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IY-king, faite par un Miffionnaire. La traduction du Monument Chinois, a été publiée (1), par M. l'Abbé Mignot, de l'Académie des Infcriptions. J'ai pensé qu'on verroit également avec plaifir la Notice de l'Yking, notice qui m'a paru fuffifante pour donner une idée de ce livre fingulier, qui n'eft pas fait pour intéres fer, comme le Chou-king, tous les Lecteurs. Il est néceffaire de faire obferver ici que M. Vildelou fe trouve, fur certains points, & particulierement fur le Chang-ti ou le Ciel, en contradiction avec le P. Gaubil dans la traduction du Chou-king. J'avoue qu'il eft fort difficile de prononcer là-dessus, le Chouking ne fournissant aucun détail fur la nature du Chang

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mais on ne doit pas en même-tems fe décider d'après M. Visdelou, qui a employé les interprétations & les recherches des Philofophes modernes. Ceux-ci, pour soutenir leurs sentiments, ont prétendu en donner des preuves d'après les Anciens, & les ont fait parler conformément aux opinions qu'ils avoient dessein d'établir. Il ne faut pas juger de la Doctrine ni de la Religion des anciens Chinois par celle des Chinois d'aujourd'hui, ni par les opinions des Philofophes modernes. Les idées nouvelles ont à la Chine, comme par-tout ailleurs, des partifans, & l'amour des fyftêmes a fait naître dans ce pays des fentiments fur la Divinité, qui ne font pas univerfellement adoptés: il faut donc bien connoître tous, ces systêmes. Confucius n'a pas voulu s'expliquer clairement fur certains points dont on lui demandoit l'expli

(1) Journal des Savants, Juin 1 & Juin 11, Août 1760, & Février 1761.

cation, comment donc pouvoir le pénétrer ? Ce que l'on voit dans le Chou-king, c'eft que les anciens Chinois adoroient un Dieu fuprême nommé Ti ou Chang-ti, doué de la plus grande intelligence, qui récompenfe les bons & punit les méchants; qu'outre cela, ils rendoïent un culte religieux à plufieurs Efprits nommés Chin, & que les Ancêtres, qu'ils paroiffent regarder comme des interceffeurs, s'intéressoient pour leurs descendants. Voilà, je crois, ce que l'on apperçoit dans le Chou-king; au refte, je ne prétens rien décider fur ce fujet. On peut confulter ce que Kien-long, Empereur de la Chine, dit du Chang-ti dans fon Eloge de Moukden, imprimé à Paris en 1770, chez Tillard.

DU LIVRE CHINOIS NOMMÉ Y-KING.

Lettre de M. VISDELOU aux Cardinaux de la Congrégation de Propaganda Fide.

LE Cardinal Sacripanti, d'heureuse mémoire, me marqua,

par fes dernieres lettres, que votre Sacrée Congrégation souhaitoit que je traduififfe en latin le livre que les Chinois appellent Y-king, ou que, fi j'en avois une verfion toute faite, je l'envoiafle à Rome. Plût à Dieu que je pûffe fatisfaire sur ce fujet les defirs de Vos Eminences, & leur marquer en mêmetems mon obéissance ! elles n'attendroient pas long-tems cet Ouvrage; mais à préfent, aveugle comme je le fuis, je ne puis lire ni écrire, & je n'ai aucune verfion de ce livre; il est vrai que j'en ai inféré beaucoup de morceaux dans mes écrits, que j'ai envoyés à Rome; mais ce ne font que des lambeaux du texte. Heureusement j'ai rappellé dans ma mémoire les notes que j'avois écrites il y a quelques années à la marge de ce livre, elles font affez amples, & même elles en contiennent un Chapitre entier ; j'ai tâché de n'en rien oublier en les dictant. Ces notes, accompagnées d'un exemple tiré de ce livre, pourront vous en donner une idée aflez jufte. J'efpere que Vos Eminences ne dédaigneront pas ce petit Ouvrage, que j'ai dicté à M. de Lolliere, qui, pour marquer fon zele envers votre Sacrée Congrégation, a bien voulu prendre la peine de l'écrire.

