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un, qu'un produit deux, que deux produifent trois, & que trois ont produit toutes chofes (1).

que

à

Il y a une ancienne tradition qui porte que le Ciel fût ou vert à l'heure The, que la terre parût à l'heure Tcheou, & l'homme naquit à l'heure Yn. Ces trois lettres, par rapport un jour, comprennent le tems qui coule depuis onze heures de nuit jufqu'à cinq heures du matin; & par rapport à un an, Tfe commence en Décembre, au point du folftice d'hiver, & répond au capricorne; Tcheou répond à Janvier & au Verseau, Yn répond à Février & aux Poiffons. L'année chinoise a commencé en divers tems par un de ces trois fignes, & c'est ce qu'on appelle San-tching, c'est-à-dire, les trois Tching. Les Chinois appliquent les caracteres Tfe, Tcheou, Yn, &c. nonfeulement aux heures, mais aux jours & aux années. Si on prenoit les trois heures chinoifes, qui en font fix des nôtres, pour les fix jours de la création, chaque jour Dieu continueroit fon ouvrage où il avoit fini le jour précédent; car par Tien-kai (le Ciel fut ouvert ), on peut entendre la lumiere &

pofé par Lao-tfe, qui étoit contemporain de Confucius; on le nomma l'ancien Lao, parcequ'il avoit, dit on, demeuré quatre vingt-un ans dans le ventre de fa mere. Cet Ouvrage contient quatre-vingt-un petits Chapitres.

(1) Pour entendre ces paroles, il faut prendre Tao pour cette raifon fouveraine, faifant abftraction des trois qu'elle renferme. La lettre Seng, qui eft répétée quatre fois, fignifie tellement produire, qu'on doit accommoder ce terme générique à chaque efpece de production particuliere : quand il dit tao-feng-y, c'est-à dire, la raison produit un, il ne faut pas penfer que la raifon exiftoit avant qu'il y eut 1, 2 & 3, car elle n'eft réellement que 1, 2 & 3 qu'elle renferine dans fon effence. Mais comme 3 vient de 2, & que 2 vient de 1, un ou le premier n'ayant point d'autre origine que l'effence de la fuprême raifon, cela fuffit pour dire Tao a produit un. Les mots fuivants un a produit deux font aifés à entendre; deux en cet endroit ne fignifie pas deux, mais le fecond ou le deuxieme. La phrafe qui fuit, deux a produit trois, ne fignifie pas que le deuxieme tout feul pro duit le troifieme, mais en cette place indique le premier & le fecond; c'eft une remarque de tous les Interpretes. Tchouang-tfe dit encore mieux qu'un & la parole produifent le troifieme; enfin les derniers mots trois ont produit toutes chofes, ne fignifient pas que c'eft le troifieme feul qui a tout produit; mais le caractere San défigne ici les trois qui ont conjointement fait tout ce qui a été fait

le firmament; par Ti-pila terre parut), la terre tirée du fein des eaux, & éclairée du soleil & des aftres; par Gin-feng (l'homme naquit), tout ce qui a vie jusqu'à l'homme. J'ai lu dans un Auteur Chinois, qu'au commencement, quand toutes chofes furent produites, elles eurent The pour fource & pour origine. The eft le principe duquel tout eft forti.

Les anciens King (1) ne raisonnent point fur la Phyfique du monde; c'eft une étude trop incertaine. Les Chinois n'ont commencé à bâtir des fyftêmes de l'Univers que fous la famille des Song. On ne doit pas s'étonner qu'ils s'égarent; nos anciens Philofophes n'étoient guere plus habiles qu'eux, témoin la Théogonie d'Héfiode, les mondes de Démocrite & les principes de Lucrece. Ce qu'il y a d'heureux à la Chine, c'eft que les mêmes Auteurs qui fe mêlent de philofopher fur la machine de l'Univers, ont prefque tous commenté les King, qu'ils font tous profeffion de fuivre la grande doctrine que ces anciens monuments ont confervée, & qu'ils reconnoiffent, comme ces King, un Souverain Seigneur de toutes choses, auquel ils donnent tous les attributs que nous donnons au vrai Dieu. Je ne m'arrêterai done point à expliquer la période de Tchaokang-tfie (2), qui comprend une grande année qu'il appelle Yuen, & qui eft compofée de douze parties, comme d'autant de mois, qu'il nomme Hoci, de 10800 ans chacun ; ce qui fait 129600 ans pour le Yuen entier. Quand on a voulu prouver,

