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Hiftorien, cinquante-un ans. La durée totale de la Dynastie de Hia, suivant les uns, est de 471 ans, fuivant d'autres, de 482 ou de 440 ans. Celle de la feconde Dynastie nommée Chang eft ou de 496 ou de 600, ou de 645, ce qui fait une différence confidérable. Les Chronologistes Chinois se partagent entre ces opinions, ou en propofent de nouvelles.

A cette incertitude de la Chronologie, joignons la stérilité dans les détails historiques. Peut-on, d'après une Histoire auffi incertaine pour la chronologie, & aussi dépourvue de détails, donner une idée juste & précife, comme on veut le faire croire, des tems qui fe font écoulés depuis la fondation de l'Empire jusqu'à J. C., ou jusqu'aux tems connus, & fur lefquels les Chronologistes

font d'accord.

Les

regnes d'Yao, de Chun & d'Yu doivent l'étendue des détails qu'ils paroissent présenter au premier coup d'œil, à de longs difcours moraux qui font tirés du Chou-king, au récit de quelques Sacrifices que les Empereurs alloient faire fur les montagnes, & à plusieurs autres circonstances qui annoncent un bon Gouvernement, & qui ne sont communément qu'indiquées. Les autres Empereurs puniffent quelques Rebelles, ou reçoivent les foumiffions de quelques Princes tributaires, ce qui n'est toujours marqué qu'en peu de mots, & l'on ne trouve que deux ou trois événements de cette efpece fous chaque regne, encore n'eft-on pas souvent inftruit quels font les perfonnages, ni quel eft leur pays : tout y eft indiqué d'une maniere vague: on ne fait même rien de plufieurs Empereurs, & l'on se contente de rapporter

leurs noms. L'Histoire de la feconde Dynastie n'est pas mieux traitée, c'est-à-dire, qu'elle est aussi stérile. On voit que pendant ces deux Dynasties il y avoit de petits Souverains en différentes Provinces ; mais quelquefois même ils ne font pas nommés.

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Les defcendances généalogiques qui ont rapport ces deux Dynasties, ne font ni plus claires ni plus certaines. Il y a des contradictions manifestes & des difficultés confidérables que les Chinois apperçoivent, qu'ils examinent & qu'ils difcutent. Par exemple, les fondateurs des trois premieres Dynafties defcendent du même Prince; par les tables généalogiques, le fondateur de la troisieme n'est pas plus éloigné du Chef commun que le fondateur de la feconde, ils fe trouvent l'un & l'autre contemporains, pendant que celui de la troisieme devroit être à feize générations plus bas. Quand on examine toutes ces généalogies, on voit que ces Annales ne font pas auffi certaines qu'on voudroit nous le persuader, & les Chinois riroient de l'intérêt aveugle que nous voulons prendre à l'authenticité de leur Hiftoire.

le tems

le

La defcription de la Chine, rapportée dans le Chouking, fouffre les plus grandes difficultés pour où l'on fuppofe qu'elle a été faite, c'est-à-dire, pour tems d'Yao. La nature des tributs que l'on tiroit des Provinces, eft difficile à admettre, & il y a des détails fur les lieux qui paroiffent impliquer contradiction.

Ce n'eft donc qu'à la troifieme Dynaftie que l'Hif toire de la Chine change de face, c'eft-à-dire, qu'elle eft plus détaillée. Il y a cependant encore des regnes la durée n'est pas certaine, & des fynchronismes qui ne

dont

peuvent fe concilier. Ce n'est précisément qu'à la feconde branche de cette Dynastie, vers le regne de Ping-vang où finit le Chou-king, que les Chinois font d'accord entr'eux : cette époque tombe à l'an 720 ou 722 avant J. C., année à laquelle Confucius commence ses Annales intitulées Tchun-tfieou. Se-ma-tfien ne croyoit pouvoir remonter avec certitude que jufqu'à l'an 841, & Lieou-chou à l'an 827 avant J. C.

La troisieme Dynastie nommée Tcheou, commença vers l'an 1122 avant J. C. L'Empire fut alors partagé en différents petits Royaumes, dont quelques-uns s'étendoient un peu au-delà du Kiang, & ce n'eft que depuis l'Ere Chrétienne, que, la Chine s'étant accrue vers le midi & l'occident, on a formé les quinze Provinces que nous connoissons. La lifte de tous les petits Rois dont je viens de parler, depuis l'an 1122 jufques vers l'an 800 avant J. C., eft communément deftituée de faits & de dates chronologiques, dans quelques-unes les noms des Princes ne font pas même indiqués; ainfi l'obfcurité regne encore fur les premiers fiecles de la Dynastie des Tcheou.

