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au contraire autour de Petersbourg que de vaftes & horribles forêts,& des deferts affreux, & l'on ne compte dans tout le pays qu'un ou deux grands chemins; de maniere que s'il arrivoit à quelqu'un de s'égarer (ce qui eft néanmoins prefque impoffi ble, n'y ayant point de chemin de traverse) il feroit obligé de traverfer fort mal à fon aife des bois & des marais, jufqu'à ce qu'il eût attrapé le grand chemin, fans efperance de trouver ni villages, ni plaines dans toute fa route. On rencontre à la verité par-ci, par-là quelques méchantes fermes, mais fans aucuns chemins, ni fentiers qui y conduifent, & les pay fans fe trainent le mieux qu'ils peuvent à travers les bois pour y aller. Pour faire voir combien les Villes, les Bourgs & les Villages font rares dans ce pays, j'apporterai feulement pour exemple la Livonie, qui furpaffe fans doute en fertilité les autres Provinces qui font plus au Nord. Cependant cette Province qui a près de cent milles d'Allemagne de fongueur, & foixante de largeur, ne contient en tout que cinq Villes, quinze ou vingt Bourgs, &

des Villages à proportion, au lieu que le Brabant qui eft très-peu de chofe en comparaifon de la Livonie, à dix fois davantage de Villes, de Bourgs, & de Villages. Il ne faut donc pas s'étonner, fi le voisinage de Petersbourg étant ainfi entierement couvert de bois épais, fans aucunes plaines, les vents favorables du Sud, & de l'Oueft ne peuvent point communiquer de chaleur à la terre, & fi par confequent fes fruits font étouffés, & faifis par le froid, & arrivent rarement à maturité ; outre que les marais, dont les plus hautes montagnes font même couvertes, ne peuvent jamais fe deffecher pour là même raifon. Si néanmoins les habitans éclairciffoient les forêts, il eft probable qu'ils pourroient ameliorer leurs terres, comme on a fait en Allemagne, où la plus grande partie du terrain reffembloit autrefois à celui-ci, fi nous en croyons l'hiftoire, mais que l'induftrie des habitans des âges plus policés a rendu affés fertile pour fournir abondamment aux befoins de la vie : & il paroît même clairement par le peu de plaines qui fe trouvent auprès de

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Petersbourg, qu'on ne doit pas tant attribuer la fterilité de ces lieux à la mature du terroir, qu'à la fainéantise des paysans, qui ne se donnent pas beaucoup de peine pour éclaircir le pays, & pour cultiver la terre. Les Hollandois & les Allemands, qui demeurent à Petersbourg, fe font appliqué à planter des arbres fruitiers; mais comme le terrain est trop marecageux, fur tout au Midi de la riviere & qu'outre cela les faifons ont été fort humides, & fort froides depuis quelques années, ils n'ont pas beaucoup réuffi; mais il y a lieu d'efperer que fi le tems elt plus favorable à l'avenir, la terre repondra au foin qu'on prend de la cultiver, & l'on a d'autant plus fujet de le croire, qu'elle commence à fe fécher paffablement entre les maifons, & qu'elle devient de jour en jour plus propre au jardinage, qu'elle n'étoit auparavant. On remarque d'ailleurs que dans les jardins du Prince, au Nord de la riviere, tout vient parfaitement bien dans les endroits fabloneux, & exposés au foleil, & qu'on y recueille même des melons des plus delicats, & & que les

arbres nains de France, qu'on y a plantés, rapportent de très - excellens fruits. Il eft vrai qu'outre ceux de ce jardin, à peine en trouveroit t-on un dans tout le pays, mais cela vient auffi plutôt de la pareffe des payfans, que de la fterilité du terrain. Car cette paresse est si grande, que, fi ce n'étoit pas un ancien ufage parmi eux de fêmer leur blé avant l'hiver, je croi qu'ils auroient de la peine à fe déterminer à le mettre en terre pour un fi long-tems, en s'expofant au hazard de ne jamais le voir pouffer. Il faut auffi convenir que les hivers font fi rudes, & même fi fongs, qu'on peut être fûr de fe fervir de traineaux fix mois de l'année; mais les chaleurs de l'été font fi violentes enfuite que tout meurit en deux mois de tems, c'eft-à-dire, depuis la miJuin, jufqu'à la mi-Aout, & tout ce qui n'eft pas arrivé pendant ce peu de tems à fon point de maturité peut être regardé comme perdu. J'ai trouvé, à la verité des cerifes meures au mois de Septembre, à trois milles d'Allemagne de Petersbourg, mais elles étoient en très-petit nombre, & aigres. Pour ce qui regarde les au

tres bons fruits, comme les prunes, les poires, les abricots, & autres, je ne fai pas fi perfonne peut fe vanter d'en avoir jamais vû de ces côtés-là. Ils n'ont point d'autres fruits que des fraises, & des meures de ronce, avec quelques grofeilles, encore font-elles fort rares. Mais on tire de Mofcou les plus excellens fruits, parmi lefquels il y a une forte de pommes (qu'ils appellent Naleni) dont plufieurs pefent dix onces, qui font fi tranfparentes, qu'on voit les pepins à travers. Elles ont le goût de la rennette, il croît autour de Petersbourg quantité de champi→ gnons de differentes efpeces, que la populace mange tout crûs fans aucune diftinction, comme quelque chofe de très-delicieux, fe contentant de les affaifonner d'un peu de fel & de vinaigre. Ils en amaffent beaucoup pendant l'autonne, les ferrent dans des barils fans les éplucher, y mettant feulement du vinaigre & du fel, & les portent enfuite au marché dans leur faumure. Le menu peuple les mange de cette maniere, fans autre ceremonie. Cette nourriture eft très-difficile à digerer, mais comme

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