(1) On donne le titre de King par excellence aux plus anciens & aux meilleurs livres qui foient à la Chine: qui dit King, dit un Ouvrage qui n'a rien que de vrai, de bon & de grand; en forte que pour dire qu'une doctrine eft fauffe ou mauvaife, on dit qu'elle n'eft pas King (pou-king). Le plus ancien, & de l'aveu des Chinois, la fource de tous les autres eft TY-king, le fecond eft le Chi-king, les Odes, le troifieme eft le Chouking, le Gouvernement des arciens Rois. Il y en avoit encore deux autres; favoir, le Li-ki, les rites, & le Yo-king, la mufique. On dit qu'ils fe perdirent pendant le tems des guerres civiles.

(2) Tchao kang-tfie vivoit fous la Dynaftie des Song, entre l'an 954 & l'an 1279 de J. C.; il eft fameux pour les nombres. Ses périodes ont été mifes au jour par fon fils, & on les trouve dans le recueil nommé Sing-lita-tfuen.

par l'expofé de ce fyftême, que tous les Lettrés Chinois font athées, il me femble qu'il falloit démontrer que, pofé ce fyftême, il n'y a plus de Divinité dans le monde; & de plus, que tous les Lettres modernes font entêtés de cette hypothese; c'eft ce que l'on n'a pas fait.

J'ai lu avec plaifir dans Lo-pi, parlant de Tchao-kang-tfié, que fon hypothefe fera tôt ou tard refutée. Ting-nan-hou (1) dit plus; favoir, que cette période entraîne avec foi bien des doutes; & à ce fujet il loue fort Fang-kouen-chan (2), qui, après avoir demandé comment on veut qu'il ait fallu plus de dix mille ans pour former le Ciel, &c. dit fans balancer, que tout cela eft abfolument faux. Ho-tang (3) foutient auffi que les calculs de Tchao-kang-tfié n'ont aucun fondement, que l'Auteur prétend les avoir tirés de la Carte Céleste de Fo-hi; mais qu'il n'y a rien de moins certain. En effet, c'eft gratis que le calculateur détermine le nombre de 129600 ans, plutôt que tout autre pour la durée de la période entiere; c'eft gratis qu'il en détermine le milieu au regne d'Yao. Enfin il eft incroyable, comme dit Ting-nan-hou, qu'il ait fallu 10800 ans pour que le Ciel fût formé, &c. Si on trouve quelques Lettrés Chinois qui vantent Tchao-kang-tfié, il faut fe fervir de la raison & du témoignage des Auteurs Chinois pour le réfuter.

(1) Ting-nan-hou vivoit fous la Dynastie des Ming, entre l'an 1333 & l'an 1628, il travailla fur l'Hiftoire.

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du

(2) Fang-kouen-chan; c'eft Fang-fong. On l'appelle Kouen-chan nom de fon pays. Il fut grand Miniftre fous la même Dynastie des Ming(3) Ho-tang Docteur, fous la même Dynastie des Ming.

LES PRINCIPALES ÉPOQUES DE L'HISTOIRE CHINOISE.

LES Chinois qui ont travaillé fur leur Hiftoire, ne lui don

nent pas tous la même antiquité. En cette matiere, les plus fcrupuleux font moins en danger de fe tromper. Voici les diverfes époques que leurs plus célebres Auteurs ont fuivies.

La plus éloignée de nous eft celle de Lieou-tao-yuen (1), qui vivoit fous les Song, puifqu'il commence par le premier homme qu'il appelle Pouan-kou. Sous la même Dynaftie Lopi compofa fon favant Ouvrage, qui a pour titre Lou-fe, dans lequel on trouve prefque tout ce qu'on peut défirer fur les anciens tems; il ne paffe pas les Hia; mais il ajoûte quantité de differtations d'une érudition peu commune. Tchin-tle-king (2), fous les Yuen, prit la même époque, & Yuen-leao-fan (3) fous la précédente famille des Ming, adopta tout ce que autres avoient dit avant lui. Ce qu'il a de bon, c'est qu'il infere à propos les jugements critiques d'un affez grand nombre de Savants, ce qui n'eft pas d'un petit fecours.

les

L'époque qui fuit eft celle de Se-ma-tching (4) ; il a fait des commentaires fur l'Histoire de Se-ma-tfien, & a mis à la tête les trois Souverains San-hoang-ki. Le premier des trois est Fo-hi, felon cet Auteur & plufieurs autres. Cette époque

(1) Lieou-tao-yuen vivoit fous la Dynastie des Song, entre l'an 954 & 1279 de J. C. Il travailla fur l'Hiftoire avec Se-ma-kouang, dont je parlerai ailleurs. Mais ramaffant tout ce que Se-ma-kouang avoit judicieufement rejetté, il remonta jufqu'à Pouan-kou, & fit fon Tong-kien-vai-ki. (2) Tchin tfe-king eft l'Auteur du Tong-kien-fou-pien, où il emprunte tout ce qu'il a trouvé dans le Vai-ki.

