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un antre au pied du mont Li (1), ou, felon d'autres, dans un rocher du mont Li. C'est là qu'on veut que Lao-tfe foit auffi né. Cette Grotte n'a qu'un pas en quarré à fon entrée; mais en dedans elle eft haute de trente toises, & longue de deux cents pieds, on l'appelle la Grotte de Chin-nong. Il fut élevé & habita fur les bords du fleuve Kiang (2), & prit de-là le nom de Kiang.

Chin-nong eut l'ufage de la parole trois heures après qu'il fut né, à cinq jours il marcha, à fept il eut toutes fes dents, & à trois ans il favoit tout ce qui regarde l'Agriculture. On dit que lorsqu'il naquit, la Terre fit fortir neuf fontaines, & que quand on buvoit dans une, l'eau des huit autres s'agitoit. Chin-nong étoit haut de huit pieds fept pouces, il avoit la tête de bœuf & le corps d'homme, le front de dragon & les fourcils très grands; on l'appella Chin-nong, c'eft-à-dire, le divin Laboureur, foit à caufe que l'Agriculture dont il s'agit eft toute divine, foit à caufe de la fincérité & de la bonté de fon cœur. Il régna d'abord à Y & enfuite à Ki; c'eft pourquoi on le nomme Y-ki. Une Glofe dit que Y eft le Royaume où naquit Y-yun, & que Ki eft un pays dont Ven-vang fut obligé de châtier les Peuples. Il y a des Auteurs qui veulent que Yki foit un ancien Empereur, le même que Tai-ting. Chinnong eft auffi pris pour Ti-hoang, & fe nomme souvent Yenti, parcequ'il régna par le feu.

Chin-nong cut pour Maître Lao-long-ki; on le fait auffi difciple de Tchi-fong-tfe, qui fut Maître de Hoang-ti & d'Yao. Cet Hermite eft le premier des Sien ou des Immortels, & s'appelle fouvent Mou-kong. Le Chan-hai-king dit qu'il fe

(1) Li, cette montagne s'appelle auffi Lie. Tous ces pays,comme j'ai

dit font inconnus.

(2) Kiang n'eft pas ici le même caractere que celui du fleuve Kiang. Le premier, dont il s'agit ici, eft compofé de deux parties; en haut eft le caractere qui fignifie mouton, chevre ou en général cette efpece d'animal; audeffous eft celui qui défigne la fille où la femelle. Le Choue-ven a donné cette analyfe. Tchao-fan-fou a fait fur ce livre un commentaire intitulé Choue-ven-tfang-tfien.'

brûla fur le mont Kin - hoa, & que quittant fa dépouille mortelle, il s'envola fur le mont Kouen-lun, & s'arrêta dans une grotte de pierre, qui étoit la demeure de Si-vang-mou. La fille cadette de Chin-nong le fuivit, & devint immortelle. On trouue quantité de traces de Mou-kong fur le mont Ngo-mi; il préfide à la pluie. Tout ceci eft tiré de Licou-hiang (1). Chin-nong confulta encore un autre Hermite nommé Tchunhi, &, felon d'autres, Tai-y-fiao-tfe. Il lui demanda pourquoi les Anciens vivoient fi long-tems; l'Hermite répondit, que le Ciel avoit neuf portes, que le Soleil & la Lune tenoient ·le milieu, & que c'est le chemin le plus sûr.

Le livre Y-tcheou chou (2) dit que fous Chin-nong il plut du blé; le Chi-king (3), en parlant de Hcou-tfi, dit aufli que le bon grain defcendit naturellement du Ciel. Le Lou-fe dit que tous les grains en général font un préfent du Ciel, & il s'objecte que les voies du Ciel font fort éloignées, & que ce qu'on rapporte de Chin-nong & de Heou-tfi n'eft peut-être pas vrai Il répond que dire cela c'eft une extravagance, & qu'il n'y a rien qui foit plus proche que la communication mutuelle du Ciel & de l'homme.

