « res font Mahometans; mais les «<< Calmuques ont une loi que les « peres tranfmettent à leurs enfans, « fans qu'il s'en trouve un parmi eux « qui puiffe dire d'où elle leur vient « car ils n'ont point du tout d'usage des lettres. Les Oftiackes & les « Samoiedes facrifient aux idoles. Ils « vivent fans loix, & font des offran- « des aux Dieux qu'ils fe font fa- « briqués eux-mêmes, s'imaginant « que c'eft d'eux qu'ils tiennent leur « fubfiftance, & reçoivent leurs befoins & leur nourriture. Ils ne mangent point de pain, & ne le « connoiffent pas même; mais ils fe « nourriffent de viande crûe, & de « la chair de toute forte d'animaux, fans aucun apprêt. Ils vivent auffi « d'herbes & de racines, & boivent <<< plus volontiers du fang que de l'eau. » L'Oby va fe jetter dans le Guba, ou Golfe de Mangasca, qui a une « iffue dans le grand Ocean par-def- « fous de hautes montagnes couvertes «

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de glace depuis très-long-tems; » car le foleil ne la fond jamais, quoiqu'elle foit de tems en tems » ébranlée par les vents.Ces endroits» là font inacceffibles, & par confe»quent inconnus, &c. Voila ce que rapporte l'Auteur anonyme.

Il n'eft pas aifé de decider, fi la Siberie portoit autrefois le même nom, ou fi elle en avoit un autre. Quelques Auteurs rapportent néanmoins qu'un Prince de ce pays, nommé Mahomet, bâtit une nouvelle ville fur le fleuve Irtis, & qu'il l'appella Sibir, mot Tartare qui fignifie Capitale : & que c'eft de là que toute cette vafte Province a pris le nom de Siberie. Voici tout ce que j'ai pû tirer de divers morceaux d'histoire répandus de côté & d'autre, touchant l'ancien Gouvernement de ce pays. Il y avoit vers l'Uchim, qui fe perd dans l'Irtis, un Roi ou Czar communement appellé On, Mahometan de Religion. Un de fes Sujets nommé Zingidi, homme du commun qui n'avoit rien que de fort ordinaire, étant mecontent du gouvernement, fe revolta, engagea la populace dans fon parti, détrona le