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» des ames à Dieu : l'églife n'eft pas un assemblaAN. 1432. »ge de pieres & de murs: Jefus-Chrift ne vous a pas établi pour garder des villes & des pla»ces fortifiées, mais pour être le pafteur des ames. Ce qui vous eft donc néceffaire, & ce » qui fera plus agréable à Jesus. Christ, c'eft que » vous faffiez en perfonne ce qui regarde fon » intérêt; & que le refte foit laiffé à des fubfti» tuts. » Il lui rapelle enfuite ce qui venoit de fe paffer en France, fur le bruit qui s'étoit répandu qu'il vouloit diffoudre le concile; il lui repréfente comment les prélats de ce roïaume, alJarmez de cette nouvelle, s'étoient assemblez à Bourges par ordre du roi le vingt-fixiéme de Février 1431. & que cette affemblée avoit déclaré que le concile de Bafle étoit légitime, & qu'il étoit néceffaire de le continuer en ce lieu fans interruption. C'étoit l'archevêque de Lyon qui avoit mandé cette réfolution aù concile & au cardinal, avec les motifs qui avoient portés l'églife Gallicane à cette conclufion; & le cardinal dit au pape Eugene qu'il ne doutoit point qu'on ne lui eût déja envoïé une copie de ces motifs. Louis du Marets évêque de Lauzanne, en avoit aufli reçu une copie d'un évêque qui avoit été à l'affemblée de Bourges, & l'on croit que cet évêque eft le même archevêque de Lyon. Lab. cons. Quel qu'il foit, il montre dans fa lettre un grand general. tom. dévouement au concile de Bafle: néanmoins il XII. p. 978. demande qu'on traite Eugene avec beaucoup de douceur, parce que c'étoit un pontife recommandable, & qu'il étoit d'ailleurs difficile de bleffer le chef, & que les membres n'en reffentiffent point de mal.

998.

Spond. ad

Les moti s principaux qui avoient animé l'afaan. 1432. femblée de Bourges à parler fi fortement en faveur du concile de Bafle, étoient 1. Le grand progrès que l'hérefie des Bohémiens avoit déja

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fait dans toute l'Allemagne. 2. L'importance de réformer le clergé d'Allemagne qui étoit plon- AN. 1432. gé depuis long-tems dans une corruption univerfelle. 3. La facilité qu'on auroit de convertir les Bohémiens, s'ils fe rendoient au concile, ou de les reprimer, fi refufant d'y venir, on fe liguoit d'abord contre eux, & que toute l'église prit la défense de la vérité contre leurs erreurs. 4. Le quatriéme motif, que fi après les avoir invitez avec tant d'inftance de venir au concile, ils refufoient de s'y rendre, on leur ôtoit du moins par-là tout fujet de fe plaindre des catholiques, & de dire qu'on les avoit condamnez, fans avoir voulu les entendre.

Le cardinal Julien fçut donc fe fervir à propos du zéle de l'églife de France, contre le pape Eugene, pour défendre le concile de Bafle contre lui. Les reproches qu'il lui fait dans fa lettre au fujet des efforts qu'il faifoit pour le rompre, malgré les oppofitions de tant d'illuftres prélats, font vifs, mais juftes. «N'eft-ce pas, " lui dit-il, résister à la volonté de Dieu ? Pour- «r quoi fcandalifez-vous ainfi l'églife? Pour- « quoi irritez-vous ainfi le peuple chrétien ? « Il tâche de le détromper de l'erreur dont on l'avoit flatté, que le concile de Bafle n'étoit point légitime; ce qui favorifoit fort le deffein qu'il avoit de le rompre. La raison que ce cardinal apporte, eft qu'on ne peut douter de l'autorité du concile de Bafle, qu'on ne conteste en même tems celle du concile de Conftance; parce que l'un de ces deux conciles dépend de l'autre, comme l'effet dépend de fa caufe. Or jufqu'ici perfonne n'a révoqué en doute l'autorité du concile de Conftance, autrement la dépofition du pa pe Jean XXIII. ne feroit pas canonique ; & fi elle ne l'eft pas, il s'enfuivra que l'élection du pape Martin V. & d'Eugene IV, n'eft pas légiti

me, puifqu'elle a été faite du vivant de Jean AN. 1432. XXIII. Eugene IV. dont l'élection a été faite par les cardinaux que Martin V. avoit créez ne fera pas auffi pape légitime.

