Imágenes de páginas
PDF
EPUB

DE LA NAISSANCE DE L'UNIVERS.

LO-PI (1) dit qu'il a connu par l'Y-king (2), dans l'article Ta

tchouen, que le Ciel & laTerre ont un commencement, & il ajoûte que fi cela fe dit de la Terre & du Ciel, à plus forte raifon doit-il fe dire de l'Homme. Dans le Chapitre Su-koua (3) on parle fort clairement de l'origine du monde: Après qu'il y eut un Ciel & une Terre, dit le texte, toutes les chofes matérielles furent formées: enfuite il y eut le mâle & la femelle; puis le mari & la femme, &c. Cette cofmogonie n'eft pas fort différente de celle de Moyfe, qui dit aufli que Dieu fit d'abord le Ciel & la Terre, enfuite les Etres divers, & enfin le premier homme & la premiere femme.

Dans le Hi-tfe (4) one lit ces paroles: l'Y poffede le grand terme, c'est lui qui a produit le couple,I, du couple font venus les quatre images, & de-là les huit fymboles. Quoique ces huit fymboles, ces quatre images & ce couple conduifent l'efprit aux petites lignes (5) dont l'Y-king eft compofé, cependant puifque ces lignes font elles-mêmes autant d'énigmes il refte toujours à chercher ce qu'elles fignifient.

Lo-pi expliquant cet endroit du Hi-tfe, dit que le grand terme

(1) Lo-pi, Cet Ecrivain vivoit fous la Dynaftie des Song Je le citerai fouvent dans la fuite. La Dynastie des Song a commencé l'an 954, & fini en 1279 de J. C.

(2) L'Y-king est le nom du plus ancien, du plus obfcur & du plus eftimé de tous les monuments que la Chine nous ait confervés. Ce qu'on appelle Ta-tchouen eft un Traité divifé en deux parties, qu'on trouve à la fin de 'Y-king, & qu'on attribue vulgairement à Confucius.

(3) Su-koua eft un autre petit Traité qu'on trouve dans le même livre, & dont on fait auffi Confucius Auteur.

(4) Hi-tfe eft ce que Lo-pi a appellé ci-deffus Ta-tchouen.

(5) [Ces lignes font brifées ou entieres; voyez la quatrieme planche, a la fin du volume; c'eft ce qu'on appelle Yn & Yang ].

[ocr errors]

&

gure

que

eft la grande unité & le grand Y, que l'Y n'a ni corps ni figure,
que tout ce qui a corps & figure a été fait par ce qui n'a ni fi-
ni corps.
La tradition porte que, le grand terme ou la
grande unité comprend trois; qu'un eftirois, &
trois font
un. Hoai-nan-tse (1) dit auffi que, l'être qui n'a ni figure ni
fon, eft la fource d'où font fortis tous les êtres matériels & tous
les fons fenfibles: que fon fils c'eft la lumiere, & que fon petit-fils
c'est l'eau. Pour revenir à Lo-pi, il explique le caractere I(2)
par Pi, couple, & ajoûte qu'on ne dit pas eull deux, mais
Leang, parceque eull marqueroit devant & après, au lieu que
Leang dit fimplement une conjonction mutuelle. Les faifeurs de
chroniques on mis ce paffage du Hi-tse à la tête de leurs compi-
lations, parcequ'ils ont cru qu'on y parloit de la naissance
du monde, que le grand Terme n'étoit autre chofe que la ma-
tiere avant toute féparation, comme le dit expreffément
Kong-gan-koue (3), après plufieurs autres, que le Couple défi-
gnoit la matiere diftinguée en pure & en impure, fubtile & grof-
fiere, célefte & terreftre : que venant enfuite à s'unir, il en
réfulta quatre images ou quatre genres principaux, d'où forti-
rent de la même maniere huit cfpeces d'êtres divers, qui se
mariant auffi deux à deux, en produifirent 64, qui repréfen-
tent en général tous les êtres dont l'Univers eft compofé. Sans
m'arrêter à examiner la vérité & la jufteffe de cette expofition,
je cherche d'où vient le grand Terme, qu'on reftreint ainfi à
défigner la matiere dans le cahos; & je trouve que la raison

(1) On l'appelle auffi Hoai-nan-vang, parcequ'il étoit Roi de Hoai-nan. Son Palais étoit une Académie de Savants, avec lefquels il creufoit dans l'antiquité la plus reculée; c'est pourquoi fes Ouvrages font très curieux & fon ftyle eft très beau.

