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P'un des Empereurs, qui lui fuccéderent de près; c'est pourquoi, fur chacun des huit Trigrammes, il en mit huit autres, & par cette opération, avec huit Trigrammes feuls il fit foixante-quatre Hexagrammes. Il ne fit qu'augmenter lesténebres, au lieu de les dilliper.

Dans la fuite des tems, douze fiécles avant l'Ere Chrétienne, Ven-vang, Roi très puiffant, & fondateur de la Dynaftie de Tcheou, effaya, comme un autre Edipe, de réfoudre l'énigme, ajoûtant pour cet effet, aux hexagrammes, des notes très courtes: par exemple, au premier hexagramme, qui défigne le Ciel, ou, felon lui, Kien, c'est-à-dire, la vertu infatigable du Ciel, il mit pour commentaire ces quatre paro, yuen, heng, li, tching, qui fignifient commençant, avançant, perfectionnant, confommant (1), paroles qu'il rapporte la vertu du Ciel. Qu'il y auroit de chofes à dire, fi je voulois expliquer le fens que les Philofophes prétendent être caché fous ces quatre mots!

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Cela parur être encore peu de chofe à Tcheou-kong, fils de Ven-vang, pour l'éclairciffement d'une énigme fi obfcure; c'eft pourquoi il y ajoûta une interprétation plus ample.

Enfin, cinq fiécles avant l'Ere Chrétienne, Confucius ( en Chinois Kong-fou-tfe), éclaircit par fon commentaire la table de Fo-hi, les notes de Ven-vang & l'interprétation de Tcheoukong. Ce fut alors que ce livre, ainfi augmenté & enrichi, reçut toute fa forme. Confucius aimoit principalement ce livre; il l'admiroit; il l'avoit toujours en main; tellement qu'à force de le feuilleter il ufa plufieurs cordons; car dans ce tems le papier n'étoit pas encore inventé, & les feuillets de bois étoient enfilés. Il fouhaitoit que la vie lui fût prolongée uniquement afin de pouvoir acquérir une parfaite connoiffance de ce livre. Il l'orna de Commentaires rédigés en dix Chapi-cres, que ceux qui vinrent après lui nommerent les dix aîles, fur lefquelles ce livre voleroit à la postérité.

Lorfque j'ai dit que Ven-vang fut le premier qui travailla à

(1) C. à d. le commencement, le progrès, la perfection, la confom-mation de toutes chofes.

la folution de l'énigme de Fo-hi, il ne il ne faut pas l'entendre comme s'il eût été abfolument le premier, mais feulement comme ayant été le premier de ceux dont les Ouvrages exiftent; car il n'eft pas croyable que pendant près de 2000, ans, qui s'étoient alors écoulés depuis la premiere production de ce livre, il n'y en eut aucune explication par écrit, ou par tradition; au contraire, il eft évident, par les anciens monuments des Dynafties de Hia & de Chang, auxquelles fuccéda celle de Tcheou, qu'elles ont eu toutes trois leur livre particulier des changements; & l'Hiftoire remarque expreffément que ces trois Dynafties ont fuivi chacune une méthode différente pour l'arrangement des hexagrammes. Je fuis donc porté à croire qu'avant le Roi Ven-vang, les Interpretes de ce livre étoient les Philofophes ordinaires, que leurs Ouvrages fur ce livre ont été abforbés par l'éclat & par la réputation de ceux de Ven vang, de Tchcou-kong & de Confucius; & qu'enfin ils font péris par l'injure des tems. Car, pour conclure cet article par une courte récapitulation, Fo-hi cft depuis fi longtems tenu par les Chinois pour un fi grand perfonnage, qu'il eft même reconnu pour l'un des cinq Chang-ti, coadjuteur du grand Chang ti (1). L'autre Empereur, Ven vang, qui doubla les huit Trigrammes de Fo-hi, eft reconnu de tous les Chinois pour très fage & très faint. Tchcou-kong, pour le dire en un mot, ne le cede qu'au feul Confucius. Enfin Confucius, que les Chinois appellent le faîte du hugenre main, le comble de la fainteté, le maître & le modele des Empereurs même, eft celui qui a mis la derniere main à ce livre livre véritablement augufte, s'il parloit comme il faut de Dieu & de la Nature.

