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idée du vrai & du beau, & quelles routes ils tiennent pour arriver au même but.

Cependant, comme on traite volontiers d'inutile ce qu'on ne fçait point, & que l'Hiftoire des Sciences eft moins à la portée de certaines gens, que l'Hiftoire des Nations & des Empires, la première. paffera peut-être pour un vain amu, fement. Un beau difcours nous plaît, un Poëme bien conduit nous attache, un excellent Tableau nous touche; que nous importe, dirat-on, que Demofthene ait excellé dans !'Eloquence, Homere dans la Poëfie; Apelle dans la Peinture ? Nous jouiffons des découvertes qu'on a fait dans les Arts ; à quoi bon examiner fi les Anciens ont connu la circulation du fang, & dans quel fiécle on a trouvé la Bouffole?

En vertu d'un raisonnement fi plaufible, on pourra impunément confondre les tems, & les caractères des Grands hommes ; fe perfuader que l'Italie étoit auffi favante fous le Régne de Théodoric que

fous le Pontificat de Leon X. & la France auffi polie fous Philippe Augufte que fous Louis XV. Il fera même permis d'avancer que Pindare a réüffi dans le Tragique, & Sophocle dans le Lyrique. Une igno rance fi profonde à l'égard des faits hiftoriques obfcurciroit bien-tôt les Belles-Lettres. On ne feroit plus en état de choifir de bons modéles plus utiles fans contredit que tous les préceptes. Le mauvais goût rameneroit la barbarie, dont on a eu tant de peine à fe défaire.. On faifit avec avidité les récits des Siéges & des Batailles les exploits des Grands Capitaines, les avantures bizarres, toujours fabuleufes, des Héros de Roman: fera-t-il indigne d'un homme fage d'étudier hiftoriquement les opinions humaines? Les différentes formes fous lefquelles on a vû paroître les Sciences en des Climats différens, offriront-elles un fpectacle moins varié & moins agréable que ces révolutions qui ont renverfé les Etats, que cette feinte contexture d'évenemens, que ces por

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traits de pur caprice qui ne plaifent que par l'imitation? Curiofité pour curiofité, amaffons toujours des connoiffances qui à une utilité réelle, joignent beaucoup d'agré

ment.

Il y a plus. Si l'objet de l'Hiftoire eft de peindre l'homme par rapport à l'efprit & au coeur, ne man que-t-il pas à cette peinture un trait effentiel lorfqu'on néglige l'un de ces deux points, pour s'attacher uniquement à l'autre ? Le peu de goût qu'on voit dans Mummius pour les chefs-d'oeuvres de l'Art n'en tre t-il pas dans le caractère de Conful Romain? Ne peut-on pas rapporter à la paffion qu'eurent les Egyptiens pour toutes fortes de Sciences, le penchant de ce Peuple pour une vie douce & paifible, & le peu d'empreffement qu'il fit paroître à étendre les limites de fon Empire? auffi les bons Hiftoriens de l'Antiquité ont-ils eu un foin particulier de recueillir les points importans de l'Hiftoire Littéraire. Tite-Live n'omet aucune occafion de parler de

l'abrogation des anciennes Loix, & de l'établiffement des nouvelles. Il ne croit pas même fortir de fon fujet, lorfqu'il mêle avec les faits les plus intéreffans l'origine de la Comédie. Velleius Paterculus, dans un Abrégé très-fuccinct, fait paffer en revûë les Sciences, & les Savans; il ne fe croit pas permis de négliger les Artifans habiles.

Il est vrai que la plupart des Modernes n'en ont pas ufé ainfi. Les uns ont vêcu dans un fiécle où l'on avoit perdu les traces des Sciences; les autres ont paru dans un tems où les Arts ne faifoient que de naître. Aujourd'hui que les Sciences font en vigueur, nous ne manquons pas de fecours pour avoir à fond leur Hiftoire. Mais nos Ecrivains fe font partagé leur tâche. Ils ont don né l'Hiftoire Littéraire piéce à pićce, au lieu de la donner en entier & dans toute fon étenduë.

En attendant qu'une main habile veüille bien fe donner la peine de ramaffer ces matériaux épars, je préfente aux jeunes gens qui commen

cent d'entrer dans le Monde une courte Introduction à cette Hiftoire. Ils n'y puiferont pas une connoiffance exacte de tout ce qui regarde les Arts, ce qui n'appartient nullement à un Effai: mais ils pourront peutêtre avec ce fecours prendre des idées juftes, claires & précises de chaque Science, de chaque Art en particulier; fixer à des époques certaines fa naiffance, fon accroiffement, fa perfection, fa décadence & fon renouvellement; fe familiarifer enfin avec des Savans dont ils entendront fouvent parler, & dont les noms fe trouvent prefque toujours accompagnés dans cette inf truction d'un trait qui les caractérife.

Au refte, je n'ai point fuivi mon propre goût dans le jugement que je porte fur ces Savans. Qui fuisje pour m'ériger en Juge des Ouvrages, & pour régler les rangs entre les Auteurs ! Ce droit n'appartient qu'au Public. Lui feul peut immortalifer les uns, & condamner les autres à un oubli éternel.

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