(2) [I. Il ne faut pas confondre ce mot avec y ou ye, qui fignifie unité le caractere eft différent ].

(3) Kong-gan-koue eft un des plus célebres Interpretes qui vivoit du tems de la Dynastie des Han. Il étoit defcendant de Confucius à la huitieme génération. Il trouva le Chou-king dans le creux d'un mur, il le commenta, & y fit une favante Préface. Les Han ont régné depuis l'an 209 avant J. C. jufqu'en 190 de J. C.

que

a fait connoître aux plus habiles Philofophes Chinois que cette matiere ne s'est pas faite elle-même. Le fameux Tcheou-lienki (1) commence fa carte du grand Terme par ces mots effentiels. Il y avoit un être fans borne, & enfuite il y eut le grand terme qui eft Tai-ki- Vang-chin-tfe (2) prétend avec raison la penfée de Tcheou-lien ki eft la même que celle de Confucius. Dans les mots déja cités. You l'unité, a donné l'être (3) au grand terme. Le caractere Y, dit Vang-chin, ne marque point ici un livre nommé Y, mais il faut favoir qu'au commencement, quand il n'y avoit point encore de grand terme, dès-lors exiftoit une raifon agilante & inépuisable, qu'aucune image ne peut repréfenter, qu'aucun nom ne peut nommer, qui eft infinie en toutes manieres, & à laquelle on ne peut rien ajoûter. Tcheou-tse, au-deffus du grand terme, a mis un être fans terme & fans bornes, & il infere entre deux la particule eull, qui marque une poftériorité d'existence, pour faire voir que le grand terme n'étoit pas d'abord, mais qu'il n'exifta qu'enfuite; car fans cela il n'eut jamais mis cette particule entre l'être illimité & l'être limité. C'est ainfi que parle Vang-chin-tfe. Lou-fiangchan (4) dit auffi, que Tcheou-lien-ki entend par Vou-ki l'être illimité, la même chofe que Confucius par Y, dans le paffage cité ci-deffus. Lie-tfe (5) diftingue ce qu'il appelle Tai-y de ce qu'il nomme Tai-tfou & Tai-chi. Lorsqu'il n'y avoit que Tai-y, la grande unité, il n'y avoit pas encore de matiere. Tai-tfou

(1) Tcheou-lien-ki vivoit fous la Dynastie des Song, entre 954 & 1279 de J. C. Il fut le Maître des deux Tchin-tfe; & la plupart des Lettrés de cette Dynaftie, qui font en grand nombre, font profeffion de suivre fa doctrine.

(2) Vang-chin-tfe vivoit fous la Dynaftie des Yuen, entre 1279 & 1333. Il a fait entr'autres Ouvrages, un très beau Commentaire fur l'Y-king. (3) Le mot Yeou fe prend communément pour le verbe auxiliaire avoir; mais il fignifie proprement l'être, & en le prenant dans une fignification. active, c'est donner l'être.

(4) Lou-fang-chan vivoit fous les Song, entre l'année 954 J.C., il eut quelques difputes avec Tchu-hi.

& 1279

de

(5) Lie-tfe eft un Philofophe fort ancien, il fut difciple de Kouan-yun

tfe ; il demeura quarante ans inconnu dans un défert.

eft le premier inftant & le grand commencement de l'existence de la matiere: Tai-chi eft un fecond inftant & le premier moment où la matiere devint figurée. Les corps & la matiere ont un commencement, il n'y a que la grande unité feule qui n'en a point.

Dans le Chapitre Choue-koua (1) on lit ces mots: Le Ti ou le Seigneur a commencé de fortir par l'orient. Le texte se fert du mot Tching, qui eft un des huit fymboles radicaux de I'Y-king (2), & qui défigne l'orient & l'occident. Il parcourt enfuite les fept autres, & finit par Ken (3), qui défigne la montagne. La plupart des Interpretes conviennent qu'il s'agit ici de la création de toutes chofes, & plufieurs ont pensé en Europe que l'univers a été créé au printems.