(3) Yuen-leao-fan, fous la Dynaftie des Ming, entre l'an 1333 & l'an 1628 de J. G, a fait un excellent abrégé de toute l'Hiftoire, qu'il appelle Kang-kien-pou. Il ne dit cependant pas tant de chofes des premiers tems que Lo-pi.

(4) Se-ma-tching s'appelle ordinairement Siao-fe-ma, pour le diftinguer de Se-ma-tfien, Auteur du Se-ki; les Commentaires de Siao-fe-ma le nomment So-yn.

a été fuivie par Vang-fong-tcheou (1), & par Ouei-chang (2). La troisieme époque eft celle de Se-ma-tfien (3), qui a commencé fon élégante Hiftoire par Hoang-ti.

La quatrieme époque eft celle de Kin-gin-chan (4), qui ne commence qu'à l'Empereur Yao.

La cinquieme & derniere époque, eft celle de Se-ma-kouang (5). Sa grande Histoire eft en 294 volumes: il commence par le Roi Goei-lié-vang, c'est-à-dire, aux guerres civiles qui durerent jufqu'à ce que le Roi de Tfin, devenu Maître de toute la Chine, fe fit appeller Chi-hoang-ti, c'est-à-dire, le premier Souverain Seigneur. Tchu-hi commence fon Kang-mo (6),

(1) Vang-fong-tcheou a fait un abrégé de l'Hiftoire, qu'il appelle Tchingfe-tfuen pien; il ne vaut pas Yuen-leao-fan.

(2) Ouei chang eft un Auteur qui a travaillé fur le Vai-ki de Lieou-taoyuen, & fur le Tfien-pien de Kin gin-chan; on le trouve au commencement du Kang mo de Tchu hi, où il eft appellé Ouei-chang fien-feng, le Docteur Ouei-chang. Quand il expose fon fentiment, il dit Hien-gan, c'est-à-dire, moi Hien, je remarque, &c. Ainfi, comme on voit, fon petit nom eft Nan-hien; il eft différent de Tcheou tfing-hien, dont parle Yuenleao-fan, qui a auffi travaillé fur le Kang-mo de Tchu-ven-kong, le même que Tchu-hi.

(3) Se ma tfien a fleuri fous les Han, qui monterent fur le Trône l'an 206 avant J. C. On l'appelle, par honneur, Tai fe-kong, & on le meta u nombre des Tfai-tfe, ou beaux efprits, qui ne font pas plus de fix; & cela non-feulement à caufe de l'élégance de fon style, mais parceque fon livre eft fait avec un art inconnu au vulgaire.

(4) Kin-gin-chan a vécu fous la Dynaftie des Song, entre l'an 954 & l'an 1279 de J. C. Son ouvrage appellé Tong kien thien-pien, fe trouve au commencement du Kang-mo,après ce que Quei-chang a cru devoir y ajoûter. (5) Se-ma-kouang eft fans contredit un des plus célebres Philofophes de la Dynastie des Song; fa grande Hiftoire a pour titre Tfe-tchi-tong-kien. (6) Ces deux mots me donnent occafion de les expliquer, avec quelques autres qu'on a rencontrés dans ce Chapitre. L'histoire doit être liée & enchaînée comme un filet Kiang, c'eft la groffe corde du filet, à laquelle toutes les autres petites font attachées, Ki exprime les menues cordes qui forment le treillis du filet, Mo défigne les yeux ou les petits vuides qui font entre les chaînons. L'Hiftoire eft comme un miroir; de-là kien fignifie miroir & hiftoire ; fe veut dire hiftorien; pien fignifie ranger avec ordre, fuivre le fil; tong qui fe joint fouvent à kien, veut dire pénétrer, reconnoître clairement; un miroir qui ne cache rien, tong-kien.

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