Parmi toutes ces petites Principautés, il y en avoit une qui étoit appellée Tfin; c'eft de cette Dynastie que defcend l'Empereur qui fit brûler dans la fuite tous les livres hiftoriques. On prétend qu'il en excepta l'hiftoire de fa famille & plufieurs ouvrages qui concernoient les Arts & les Sciences. Cette exception n'a pas rendu les Chinois plus riches en monumens : il ne leur reste aucun de ces anciens livres, & l'Hiftoire de cette premiere branche de la Dynastie des Tfin n'eft ni plus étendue ni

plus certaine que celle des autres Dynasties. Elle ne remonte pas au-delà de l'an 800 avant J. C. pour les dates chronologiques.

Rien n'eft moins favorable encore à la haute idée que l'on a conçue de l'ancienne Histoire de la Chine, qu'un examen de la maniere dont cette hiftoire a été reftituée. Chi-hoang-ti, qui mourut l'an 2 10 avant J. C., eft celui qui a fait brûler tous les monumens hiftoriques. En effet, sous la Dynastie suivante, l'Histoire étoit dans le plus grand défordre. Vers l'an 176 avant J. C. Se-matfien eut ordre de raffembler tous les Mémoires concernant l'Histoire, qui étoient en très petit nombre & très imparfaits. C'est ce recueil qui forme l'Ouvrage intitulé Se-ki. On découvrit le Chou-king, comme je l'ai dit, & le Tchun-tficou, ouvrage de Confucius, qui ne remonte qu'à l'an 722 avant J. C. On trouva encore vers l'an 265 de J. C., une petite chronique, que l'on appella Tfou-chou : elle commence à Hoang-ti & finit avec la Dynastie des Tcheou, c'est-à-dire, à l'an 782 avant J. C. Ce n'eft qu'une lifte des Empereurs, avec l'indication de quelques événements.

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Ce détail nous apprend que ceux qui rétablirent l'Histoire Chinoise dans le fiécle qui précede l'Ere Chrétienne, étoient bien éloignés des tems dont ils recherchoient les monuments, & que n'ayant qu'un très petit nombre de Mémoires, ils furent fouvent expofés à ne donner que des conjectures: de-là cette diverfité de fentiments fur la durée des regnes, & cette incertitude fur l'époque précife de la fondation de l'Empire ; de-là encore cette ftérilité & cette féchereffe dans les détails, d'où

pas

il réfulte que cette Hiftoire n'eft ni fuivie ni bien circonftanciée, comme on l'a avancé ; que pour les tems reculés, elle n'est point appuyée sur des obfervations astronomiques, & enfin que toute cette partie n'est écrite par des Auteurs contemporains, puifque ce n'eft que bien des fiécles après, que l'on acommencé à raffembler les connoissances que l'on pouvoit avoir de l'antiquité ; ainsi une Hiftoire qui souffre tant de difficultés, ne peut avoir cette certitude qu'on lui attribue, ne peut être préférée, pour les tems anciens, à celle des autres Nations qui ont écrit, ni fervir pour donner aux Chinois une trop haute antiquité. Malgré ces défauts, ces Annales forment un corps précieux pour l'Hiftoire; mais il faut les lire avec circonfpection, les examiner en critique, comparer toutes leurs parties, & fur-tout ne pas adopter aveuglement ni les fables que des Chinois crédules ont ajoûtées après coup, ni celles que leurs Critiques ont la bonne foi de rejetter.

Dans le deffein de former un Ouvrage complet fur les rapports que j'ai apperçus entre les Chinois & les Egyptiens, je me propofois de faire connoître, dans une premiere partie, l'Hiftoire ancienne de la Chine; en examinant ce que je devois employer pour ce travail, j'ai cru que la traduction du Chou-king, avec les additions que j'y ai faites, étoit le morceau le plus intéreffant pour le Public, & le plus convenable à mes vues; ainfi je le donne comme le préliminaire d'un travail long & laborieux, qui m'occupe depuis long-tems, & fur lequel je ne dois rien précipiter, dans la crainte de tomber dans des conjectures. Je fuis d'autant plus encouragé à ne pas

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