Haud alios, primá nafcentis origine mundi
Illuxiffe dies, alium-ve habuiffe tenorem
Crediderim : ver illud erat, ver magnus agebat.
Orbis, &c.

äu

Le caractere, Ti, dit Tchu-hi (4), fignifie en cet endroit le Seigneur & le Souverain Maître du Ciel; & fur ce que le texte dit d'abord, le Seigneur fort, & enfuite toutes chofes fortent; le même Auteur dit que toutes chofes obéiffent au Seigneur, & fortent lorfqu'il les appelle. On parle ici, dit Houping-ven (5), de l'ordre avec lequel toutes chofes ont été produites & parfaites. Mais qui les a produites? qui leur a donné la fection? Il faut certainement qu'il y ait eu un Maître & un

per

(1) Choue-koua eft le nom d'un Traité affez court, qui eft à la fin de PY-king.

(2) (Voyez la quatrieme planche, no. 2, lettre d, à la fin du volume). (3) Voyez la quatrieme planche, no. 2, lettre g);

que

Socrate &

(4) Tchu-hi, c'eft le fameux Tchu ven kong, le plus grand des Athées Chinois, fi l'on en croit quelques Savants; ce que j'en dirai ici en paffant c'eft que j'ai fait voir que ce Philofophe n'eft pas plus athée Platon, & qu'on l'a fait paffer pour athée fans aucune preuve. (5) Hou-ping-ven vivoit fous la Dynaftie des Yuen, entre 1279 & 1333 de J. C., il a commenté l'Y-king.

fouverain

fouverain Ouvrier; c'eft pourquoi le texte l'appelle Ti, le Seigneur. L'Y-king dit dans le même fens que le Ciel a fait (Tien-tfao), & dans un autre endroit, que le Ta-gin, ou le Grand homme a fait (Ta-gin-tfao); fur quoi Tfien-ki-fin (1) dit, fans balancer, que le Grand homme a fait le Ciel, la Terre, les Peuples & toutes chofes. Il y a donc un Ciel qui a fait, & un Ciel qui a été fait; & puifque le Grand homme a fait le Ciel & toutes chofes, il faut que le Grand homme foit le Ciel qui n'a point été fait, mais qui eft la fource & la caufe de tous les êtres: comme dit le Li-ki (2), le Ciel corporel & visible eft le fymbole du Ciel invifible, comme le Tai-ki matériel est une image groffiere du Tai-ki spirituel, qui est la même chose que Tai-y ou l'unité.

Hiu-chin (3) expliquant le caractere Y, dit ces paroles : Au premier commencement la raifon fubfiftoit dans l'unité ; c'est elle qui fit & divifa le Ciel & la Terre, convertit & perfectionna toutes chofes. Cela eft clair & formel ; & puifque c'eft la raison qui a fait le Ciel & la Terre, & qu'il eft cependant vrai que le Ciel a fait toutes chofes, il faut néceffairement conclure que le caractere Tien a deux fens, & qu'il dénote quelquefois l'ouvrage & le plus fouvent l'ouvrier; c'eft la grande unité que le Choue-ven appelle Tao; c'est à cet Efprit auquel les anciens Empereurs offroient des facrifices, qui n'étoient dûs qu'au Dieu Souverain.

Le Tao-te-king (4) dit auffi, que la raifon (Tao) produit

(1) Tfien-ki-fin vivoit fous la Dynaftie des Ming, entre 1333 & 1628 de J. C., il a fait deux excellents Ouvrages, l'un intitulé Siang-fiang, & l'autre Siang-tchao.

(2) Li-ki, eft le nom d'un Recueil de cérémonies, fait par les Lettrés de la Dynaftie des Han, entre l'an 209 avant JC & l'an 190 après J.C., quoiqu'il ne foit pas regardé par les Savants comme King, ou canonique, on y trouve cependant beaucoup d'excellentes chofes.

(3) Hiu chin a vécu fous la Dynaftie des Han, entre l'an 20 avant J. C. & l'an 190 après J. C.; il a fait le Dictionnaire intitulé Choue-ven où il donne l'analyfe & le fens propre de chaque caractere. Il nous a confervé une grande multitude de traditions.

(4) Le Tao-te-king eft un livre fort ancien & très profond : il a été com

g

« AnteriorContinuar »