"Il n'y a donc perfonne, concluoit le cardinal, qui ait plus d'intérêt de foutenir l'autorité » du concile de Conftance, que votre fainteté ; » parce que, fi elle eft conteftable, vous man» querez de preuves, › pour montrer la validité » de votre élection. » Enfin il lui dit qu'il n'a pas le pouvoir de diffoudre le concile, parce que le concile de Conftance a décidé, dit-il, que le pape même étoit obligé d'obéir aux décrets d'un concile général dans les chofes qui regardent la foi, l'extinction d'un fchifme, & la réformation de l'églife dans fon chef & dans fes membres: or ajoute-t'il, le pouvoir de condamner & de punir les rébelles, eft un figne évident de fuperiorité; être obligé au contraire d'obéir, eft une marque claire d'inferiorité : donc par une confequence néceffaire, le concile eft fuperieur au pape dans ces trois cas, & le pape eft obligé de s'y foumet tre dans ces mêmes cas. Jean XXIII. a été dépofé pour un de fes cas, à caufe du déreglement de fes mœurs. Benoît XIII. a été déposé pour éteindre le schisme Ors'il eft vrai que le pape foit inférieure au concile en trois cas, comment pourroit-il rompre, de fon autorité privée, un concile qui aura été affemblé, ou pour l'établi fement de la foi, ou pour l'extinction du schifme, ou pour la réforme de l'églife, comme l'ont été les conciles de Conftance, de Sienne & de Bafle? Cependant le pape Martin V. a approuvé ce décret du concile de Conftance; Eugene l'a auffi reçu: donc il n'a pû en ordonner la diffolution. Voilà à quoi se réduit le raisonnement du cardinal Julien, qui auroit tenu un autre langage au pape, s'il eût eu plus d'égard au rang qu'il

XIV.

concile

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aux

avoit parmi les cardinaux, qu'à la vérité. Il prie le pape d'excufer la liberté qu'il fe donnoit de lui AN. 1432 parler ainfi, & l'affurer qu'elle ne procédoit que d'une fincerité vraiement chrétienne, & d'un intention pure & droite. Après ces excufes il conclut ainfi. Je lai dit fouvent, & je le dis encore, & ce jele protefte devant Dieu & devant les hommes << que fi votre fainteté ne change pas de con.eil « & de deffein, elle fera caute d'un schisme & « d'une infinité de maux qui affligeront l'églife.c Les peres du concile entrerent dans les vues du cardinal Julien, & feconderent avec la fir fes Réponse fy. bonnes intertions, comme il paroit ja la ré- nodale du ponfe iynodale qu'ils firent aux légats du pape 1égats paEugene, dans laquelle, après avoir déclaré que pe Buche. la diffolution du concile de Bafle candali.ercit Cons P. toute l'églife, & après avoir prié le fouverain Lab.tom. XII pontife de ne point attrifter le faint E prit, nais P 673. plutót de fe joindre, comme un bon pere, à léglife catholique que le concile repréfentoit; ils répondent aux raifons que les légats avoient alleguées pour perfuader la diffolution: & comme elles fe réduifoient toutes à établir l'autorité du pape fur le concile, les peres de Bafle s'attachent à relever l'autorité du concile fur le pape. Voici le principe qu'ils établissent d'abord: que quoiqu'ils reconnoiffent le pape comme chef de l'églife, il eft néanmoins obligé d'obéir aux conciles généraux légitimement établis & affemblez, dans les chofes qui regardent la foi, l'extinction du schisme & la réforme de l'église, suivant le décret du concile de Conftance. Ce principe pofé, voici quelles font leurs preuves.

I. Perfonne ne peut contefter l'autorité de l'églife, & que tout ce qu'elle reçoit, ne doive être également reçu par tous les fideles, comme l'enfeigne fi fouvent faint Auguftin: Je ne croirois point, dit-il, à l'évangile, fi je n'y étois engagé

'AN. 1432.

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par l'autorité de l'églife. Qu'elle foit infaillible & exemte d'erreur, ce font des principes certains. Or cette infaillibilité ne convient qu'à l'églife feule, par un privilege spécial, qui n'a pas été accordé aux anges, puifqu'ils ont péché; ni à nos premiers peres qui ont été prévaricateurs; ni aux papes mêmes, puifqu'il y 'en a qui ont erré dans la foi. Il n'y a donc que l'églife qui puiffe faire des loix qui obligent univerfellement tous les fidéles.

II. Les conciles généraux font d'une autorité égale à celle de l'églife. Le concile de ConftanConcile Lab, ce a décidé expreffement qu'un concile géné– ral, légitimement affemblé, représente l'églife catholique, & tient fa puiffance immédiatement de Jefus-Chrift; & Martin V. a dit dans une de fes lettres, que ce qui a été dit dans le concile de Conftance, de l'autorité de l'église, doit être appliqué au concile général qui la repréfente; parce qu'autrement la représentation ne feroit pas fidélle, fi le concile qui repréfente, n'avoit pas la même autorité, que l'églife qui eft représentée. D'où il fuit que les conciles généraux font infaillibles, puisqu'ils font l'églife même. Quand les autres preuves manqueroient, ajoute-t'on, celle-ci feule fuffiroit pour établir l'autorité des conciles généraux.

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III. Quoiqu'il foit vrai que le pape foit le chef minifteriel de l'églife, pour parler avec les peres du concile de Bafle, il n'eft pas cependant au-deffus de tout ce corps myftique, la raifon, l'expérience & l'autorité nous fait voir le contraire. La raifon, car ce corps mystique, qui eft l'églife, même fans compter le pape, ne peut pas errer dans les chofes de foi. L'experience auffi a fouvent fait voir que le pape, quoique chef de ce corps erré, & que ce corps ayant Qujours perfeveré dans fon infaillibilité, a con

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