Le Chapitre Hi-tfe dit que Chin-nong confidérant le Koua nommé Y (4), prit du bois fort & dur dont il fit le coutre de la charue, & choifit du bois plus tendre pour en faire le manche: il apprit ainfi aux hommes à cultiver les champs; c'est ce que Tibulle attribue à Ofiris. Au refte, Ofiris, de même que

(1) Lieou-hiang, fameux Ecrivain fous les Han: il mit en ordre la Bibliotheque Impériale; il a fair plufie rs Ouvrages, entr'autres l'Hiftoire des Immortels, les Femmes Illuftres, les Guerres Civiles, &c. Il écrit .bien.

(2) Y-tcheou-chou; c'eft, dit Lieou hiang, ce qui refta de l'ancien Chou-king. On prétend que ce livre ne fut fait que du tems des Tcheou orientaux. Tout cela eft donc fort inférieur au vrai Chou king.

(3) Le Chi-king eft un des principaux livres canoniques; c'eft un recueil d'Odes & de Cantiques qui tend au même but que IY-king & le Chou-king.

(4) Compofé du Koua e & du Koua d. Voyez la planche IV.

Chin-nong, a fur la tête des cornes de bœuf. Jupiter Ammon avoit le même ornement, & Bacchus, qui ne differe point d'Ofiris, eft auffi cornu.

On attribue à Chin-nong, comme à Bacchus l'invention du vin; car après qu'il eût orné la vertu & fait la charue, la terre lui répondit par une fource de vin qu'elle fit naître. Avant lui l'eau s'appelloit le premier vin, le vin célefte; & quoique dès le tems de Fo-hi on eût déja la matiere dont se fait le vin ce fut Chin-nong qui nous donna ce breuvage nommé Li & Lo.

Pour revenir aux paroles du Hi-tfe, que Chin-kai (1) a expliqué relativement aux Koua de l'Y-king, Chin-nong, pourfuit-il, apprit le labourage; & comme il n'y a point d'invention qui a porté plus de profit aux hommes, on dit qu'il l'emprunta du Koua Y.

Chi-tfe (2) dit que Chin-nong obtenoit de la pluie quand il en avoit befoin, dans l'espace de cinq jours une bouffée de vent, & tous les dix jours une bonne pluie, ce qui marque la vertu & la beauté de fon regne. On lit dans Kouan-tse que Chin-nong fema les cinq fortes de bled au midi du mont Ki, & que les Peuples des neuf parties du monde apprirent de lui à fe nourrir de grain. Il ordonna qu'on n'eût pas à gâter ce que la terre produit au printems & en été, mais qu'on fût diligent à recueillir tous les fruits, afin de perfectionner toutes chofes, qu'on n'envahît point les travaux d'autrui, & que le labourage eût fon tems privilégié. Enfin il enfeigna tout ce qui regarde le chanvre & le mûrier, afin qu'il y eût des toiles & des étoffes de foie en abondance. Je crois qu'on fera bien aife que je mette ici quelques-unes des loix de ce bon Roi; le livre San-fen nous en a confervé une partie. C'est le Ciel

(1) Chin-kai vivoit fous la Dynaftie des Song: il a fait un affez bon Commentaire furl Y-king, qu'il a intitulé par modeftie Y-fiao-tchouen. (2) Chi tfe étoit du Royaume de Tfin: il s'enfuit à Chou, & fit un livre en vingt Chapitres; il n'en reste plus que deux. Il dit que dans le Taiki il y a un Roi & un Maître ; c'eft qu'il prend Tai ki pour l'Univers comme fait Ichouang tfe, quand il dit que le Tao eft avant le Tai-ki.

qui produit les Peuples, dit Chin-nong, & c'eft le véritable Roi qui fert le Ciel; cette penfée eft prefque mot pour mot dans le Chou-king. Le Peuple eft le fondement du Royaume, & la nourriture eft le Ciel du Peuple; quand le labourage ne va pas bien, la nourriture manque, & quand le Peuple n'eft pas droit, il fait un mauvais ufage des fruits du labourage. Si un homme parvenu à la force de l'âge ne laboure point, il n'aura rien pour appaiser fa faim; & fi une fille devenue grande ne s'occupe point à filer & à faire de la toile, elle n'aura rien pour réfifter au froid. On ne doit point regarder comme fort précieux ce qu'il eft difficile d'avoir, & il ne faut pas souffrir qu'on conferve des meubles inutiles. Que chacun s'attribue ou la ftérilité ou l'abondance, puifque l'une vient de fa pareffe & l'autre de fes foins. Si les Laboureurs font vigilans & attentifs, il n'y aura point de famine affez grande pour faire mourir le Peuple dans le milieu des chemins; & quand on a suffisamment de quoi fe nourrir & fe vêtir, la vertu regne, le crime n'ofe fe montrer, & tout le monde obéit, fans qu'il foit befoin de recourir aux Loix. Hoai-nan-tfe dit dans le même fens, que Chin-nong ne donnoit aucun ordre, & que tous les Peuples lui obéiffoient; ce n'eft pas qu'il n'eut fait de Loix, mais c'eft qu'il n'avoit pas befoin de leur fecours. Un autre Auteur dit que fans donner d'autre récompenfe au Peuple, que de le bien nourrir, il convertiffoit tout l'Univers.

