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doient ce lieu inacceffible; il examina les differentes îles que forme cette riviere, & les diftribua de maniere, dans le plan qu'il en tira, que la Citadelle fe trouva fur la petite ile marquée dans le plan (n. 1. ) & la ville en partie fur les autres îles, & en partie fur le continent.

Il n'eut pas plutôt formé cette re folution, qu'il donna ordre de ramaffer pour le printems fuivant une grande quantité de payfans Mofcovites, Tartares, Cofaques, Calmuques, Finlandois & Ingriens pour le mettre en execution. Auffi vit-on au commencement de Mai de l'année 1703 plufieurs milliers d'ouvriers, raflemblés de tous les endroits dur vaste empire Ruffien, & dont quelques-uns venoient de plus de deux à trois cens mille d'Allemagne, jetter les fondemens de la nouvelle fortereffe. Ils poufferent cet ouvrage avec. tant de diligence, que les dedans furent en état en moins de cinq mois, ce qui eft d'autant plus furprenant, qu'il n'y avoit pas de provifions fuffifantes pour faire fubfifter un fi grand nombre de perfonnes, qu'on n'avoit pas eu foin de fe pourvoir des inftru

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mens neceffaires comme de pioches, de pelles, de brouettes, & d'autres outils femblables, & qu'on manquoit même de maifons ou de cabanes pour loger tout ce monde. Outre cela ces pauvres ouvriers étoient obligés d'aller chercher la terre affés loin, & de l'apporter le plus fouvent dans les bafques de leurs habits, & dans des méchans facs faits de lambeaux, & de vielles nattes, l'ufage des brouettes étant encore inconnu dans le pays. On compte que la mifere à fait perir dans ces travaux près de deux cens mille hom mes, parce que ces lieux ayant été defolés par la guerre, on n'y pouvoit pas trouver de vivres,même pour de l'argent, & ceux qu'on faifoit venir par le lac Ladoga étant fouvent retardés par les vents contraires, ce peuple étoit dans une extrême difette. Cette fortereffe à été enfuite augmentée de tems à autre, & en 1704 on y a ajouté un ouvrage couronné, avec quelques redoutes (que j'ai néanmoins appris depuis être en très-mauvais état.) C'étoit le Czar hii-même qui conduifoit tout l'ouvrage,& qui en avoit donné le deffein.

Pendant qu'on avançoit la fortereffe on travailloit auffi infenfiblement à la ville,& ce fut dans cette vûë qu'on ordonna à beaucoup deGentilshommes & de Marchands de Mofcovie de ve nir s'établir à Petersbourg, & d'y ba tir des maisons ; ce qui fut executé avec tant d'empreffement de la part des uns & des autres, qu'on vit en très-peu de tems,cette ville remplie d'habitans. Les Boiares & autres nobles amenerent avec eux une nombreufe fuite, & beaucoup de domeftiques. Les marchands & les gens de métier trouverent leur compte dans cette nouvelle place, où tout étoit extrémement cher. Plufieurs Suedois, Finlandois & Livoniens n'ayant pas le moyen de fubfifter dans leurs villes, & leurs villages, qui étoient ruinés, & dont plufeurs avoient été confumés par le feu, & ne fachant où fe retirer, furent obligés par neceffité de venir s'y refugier avec le grand nombre. On y attira toutes fortes d'artifans, d'ouvriers, & de matelots avec leurs familles pour faire fleurir la navigation, & le commerce de mer. Plufieurs d'entre eux, après avoir fini le tems que leur Souverain leur avoit

prefcrit, ne voulant plus retourner dans leur pays, dont ils étoient trop éloignés, car il y avoit avec les ( Mofcovites, des Tartares & des Calmuques s'engagerent avec les Boiares qui faifoient tous les jours bâtir des maifons, & gagnerent par là de quoi vivre. Il s'en trouva même qui en bâtirent pour eux-mêmes dans le deffein de s'y établir; ce qui leur étoit d'autant plus aifé, qu'on avoit permis à chacun de choifir l'endroit qui lui conviendroit le mieux. Tout cela contribua beaucoup à peupler promtement Petersbourg, qui le cede à peine aujourd'hui à aucune ville d'Allemagne, par rapport au nombre de fes maisons & de fes habitans car on y compte plus de foixante mille maifons, parmi lesquelles il eft néanmoins aifé de s'imaginer qu'il y en a un grand nombre de pauvres, & de petites, qu'on pouroit démonter en deux heures de tems, & tranfporter dans un autre endroit. Telles font la plupart de celles de la Slabode des Tartares, de celles des Mofcovites, au Sud-Ouest du chantier, & enfin de celles des Finlandois proche des Eglifes des

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Finlandois, & des Catholiques Ro

mains.

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La Citadelle eft au milieu de la ville, & eft entourée de tous côtés par la riviere, comme il paroît par Le plan (n. 1.) Il y avoit auparavant dans ce même endroit une petite île, appellée Hazen-holen, & en Finlandois Jenneszari (l'île des livres) mais comme elle étoit enticrement fubmergée dans les grandes eaux, on a élevé ce terrain, & on l'a agrandi à force d'y porter de la terre. Cela n'empêche cependant pas qu'il n'y ait tout fujet d'apprehender que l'eau ne l'inondât encore, fi le vent reftoit quelque tems au SudOueft; car c'eft-là le vent le plus dangereux pour cette nouvelle ville comme on le dira plus bas. Il eft aifé de voir par le plan que la for tereffe eft un exagone oblong & irregulier. Les baftions oppofés fe ref femblent tous, excepté les deux du milieu; deforte que chacun des tre a un oreillon, & que des deux du milieu, celui qui eft vers l'Ingrie, ou la Finlande en a deux, & l'autre qui eft vis-à-vis dans l'endroit le plus large de la riviere, n'en

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