On peut connoître à préfent la forme de ce livre, par ce que je viens de dire de fes Auteurs. J'ai pourtant oublié une chofe qu'il importe le plus de favoir : ce fut le Ciel qui, par un prodige furprenant, en montra la forme à Fo-hi. Comme

(1) C'eft-à dire, fuprême Empereur, ou fouverain Empereur: c'eft Empereur du Ciel. Il en fera plus amplement parlé dans la fuite. Voyez Jes Remarques.

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ce Prince étoit fur le bord du fleuve Hoang-ho, il fortit toutà-coup du fein des eaux un dragon qui portoit fur fon dos la forme de ce livre; Fo-hi la copia fur-le-champ, & forma sur ce deffein la table des huit Trigrammes.

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C'est à-peu-près de la même maniere que le Chang-ti donna au grand Yu (1) la forme d'un autre livre; car du fleuve Lochoui, qui fe décharge dans le fleuve Hoang-ho, il fortit une tortue, qui avoit fur fon écaille l'empreinte des dix premiers nombres combinés entr'eux d'une certaine maniere. De ces nombres Yu compofa, je ne fais par quel moyen, le livre qui a pour titre le grand Prototype (2), lequel fait partie du Livre Canonique appellé Chou-king; de-là cette fentence fi connue: Lo-tchu-chu, Ho-tchu-tou, c'est-à-dire, le fleuve Lochoui a produit le livre, le fleuve Hoang-ho a produit la table. Confucius a adopté l'une & l'autre fable, & les a confirmées ouvertement par fon fuffrage.

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Paffons à la matiere de ce livre. L'Y-king embraffe beaucoup de fujers; c'est comme l'Encyclopédie des Chinois. On peut pourtant réduire les matieres à trois chefs; favoir, la Métaphyfique, la Phyfique & la Morale. A l'égard de la Métaphyfique, lorfqu'il parle du premier principe, il ne fait que l'effleurer, pour ainfi dire; il s'étend un peu plus fur la Physique, qu'il traite pourtant plus métaphyfiquement que phyfi quement, c'est-à-dire, par certaines notions univerfelles; mais, pour la Morale, il en traite à fond, n'oubliant rien de ce qui appartient à la vie de l'homme, confidéré comme feul, comme pere de famille, & comme homme d'Etat. Quand je dis que ce livre traite de toutes ces matieres, il ne faut pas croire, du moins à l'égard des deux premieres, que ce foit méthodiquement & avec ordre : ce n'eft feulement que par occafion, & dans des morceaux détachés des textes, & répandus çà & là, Mais ce qui dans ce livre peut être regardé comme un quatrieme chef, c'est qu'il est le livre des Šorts, qui de toute an

(1) C'eft le Fondateur de la Dynaftie de Hia.

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(2) C'eft le Hong-fan ou le Chapitre IV de la quatrieme Partie du Chouking.

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tiquité à fervi aux prédictions. Rien n'est fi ordinaire dans fes hexagrammes que les mots de fortuné & d'infortuné.

Mais comme ce point eft d'une très grande importance pour nos affaires, je vais le prouver de trois manieres, afin ne s'imagine pas que j'avance ceci à la légere.

que l'on 1o. Tous les livres anciens des Chinois fournissent beaucoup d'exemples de ces forts mis en pratique; le Livre Canonique Chou-king les recommande, ainfi que font les autres livres & les Hiftoires font remplies de pareils exemples.