On doit auffi à Chin-nong la poterie & la fonte. Lo-pi dit cependant que ces arts ont commencé dès le tems de l'Empereur Soui-gin, & que c'est une erreur d'attribuer la poterie à Hoang-ti, & l'art de fondre les métaux à Tchi-yeou. Chinnong inftitua des fêtes, pendant lefquelles on devoit s'abstenir de vifites, de procès & de promenades; c'eft, dit Lo-pi, ce qui eft rapporré dans l'Y-king, au fymbole Fou: Que les anciens Rois, le feptieme jour, qu'il appelle le grand jour, faifoient fermer les portes des maifons, qu'on ne faifoit ce jour-là aucun commerce, & que les Magiftrats ne jugeoient aucune affaire; c'est ce qui s'appelle l'ancien Calendrier. Yangtfuen dit que Chin nong ordonna le premier ce qui regarde le labourage, quil établit des fêtes, qu'il jugea du chaud & du froid pour fixer les faifons dans leur tems, foit qu'elles

avancent, foit qu'elles retardent; c'eft pourquoi il fe fervit du mot Lie, qui fignifie Calendrier.

On dit que Chin-nong fit un livre fur l'Art Militaire, & qu'il étoit habile dans la guerre. Lorfque Pou & Soui fe révolterent, il châtia ces deux petits Rois, & affermit ainsi dans l'obéiffance tous les Royaumes de l'Univers. Chin-nong, dit Sou-tfing (1), châtia Pou & Soui, Hoang-ti en fit autant de Soui-lou, & enchaîna Tchi-yeou. Yao fut obligé de châtier de la même maniere Hoan-teou, autrement Kouen-teoų, & Chun dompta San-miao.

Le Hi-tfe, déja cité, dit encore que Chin-nong, en pénétrant le fymbole Chi (2), inventa les foires au milieu du jour, qu'il y fit venir tous les Peuples du monde, & qu'il y ramassa toutes les marchandifes de l'Univers. On les échangeoit mutuellement, après quoi on fe retiroit chacun dans fon lieu. Il fe fervit de monnoie pour le même deffein, mais l'invention en eft bien plus ancienne. Kong-ing-ta veut que les cérémonies de joie aient commencé fous Chin-nong, qui, comme on lit dans le texte du Lou-fe, frappoit fur un tambour de pierre pour honorer l'Esprit invifible, & pour mettre par ce moyen de la communication entre le haut & le bas, entre le Ciel & la Terre.

Quoique Fo-hi eût commencé à guérir les maladies par la vertu des plantes, cet art eft particulierement attribué à Chinnong; ce fut lui qui diftingua toutes les plantes, & en détermina les diverfes qualités. Un paffage tiré du livre Sanhoang - ki paroît vouloir dire que Chin - nong battoit & remuait les plantes avec une espece de fouet ou de fpatule rouge; ce qui défigneroit la Chymie, d'autant plus qu'on parle d'une marmite (Ting), dans laquelle Chin-nong éprouvoit les plantes. Le feul mot ting marque affez qu'il fe fervoit pour cela du feu. Le Dictionnaire Kang-hi-tfe-tien rapporte

(1) Sou-tfing vivoit fous la Dynaftie des Han; il étoit difciple de Koueikou-tfe. Son frere cadet, nommé Sou-hi fut auffi célebre dans le même

tems.

(2) Compofé du Koua c & du Koua d. Voyez la planche IV.

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