Qu'il me foit permis à préfent de rapporter une chofe qui me regarde, auffi-bien que ce livre. Il y avoit cinq ans que j'étois à la Chine, & à peine y en avoit-il quatre que j'avois commencé à m'attacher à la lecture des Livres Chinois, quand P'Empereur Kang-hi me rappella avec un de mes compagnons. de Canton à Pe-king; on nous conduifit tout droit au Palais.. L'Empereur étoit alors dangereusement malade, & nous ne

pûmes le voir. Le Prince, défigné héritier de l'Empire, géroit les affaires à la place de l'Empereur fon pere. On lui rapporta qu'il étoit venu un Européen, qui, en quatre ans, avoit acquis la connaiffance des Livres Canoniques & claffiques. Ce Prince vint auffi-tôt à la porte, & demanda où étoit cet Européen. Le voici, lui répondis-je, après m'être profterné, à la maniere du pays. Le Prince fit apporter fur-le-champ un volume du livre canonique nommé Chou-king, c'est-à-dire Hiftoire canonique : il l'ouvrit au hafard, & m'ordonna de me lever, & de lire. Je le lus, & je l'expliquai en préfence de plufieurs perfonnes qui l'accompagnoient. Comme les Chinois ont une grande opinion d'eux-mêmes, & de ce qui vient d'eux, le Prince fut en admiration & dit ces paroles Ta-tong, c'est-à-dire, il l'entend fort bien. Je me profternai de nouveau: alors il me demanda ce que je penfois du Livre Canonique intitulé Y-king, qui eft celui dont il s'agit ici. Je n'ofai d'abord répondre; il comprit mon filence, & pour m'encourager, il me preffa de dire librement ce que j'en penfois. Alors je répondis: » ce livre dit de très bonnes chofes fur » le gouvernement des Empires, & fur les mœurs; mais il a » cela de mauvais, que c'est le Livre des Sorts. Le Prince ne s'offenfa point de ma liberté, & pour excufer ce livre, fuivant la maniere des Chinois, qui tâchent d'adoucir, par une bonne interprétation, ce qu'on n'approuve pas en eux, il dit : peut-être que les Anciens n'avoient point ces forts en vue.

Il y avoit là préfent quelques-uns de nos Peres, l'un defquels (1) a ofé faire imprimer, que j'avois dit au Prince, que ce livre quadroit avec les principes fondamentaux de la Religion Chrétienne, à quoi je n'ai pas même fongé; ou il a mal entendu, ou il a appliqué à la Religion ce que j'avois dit

des mœurs.

Vos Eminences trouveront, dans un petit Ouvrage que j'ai écrit moi-même, & envoyé à Rome, beaucoup de chofes extraites du livre Y-king, qui regardent les nombres, le destin,

(1) Le P. Bouvet, dans fon Portrait hiftorique de l'Empereur de la Chine, imprimé en 1698, p. 229.

ou le fort qui leur eft attaché, il eft intitulé: Annotations fur la réponse du P. Antoine de Beauvollier aux textes propofés par M. l'Evêque de Conon (1) à l'Empereur Kang-hi comme contraires à la Religion Chrétienne.

Elles trouveront encore dans mes autres Ecrits plufieurs morceaux qui ont rapport à ce livre, & fur-tout dans l'Hiftoire de la Religion des Philofophes Chinois.

Que le Seigneur Tout-puiffant conferve long-tems Vos Eminences pour le bien de la propagation de la Foi. A Pondicheri, le 20 Janvier 1728.

NOTICE DE L'Y-KING,

Avec un Exemple tiré du même Livre.

On ne fauroit concevoir l'eftime que les Chinois ont pour le Livre Canonique des Changements; fi c'est à bon droit, ou à tort, c'est ce qu'on va voir. En effet, foit que l'on confidere l'antiquité de ce livre ou fes Auteurs, ou fa forme, ou sa matiere, c'eft un livre tout-à-fait fingulier. Premierement, pour fon ancienneté, s'il en faut croire les Annales des Chinois, il a été commencé quarante-fix fiécles avant celui-ci. Si cela eft vrai, comme toute la Nation l'avoue unanimement, on peut à juste titre l'appeller le plus ancien des livres. Pour ce qui regarde fes Auteurs, le premier de tous a été Fo-hi, premier Empereur des Chinois, & le véritable fondateur de l'Empire de la Chine; mais comme fous fon regne, qui étoit près de 3000 ans avant l'Ere Chrétienne, l'art d'écrire, au rapport des mêmes Annales, n'étoit pas encore inventé, il compofa ce livre avec vingt-quatre traits, ou petites lignes, dont douze étoient entieres & douze entrecoupées ou féparées par un petit intervalle (2).

Ce n'étoit pas proprement un livre, ni quelque chofe d'approchant; c'étoit une énigme très obfcure, & plus difficile cent fois à expliquer que celle du fphinx. Les huit Trigrammes (3) de Fo-hi ne parurent pas être affez confidérables à

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