2o. Confucius non-feulement approuve ces forts, mais encore il enfèigne en termes formels, dans le Livre Canonique des Changements (1), l'art de les déduire; & certainement cet art attaché à ce livre, ne se déduit que de ce que Confu cius y en a dit. De plus, Tço-kicou-ming, difcipfe de Con fucius, dont il avoit écrit les leçons, dans fes Commentaires fur les Annales Canoniques (2) de Confucius fon maître, a in féré tant d'exemples de ces forts, que cela va jufqu'au dégoût; il fait quadrer fi jufte les événements aux prédictions, que, fi ce qu'il en dit étoit vrai, ce feroit tout autant de miracles. D'ailleurs tous les Philofophes, jufqu'à ceux d'aujour d'hui, ufent de ces forts; & même la plupart affurent hardi ment, que par leur moyen il n'y a rien qu'ils ne puiffent prédire: enfin, tous tiennent pour ce livre des Sorts.

3°. Chi-hoang-tis fondateur de la Dynaftié des Thin ayant condamné au feu, par fon Edit fi detefté des Chinois les Livres Canoniques & les Hiftoires des âges précédens, afin d'abolir la mémoire de l'antiquité, en excepta pourtant le Livre Canonique des Changements, feulement parceque c'étoit le livre des Sorts; car fon Edit épargna tous les livres de Médecine, d'Agriculture & des Sorts. Enfin, de caractere qui dénote les lignes des hexagrammes, & qui fe lit Koua, fi l'on n'a égard qu'au fens du mot, fignifie pendule; cependant, fi on a égard à la compofition, on voit clairement qu'il eft formé de la lettre pou, qui, par antonomafe, fignifie fort, & proprement fort de tortue.

(1) C'est-à-dire, dans fon Commentaire fur l'Y-king. (2) Le Tchun-tfieou.

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Quant à ce qui regarde le premier principe, voici ce que dit ce livre. Tai-ki (1) a engendré deux effigies; ces deux effigies ont engendré quatre images, ces quatre images ont engendré les huit trigrammes de Fo-hi.

Cela eft affez énigmatique; c'eft pourquoi il faut l'interpréter. Tai-ki fignifie grand comble; métaphore tirée des toits, dont la piece tranfverfale, qui en eft le faîte, s'appelle Ki, parceque c'est la plus haute piece du toit. Or, de même que tous les chevrons font appuyés fur le faîte du toit, de même auffi toutes chofes font appuyées fur le premier principe. Il faut ici obferver foigneufement qu'il dit engendrer, & non faire.

Les Chinois interpretent allégoriquement les deux effigies Yang & Yn par les deux matieres, ou la matiere univerfelle divifée en deux (2); mais, dans le fens propre, elles fignifient le Ciel & la Terre. Les quatre images défignent la matiere parfaite, jeune & vieille (3); & la matiere imparfaite, auffi jeune & vieille. C'eft ainfi que par cette diftinction de deux degrés de perfection & d'imperfection (4), les deux matieres engendrent quatre matieres. Les huit trigrammes de Fo-hi dénotent toutes les choses de l'univers : favoir le ciel, la terre, le feu les caux, les montagnes, les foudres, & encore deux autres, fous lefquelles tout le reftc eft compris.

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Mais les Philofophes expofent plus clairement cet axiome; car voici ce qu'ils difent fans aucune allégorie. Le grand comble, Tai-ki, a engendré le Ciel & la Terre; le Ciel & la Terre ont engendré les cinq éléments; les cinq éléments ont engendré toutes choses. Ce même axiome eft l'abîme dans lequel fe font précipités les Philofophes que l'on appelle Athéo-politiques;

(1) Tai ki eft l'air primogène, qui, par le mouvement & le repos, d'où réfultent le chaud & le froid, le fec & l'humide, &c. a produit les cinq élémens qui compofent toutes chofes.

(2) La parfaite Yang, & l'imparfaite Yn, la fubtile & la groffiere, la célefte & la terreftre, la clarté & l'obfcurité, le chaud & le froid, le fec & l'humide, & toutes les autres qualités de la matiere.

(3) Vigoureufe & fluide.

(4) De force & de foibleffe, ou d'intenfion & de rémission.

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